Les experts de Boeing revoient à la baisse leurs perspectives de croissance pour les 20 ans à venir, mais dans des proportions qui demeurent modestes. Ils tablent sur la capacité du transport aérien à rebondir après les crises. Reste à savoir quel sera l’impact définitif du Covid-19 comparé à celui des attentats du 11 septembre 2001 ou de la crise financière de 2008.
Malgré la crise sans précédent que connait depuis début 2020 le transport aérien mondial, Boeing a publié son analyse prospective annuelle du marché aéronautique (Commercial Market Outlook, CMO) pour les 20 ans à venir. Darren Hulst, directeur commercial et marketing de Boeing justifie ce choix en rappelant que le transport aérien étant une industrie à cycle long, il est indispensable d’établir des prévisions. « Cela est encore plus vrai aujourd’hui ! », affirme-t-il.
Le Covid-19 sera-t-il un incident de parcours ou une remise en question ? Les experts de Boeing semblent opter pour la première solution. Ils justifient cette certitude en affirmant que « les fondamentaux qui ont soutenu la croissance du transport aérien au cours des cinq dernières décennies et qui ont permis au trafic aérien de doubler au cours des 20 dernières années demeurent ». Pour s’en convaincre, ils affirment que depuis le début de l’ère du réacteur, l’aviation a connu d’autres « chocs » et qu’elle s’en est toujours remise.
Pour preuve, après le 11 septembre 2001 et l’épidémie de SRAS en 2003, la croissance est revenue en 2004. Après la crise financière de 2008, la reprise est intervenue en 2011. Les experts se déclarent donc « confiants dans la résilience de l’aviation commerciale. ». Ils font remarquer au passage qu’à chaque sortie de crise, le transport aérien a innové dans le sens d’un meilleur service.
En temps normal, d’une année sur l’autre, les CMO de Boeing se ressemblent, le nouveau millésime venant confirmer le précédent, avec quelques insensibles ajustement à la marge, d’une année sur l’autre. C’est vrai aussi pour l’étude d’Airbus, comme celles des motoristes ou des équipementiers. Ces prévisions s’appuient sur les mêmes fondamentaux. Les analystes sortent des mêmes moules.
Dans le cas présent, comme après le 11 septembre ou après la crise des subprimes, toute la difficulté est de pouvoir se projeter au-delà de l’événement alors que l’industrie est en train de se débattre dans des difficultés. En 2020, l’exercice apparaît d’autant plus compliqué que le transport aérien s’est arrêté complètement plusieurs semaines et que les obstacles à la reprise se multiplient au fil des mois.
C’est le syndrome de l’A380 de Qantas. Quand tout part de travers, que rien ne fonctionne plus, il faut se raccrocher aux ressources disponibles. Sous la pression environnementale et face à la nécessité de réduire toujours plus leurs coûts opérationnels, les compagnies aériennes n’ont d’autres choix que d’accélérer le renouvellement de leurs flottes. Les experts sont confortés par le fait, qu’au cours des dix dernières années, les compagnies ont repoussé le retrait des plus anciens avions.
Sur les dix dernières années, la croissance du trafic aérien s’est située à 6,5% par an. Sensiblement au-dessus des 5% de la tendance globale. Les compagnies ayant besoin de toujours plus de capacité et les délais des avionneurs s’allongeant, la solution a été de faire durer les avions en service. Actuellement, Boeing estime que 4.000 avions ont plus de 20 ans.
En 2019, Boeing prévoyait que, sur les 20 ans à venir, la part des nouvelles livraisons consacrées au renouvellement de la flotte se situerait à 44%. Désormais, il table sur 48%. En temps normal, le taux annuel de renouvellement de la flotte mondiale est de 2 à 3%. Après les attentats du 11 septembre 2001 et l’épidémie de SARS (2003), le taux annuel de renouvellement a oscillé entre 4 et 5% pendant cinq ans. Après la dernière grande crise financière de 2008, ce taux a été de 4% en moyenne sur les cinq années qui ont suivi.
L’étude prospective 2020 tient compte de ces données. D’où l’augmentation de 4 points de la part du remplacement dans les livraisons à venir d’ici à 2039. Toutefois, cette part devrait être plus importante sur la décennie à venir qui sera celle de la « résilience », selon le terme consacré.
D’ici à 2029, 56% des livraisons de nouveaux avions seront destinés au renouvellement. Au total, les experts de Boeing a calculé très précisément que le nombre total des avions neufs livrés dans les dix ans à venir atteindrait 18.350 unités. C’est 11% de moins que le chiffre annoncé en juin 2019, au moment du salon du Bourget, dans le CMO2019. La valeur de ces livraisons est estimée à 2.900 milliards de dollars, contre 3.100 un an plus tôt.
« À plus long terme, sous réserve que les principaux facteurs industriels demeurent stables, la flotte commerciale devrait retrouver sa tendance à la croissance, générant une demande de plus de 43.000 nouveaux avions sur la période de 20 ans couverte par l’étude. ». On aura noté la précaution. En juin 2019, Boeing parlait de 44.040 avions pour une valeur de 16.000 milliards de dollars.
D’ici à 2039, Boeing a donc calculé que l’industrie aéronautique allait livrer, très précisément, 43.110 nouveaux avions dont 2.430 jets régionaux, 32.270 monocouloirsBoeing affirme que la demande de monocouloirs se rétablira plus rapidement en raison de son rôle clé sur les vols court-courriers et les marchés intérieurs, ainsi que de la préférence des passagers pour les liaisons point à point., 7.480 gros porteursLa demande de gros-porteurs sera affectée par la lenteur de la reprise sur les liaisons long-courriers — ce qui est habituel après un choc enregistré par le secteur aérien —, ainsi que par les incertitudes inhérentes à l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les transports internationaux, précise Boeing et 930 cargosDans le domaine du fret aérien, un secteur relativement épargné en 2020, la demande devrait augmenter de 4 % par an et générer une demande supplémentaire de 930 gros porteurs neufs et la conversion de 1.500 avions cargo au cours de la période couverte par les prévisions.. La flotte mondiale devrait progresser en moyenne de 3,2% par an.
Pour faire tourner cette flotte qui en 2039 devrait compter 48.800 unités, contre 25.900 en 2019, va générer plus de 9.000 milliards de dollars de services. Sur les 20 ans à venir, selon Boeing, l’industrie va devoir former 2,086 millions de professionnels, dont 605.000 pilotes, 607.000 techniciens de maintenance et 874.000 personnels de cabine. Pour l’Europe, les besoins en ressources humaines seront respectivement de 115.000 pilotes, 113.000 techniciens et 181.000 navigants commerciaux. Il ne s’agit évidemment que de prévisions appelées à être réactualiser régulièrement.
Gil Roy
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Ce genre de communication prédictive de la part d'un grand industriel n'a aucun autre objectif que de beurrer les lunettes de Wall Street.
En général d'ailleurs quand un industriel prend la peine d'expliquer aux analystes que le marché va être booming, c'est pour sous-entendre que sa propre entreprise le sera nécessairement aussi, et ainsi dissimuler des réalités internes bien différentes.
Au lieu de prétendre mesurer le recovery de son industrie après le COVID, et de calculer à 10 unités près le nombre d'avions que le marché est sommé d'acquérir dans les X prochaines années, il me semble que Boeing serait mieux inspiré de réfléchir à sa propre recovery après le 737MAX et à la façon dont il pourrait espérer sauver une part significative de ce futur "eldorado".