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Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté

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Pierre Sparaco

Dubaï va devenir le centre du monde aérien, grâce à Emirates, dont rien ni personne ne peut freiner l’irrésistible ascension. Ce sera bientôt la plus grande compagnie aérienne au monde, forte d’une flotte de plus de 250 gros porteurs long-courriers. Grâce à une stratégie exceptionnellement solide et, plus étonnant,… un zeste de modestie.

Tim Clark, directeur général d’Emirates, citoyen de Sa Majesté aux manières policées, dont le flegme très britannique dissimule mal un dynamisme pour le moins impressionnant, vient de mettre les choses au point : « être la plus grande compagnie n’est pas un but en soi. Mais notre objectif est de relier les voyageurs à Dubaï et toute autre destination, avec une seule escale ». Tout a déjà été dit sur cette réussite unique dans l’histoire du transport aérien, basée sur une exploitation systématique de ce qu’il est convenu d’appeler, en termes juridiques, la « 6e liberté »

La « sixième liberté »


Les guillemets s’imposent dans la mesure où la notion de « 6e liberté » n’apparaît pas en tant que telle dans les réglementations de base du transport aérien telles que définies par la Convention de Chicago de 1944. Les juristes expliquent qu’il s’agit de la possibilité pour une compagnie de transporter des passagers entre deux pays étrangers en passant par le territoire de son propre Etat d’immatriculation. C’est l’ancêtre du « hub », une manière de faire qui s’est étendue à des flux de trafic indépendants de tout service direct desservant l’Etat d’origine du transporteur. Exemple : Rome-Genève par une compagnie belge, indépendamment de tout service au départ ou à destination d’un aéroport belge (exemple cité par les juristes Jacques Naveau, Marc Godfroid et Pierre Frühling dans leur « Précis de droit aérien », Editions Bruylant).
, c’est-à-dire le transport de voyageurs aériens entre plates-formes tierces. Dubaï, en effet, n’a pas de vrai marché intérieur avec à peine 2 millions d’habitants.

Avec la 6e liberté, il ne s’agit pas d’utiliser un vide juridique à proprement parler mais aussi d’appliquer à l’extrême la notion de hub en tirant tout à la fois parti de l’excellente localisation du Moyen-Orient et des progrès de la technique aéronautique. Chez Emirates, les dirigeants sont capables d’aller à l’essentiel en un minimum de mots : depuis Dubaï, 90 % de la population mondiale peuvent être desservi par des vols directs, notamment en Airbus A380 ou Boeing 777-300ER. Mais il ne s’agit pas pour autant de construire une stratégie commerciale uniquement sur des vols d’une durée de 14 ou 16 heures. La preuve chiffrée : un tiers de la population mondiale se situe à moins de 4 heures de vol de Dubaï. Dans ces conditions, il « suffit » de mettre en œuvre des moyens adéquats pour réunir les conditions d’une progression de trafic à deux chiffres. En 2005, Emirates a transporté 24,8 millions de passagers, plus de 47 millions 5 ans plus tard. Ce qui a supposé des ouvertures de ligne nombreuses, une qualité de service au-dessus de tout soupçon et des grilles tarifaires compétitives.

Aujourd’hui, la compagnie dubaiote, largement bénéficiaire, qui ne manque pas une occasion de souligner qu’elle n’est en rien subventionnée, dessert 135 destinations dans 76 pays (dont une vingtaine inaugurées depuis le début de l’année dernière) et met en œuvre des moyens considérables : elle s’achemine vers une flotte d’une centaine d’A380, serait visiblement prête à devenir client de lancement de l’A380-900 allongé et, le mois prochain, pourrait annoncer une commande de 100 à 175 Boeing 777X. Des repères qui donnent le vertige.

Il est d’autant moins étonnant que les critiques soient nombreuses, faites de méfiance, voire de suspicion. Chacun se souvient d’un incident violent qui a opposé il y a quelques années Tim Clark à Jean-Cyril Spinetta, alors président d’Air France, lors d’un Cannes Airlines Forum organisé par APG. Depuis lors, Emirates a appris à ouvrir ses livres comptables aux observateurs et à éradiquer les idées reçues qui suscitent l’ire difficilement contenue de ses dirigeants. A commencer par la légende du pétrole à bon marché, du kérosène à vil prix, qui ne correspond à aucune réalité. Tout au contraire, la ville-Etat de Dubaï n’a tout simplement pas de pétrole et se fournit, au prix du marché, chez BP, Shell, Chevron, Enoc et Emojet.

