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Alitalia aux soins intensifs, Air France dubitatif

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Pierre Sparaco

Alitalia qui perd actuellement un million d’euros par jour joue sa survie. Air France-KLM, allié tout désigné du point de vue de Roberto Colaninno, président du conseil d’administration, hésite à intervenir.

Le groupe Air France-KLM commet-il sous nos yeux une erreur de stratégie ? La question est implicitement posée quand on constate que les exigences alignées par Paris pour concrétiser un projet de reprise sont mal reçues ou tout au moins incomprises à Rome. Avec pour résultat une étonnante guerre des nerfs, un télescopage de demi-vérités et de sérieuses incompréhensions. En clair, on sent le groupe franco-hollandais moins motivé que précédemment à franchir les Alpes alors que la main tendue des Italiens lui donne une occasion unique de croissance externe et de renforcement de ses positions commerciales européennes.

Il serait sans doute malvenu de personnaliser outre mesure cette évolution. Mais on devine Alexandre de Juniac, PDG d’Air France-KLM, sensiblement moins motivé que son prédécesseur, Jean-Cyril Spinetta, à l’idée de prolonger vers le sud l’axe aérien Paris-Amsterdam. D’où le danger que le gouvernement italien n’incite « sa » compagnie à se mettre sans tarder à la recherche d’un autre partenaire. Et cela malgré l’absence de candidature déclarée, mis à part les propos opportunistes des dirigeants de Ryanair, prêts à récupérer les lignes intérieures que l’effondrement d’Alitalia libérerait.

Dans l’immédiat, du point de vue des autorités italiennes, il s’agit plutôt d’acheter du temps, grâce à une augmentation de capital immédiate de 300 millions d’euros, qui sera souscrite en partie par les Postes italiennes. Mais, là aussi, il y a contestation, dans la mesure où certains observateurs voient dans cette recapitalisation une aide étatique qui n’avoue pas son nom. Aussi les présidents de Lufthansa, d’une part, de British Airways, d’autre part, ont-ils d’ores et déjà exprimé de sérieuses réserves quant aux conditions de cette injection d’argent frais. Sans lequel Alitalia risque tout simplement le dépôt de bilan, voire la faillite.

Air France-KLM, qui détient depuis 2009 25 % du capital d’Alitalia, hésite à précipiter les événements, pose des conditions draconiennes à la poursuite des discussions, par exemple un moratoire sur le développement du réseau long-courrier de la compagnie italienne et une contraction de son réseau court/moyen-courrier. Par ailleurs, des informations pour le moins contradictoires circulent sur de nécessaires suppressions d’emplois, un thème qui inquiète les politiques et fait gronder les syndicats. Lesquels ont prouvé dans le passé qu’ils sont extrêmement puissants, ce qu’avait fait oublier ces temps-ci leur ton provisoirement conciliant.

L’analyse de la situation, telle qu’elle est faite à Paris, est-elle suffisamment réaliste ? Et tient-elle compte des spécificités de la Péninsule ? Cette double question est posée, de facto, dans la mesure où ce serait indubitablement une erreur de sous-estimer le patriotisme économique sous-jacent toujours à l’œuvre à Rome, les propos de Silvio Berlusconi sur ce thème ayant laissé des traces profondes. Lesquelles ont survécu à la déchéance de l’homme politique jadis tout puissant.

Roberto Colaninno, président du conseil d’administration d’Alitalia, prêt à quitter la scène, fin diplomate, s’efforce d’éviter tout risque de rupture, Air France-KLM étant à ses yeux un allié tout désigné. Mais, secrètement, à Rome, on se demande si Air France-KLM a encore les moyens de ses ambitions, c’est-à-dire la capacité de mener à bien une opération de croissance externe de grande envergure. Alitalia est pourtant, potentiellement, une bonne affaire, avec un réseau de 101 escales, 4.800 vols par semaine et une flotte de 137 avions d’un âge moyen de six ans et demi seulement.

Certes, peut-on ajouter, elle perd actuellement près d’un million d’euros par jour, son déficit a atteint 250 millions au cours du premier semestre mais les comptes du troisième trimestre n’en ont pas moins été équilibrés. Il y a là ce qu’on pourrait appeler un bon potentiel. D’où la crainte de voir Air France-KLM rater une bonne affaire, laquelle suppose évidemment d’être capable de regarder au-delà de difficultés immédiates. Et c’est sans doute là que réside le nœud du problème.

Pierre Sparaco

Boeing 747-400 d'Alitalia
Roberto Colaninno, président d'Alitalia, joue un rôle primordial dans la tentative de sauver la compagnie et de lui construire un avenir
Boeing 777-200 d'Alitalia
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Pierre Sparaco

View Comments

  • Alitalia aux soins intensifs, Air France dubitatif
    Dans l'affaire Alitalia la KLM y a déjà laissé une partie de son ramage si AF qui est très malade veut signer son propre arrêt de mort elle est sur la bonne voie....
    Je n'irai pas aux obsèques.

  • Alitalia aux soins intensifs, Air France dubitatif
    A.F. pourrait se borner a CONSEILLER Alitalia en matiere de survie , en ce qui concerne une "AIDE ETATIQUE"...
    On a pu voir depuis longtemps que c'etait dans ses cordes.
    Son puissant syndicat (qui peut faire la pluie et le mauvais temps dans tous les domaines, la CGT de l'aerien) connait la recette.....
    Et ne pas avoir les yeux plus grands que le ventre...

  • Alitalia aux soins intensifs, Air France dubitatif
    Avec ce genre de raisonnement, on ne s'étonne pas qu'AF soit en difficulté l'on devine que le crime doit profiter à certains.

  • LA CHUTE
    La chute de l'une va précipiter celle de l'autre....Qui sait encore compter ?
    Irez-vous en bons pères de famille acheter une deuxième voiture alors que la première n'est pas encore payée et que vous êtes concerné par un licenciement ????

  • Alitalia aux soins intensifs, Air France dubitatif
    Quand une société qui perd des millions par jour et reprise par une autre qui en perd autant, ça ne peut donner qu'un entité qui gagne de l argent !!:-)

  • Alitalia aux soins intensifs, Air France dubitatif
    Avec des comptes dans le rouge , des plans de restructurations qui se suivent et se ressembles , un reseau domestique ultra deficitaire je serai bien curieux de voir ou air france pourrait trouver les fonds ?
    Si oui ? est ce vraiment oportun de prendre en main une entreprise ultra syndique? et avec un reseau oriente vers le vieux continent alors que le traffic explose en orient !
    A moins d obtenir un accord avec les etats pour obtenir des subventions caches ..... c est quitte ou double soit on perd 25 pour cent soit on peut rejoindre alitalia dans la chute .

  • Alitalia aux soins intensifs, Air France dubitatif
    En terme de stratégie, les Hollandais ne pourraient voir d'un bon oeil le déplacement du centre de gravité de la holding vers le Sud. Et les Italiens seraient-ils prêts à une plus grande discipline ? On peut en douter. Cela a pris du temps à Air France, en fait depuis que Christian Blanc avait tapé du poing sur la table. Y a-t-il un Cristiano Bianco dans la Cité éternelle ?

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