Finalement, l’essentiel est ailleurs. A savoir la volonté de Dubaï de faire de son pavillon aérien une priorité économique, source importante de revenus et élément essentiel de diversification économique. Dans le Golfe, d’autres cherchent à s’inspirer de cet exemple, avec plus ou moins de bonheur. Mais, apparemment, il leur manque… le talent.

Reste à percer un mystère, à lever le voile sur une grande incompréhension : à partir du moment où une grande compagnie qui se donne les moyens financiers de la réussite, aligne une flotte considérable, arrive ainsi à bâtir sa réussite pour l’essentiel sur la 6e liberté, rien ne devrait empêcher ses concurrents d’en faire autant, à leur manière. Ce n’est pourtant pas le cas, et certainement pas en Europe.

Ainsi se façonne à petites touches le transport aérien nouvelle manière, tournant résolument le dos au passé : l’avenir appartient visiblement à Emirates et Ryanair, et à personne d’autres. Autant l’avouer humblement, on a du mal à le croire.

Pierre Sparaco

Le Terminal 3 de l'aéroport de Dubai et ses 20 portes d'embarquement destinées exclusivement aux Airbus A380 d'Emirates Airlines
Emirates s’achemine vers une flotte d’une centaine d’A380…
Emirates pourrait annoncer une commande de 100 à 175 Boeing 777X.
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Pierre Sparaco

View Comments

  • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
    Modeste contribution d'un pilote basé à Dubaï (pour alimenter le débat avec des faits vécus):

    Je partage le ciel du Moyen Orient, tout les jours, aux côtés des 3 "majors du Golfe" (QR, EY et EK), au départ de la plate forme de DXB, aux commandes d'un "mono-couloir européen".

    Il règne actuellement, dans le Golfe, le sentiment d'être tous assis sur une bulle aéronautique, une bulle qui gonfle, qui gonfle ...et qui profite à beaucoup :
    - les pilotes européens qui y trouvent un travail rémunéré correctement certes, mais qui demeure très précaire (QR a un turn over sans commune mesure avec tout autre compagnie). Je confirme les pratiques managériales "médiévales" qui feraient s'indigner Michael O., le très médiatique patron de Ryanair. La rémunération est aussi une source de concurrence faussée, souvent ignorée, à tors quand il s'agit de dénoncer les pratiques de concurrence déloyale: en effet, le salaire n'est pas à "coût complet" car il n'inclue pas la prise en charge, par l'employeur, des cotisations retraite des employés, comme c'est le cas pour la plupart des compagnies européennes en concurrence avec celles du Golfe. Ce différentiel de coût (20% du salaire) est, à mon avis, du même ordre que l'absence de taxation sur les bénéfices.
    - Toulouse et Seattle qui se partagent des commandes à deux, voire trois chiffres, en nombre d'unités. Les volumes étant tels qu'ils obligent les deux constructeurs à augmenter les cadences, à faire des investissements capacitaires .... et à exiger la même chose de leur chaîne de fournisseurs respectives en les entraînant dans des prises de décision risquées. Certes, durant la ruée vers l'or, au 19 siècle, aux Etats-Unis, seuls les vendeurs de pelle et de pioches sont devenus riches. Mais les volumes de pelles et de pioches modernes (les 777X et autres A350 XWB et A380-900) de l'expansion des compagnies du Golfe entraînent des prises de risques aux conséquences autrement plus sévères, en cas de retournement. Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel. Les modèles de développement de QR et EK (EY joue un cran en dessous à mon humble avis) sont ils crédibles? Est ce une approche bien prudente que de croire toutes les promesses de Dubai et de Doha? En remontant aux origines du succès de Dubaï, il y a un savoir faire inné du commerce (perles, esclaves,...) qu'il faut garder à l'esprit quand on les côtoie au quotidien... Ils ont bien réussit à vendre des villas sur un archipel d'iles artificielles (The World) sur lequel la nature a déjà recommencé à reprendre ses droits (en clair, l'archipel est en train de couler, mais le secret est bien gardé!).
    - l'instabilité chronique de la région et les nombreux problèmes qui s'annoncent (explosion de la population active jeune à qui il faut trouver un "vrai" travail, dépendance excessive à la main d'oeuvre immigrée, intérêt croissant des ONG sur les conditions de travail des travailleurs immigrés, tension hydrique et accès à l'eau, déséquilibre des finances publiques et emprunteurs nets sur les marchés internationaux, économie de la "fuite en avant", secteur immobilier gangréné par les pyramides de ponzi...) générent une attitude générale proche du mercenariat, clairement assumée chez les expat. Chacun se tient prêt à "take the money and run"...en cas grisou.
    - une bulle pas prête de se dégonfler car elle est alimentée par les poches très très profondes d'acteurs irrationnels. Les pétro-monarchies du golfe, à l'étroit dans leur bac à sable, vivant sous la menace permanente de puissant voisins aux visées expansionistes séculaires (Iran, Pakistan, Arabie Saoudite,...) considèrent l'expansion par la voie des airs comme une conquête de leur "espace vital". Cette nouvelle frontière leur apporte visibilité et "prestige", deux variables intangibles mais qui flattent l'ego et qu'ils financeront quel qu'en soit le coût.

    La bulle jusqu'où? Quelle est élasticité de l'enveloppe? Jusqu'ici tout va bien...

    Mes respects à PS dont je dévore la fluidité de la prose et la pertinence des analyses toujours avec un grand délice.

  • Emirates superstar
    Ces commentaires confirment qu'Emirates constitue plus que jamais un "cas" sensible et sans doute l'actualité nous donnera-t-elle l'occasion d'y revenir. Aux lecteurs qui me reprochent d'avoir de facto mis Emirates et Ryanair sur un pied d'égalité, sur le plan de l'information s'entend (et André Turcat le premier), je réponds qu'ils ont raison ! Cela étant dit, je connais bien entendu les travaux du Commissariat général à la stratégie et à la prospective et plus particulièrement le document intitulé "les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles ?"
    Mais où sont les supposées incohérences ? A vrai dire, le ton de l'article est peut-être légèrement emphatique et, malheureusement, certaines sources ne sont pas accessibles. A commencer par les résultats de la mission à Dubaï menée par Air France, à la demande de Jean-Cyril Spinetta, et dont on ne sait rien. Tout au plus peut-on deviner qu'elle n'a rien donné de probant. De même, comment savoir si Emirates bénéficie auprès de ses voisins de tarifs pétroliers particuliers ? Enfin, ce n'est pas à Turkish Airlines, mais plutôt à Etihad, que nous pensions en faisant allusion aux compagnies qui cherchent avec beaucoup de difficultés à s'inspirer du modèle Emirates. Rendons grâce à ces lecteurs attentifs et critiques: le ton général de l'article n'était sans doute pas suffisamment dubitatif...
    P. Sp.

  • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
    Donc en France il n'y aurait pas d'esclaves comme il est dit ici...les conditions sont ce qu'elles sont a Dubai mais tout le monde a un boulot et bp entretiennent souvent un village complet ds leur misereux pays d'origine...je le sais je discute svt avec eux...mais l'arrogance a la francaise jette un regard meprisant sur une success story...combien de gens ds l'aerien en France travaille ds des conditions pourries avec des salaires de misere??? Qui sont les vrais esclaves??? Continuer de jeter la pierre la caravane du desert d'Arabie passe.......

    • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
      En réponse à François ,
      Monsieur l'esclavage aux Emirats que vous ne connaissez à priori pas n'a vraiment rien de commun avec ce que vous imaginez et surtout n'est en rien comparable à ce que l'on peut voir chez nous.
      Il s'agit en fait de vrais esclaves qui n'ont rien à envier à ceux de l'antiquité. Ce sont des gens qui souffrent et le taux de suicides est élevé.

  • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
    Merci à Monsieur André Turcat dont je suis honoré de voir l'avis et que je partage.
    Dubaï est devenue une ville magnifique mais à quel prix. Aux Emirats l'esclavage se cache derrière des richesses insensées. Des être humains souffrent le calvaire et meurent en esclaves et beaucoup d'entre eux ne reverront jamais leur pays d'origine ne pouvant s'échapper de cet enfer car leur passeport a été confisqué...
    Qu'on se le dise....

    • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
      100 % d'accord avec vous , pour cela je ne voyagerais plus jamais avec eux ..ils n'ont aucun respect pour leur employé venant d'asie

  • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
    Vouloir nous faire croire que Dubaï paierait son pétrole aussi cher que les autres compagnies ....... c'est étonnant.
    Les Emirats Arabes Unis sont un pays où certains Emirats ont du pétrole, croyez -vous qu'il y ait un embargo envers Dubaï?
    En 2001, quand je faisais mon plein, en tenant compte du change, le prix du litre d'essence avoisinait les 1.02 Francs.
    Quant à la population, à l'époque sur un peu plus de 2 millions d'habitants, seuls 750 000 Emiraties de souche y vivaient, bénéficiant d'une préférence nationale très forte, que vous pouviez ressentir vivement dans une file d'attente des Hypermarchés, le reste étant constitué de travailleurs émigrés. Seuls des Emiraties de souche pouvaient accéder à des postes d'officiers pilotes dans l'Armée de l'Air Emiratie. La richesse de ce pays, qui a su prendre le virage de l'après-pétrole en investissant ses pétro-dollars un peu partout dans l'économie mondiale, est telle, qu'elle paie des militaires étrangers pour servir son armée de l'air, ex: mécaniciens avions, essentiellement des Marocains souvent formés en France à Rochefort, les spécialités transmissions sont plutôt réservées aux Pakistanais, etc ...
    Alors que cache votre engouement pour Emirates, pour Ryaniar ?
    Il y a souvent des Géants aux pieds d'argile, l'avenir nous le dira peut-être ?

  • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
    Un maitre mots chez Emirates : productivité .... Les pilotes d'Air France bossent environ 500 h/ an ..... Contre 900 chez EK , soit le max .... Les PNC sont a 120h / mois ...

    pas de greves , pas de syndicats , cout du travail moindre , ce qui permet a l'employeur de tirer profit un max de productivité des employés , et si ils ne sont pas contents ??? La porte est la ! Ca y fait peut etre aussi non ?

  • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
    Je trouve, comme Seb, cet article partisan et mal étayé. Emirates ne reçoit peut être pas de subventions, mais elle ne paye pas d'impôts, ce qui représente bien une forme de subvention ou du moins une distorsion de concurrence avec les compagnies qui en payent.

  • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
    Quelques jours après s'être fait le porte parole des compagnies en reprenant leurs accusations contre des aéroports français accusés d'être trop chers, M. SPARACO nous ressert le mythe de Dubaï et Emirates vainqueurs toutes catégories d'une illusoire concurrence libre et non faussée!
    Dubaï n'a peut-être pas de pétrole (!) mais il a des esclaves (népalais, philippins...); ça aide pour construire à vil prix des infrastructures gigantesques mais je ne crois pas que cela légitime que l'on s'extasie devant un modèle aussi immoral...
    Il y a 30 ans on boycottait l'apartheid; aujourd'hui on se prosterne devant lui pour qu'il nous laisse quelques miettes.

  • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
    J'ai beau relire cet article et à part une grosse dose pommade je ne vois pas grand chose …

    Il y a même de grosses incohérences et des affirmations douteuses :

    - "son pavillon aérien (…) une source importante de revenus" … Seule Emirates et Ryanair peuvent affirmer cela… Le bénéfice de toutes les autres compagnies prouve le contraire … Emirates est basée sur une stratégie de croissance exacerbée qui fonctionne pour le moment … et Ryanair c'est un autre sujet.

    - "Dans le Golfe, d’autres cherchent à s’inspirer de cet exemple, avec plus ou moins de bonheur. Mais, apparemment, il leur manque… le talent" … je ne comprends l'intérêt de cette phrase. De qui s'agit-il ? Qatar ? Turkish ?

    -"la ville-Etat de Dubaï n’a tout simplement pas de pétrole" … il est de notoriété publique que Dubaï, ville des Emirat Arabe Unis n'a pas de pétrole … ce n'est pas la base se sa riche ni l'origine de son modèle économique qui permet des investissements tels que ceux qu'elle fait aujourd'hui …

    - "Emirates a appris à ouvrir ses livres comptables aux observateurs" pouvez-vous documenter cette affirmation ?

    - "légende du pétrole à bon marché, du kérosène (…) au prix du marché, chez BP, Shell, Chevron, Enoc et Emojet" … certes mais le prix du marché à Dubaï n'est pas le même qu'en Europe … il est tellement au prix du marché que pour ses vols "courts" Emirates préfère emporter le carburant pour le vol retour au départ de sa base… quitte à consommer plus et polluer plus pour transporter ce pétrole …

    Je vous invite à lire ce rapport qui est beaucoup plus objectif et bien mieux documenté : http://www.strategie.gouv.fr/content/rapport-les-compagnies-aeriennes-europeennes-sont-elles-mortelles#les-ressources

    • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté
      André Turcat êtes vous ?
      Si oui, tout mon respect.

    • Emirates superstar et maître incontestable de la 6ème Liberté ??
      Surpris comme tout un chacun par le chapeau tiré à Emirates, mais incompétent, je demande à PS de ne pas y associer Rayanair, foncièrement malhonnête dans son exploitation (voir l'excellent numéro de l'APNA).

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