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Transport Aérien

Ermenonville, 3 mars 1974, 12h 41min

Published by
Frédéric Marsaly

Lorsqu’on survole aujourd’hui la forêt d’Ermenonville en avion léger, entre Le Plessis-Belleville et Persan-Beaumont ou Moisselles, il faut savoir deviner la clairière du DC-10, juste après la Mer de Sable et juste avant le circuit d’essais automobiles de Mortefontaine. Un demi siècle après, comme une balafre, l’impact du TC-JAV est toujours là. Là où ce 3 mars 1974, vers 12h 41 quelques 346 vies ont été fauchées… « comme on déboise ! »

Le temps qui passe joue son rôle, l’histoire glaçante du drame du DC-10 turc, tombé dans la forêt d’Ermenonville, quelques minutes après avoir décollé d’Orly, s’estompe. Pourtant, en 1974, c’était la pire catastrophe aérienne de l’histoire et elle demeure aujourd’hui encore, un demi-siècle plus tard, la plus terrible jamais survenue sur le territoire français.

il faut savoir deviner la clairière du DC-10, juste après la Mer de Sable et juste avant le circuit d’essais automobiles de Mortefontaine… © F. Marsaly/Aerobuzz.fr

Il était 12h40 et 26 secondes. L’appareil approchait 11 500 pieds à 300 kt. En montée initiale en direction de Londres, il venait de survoler Meaux. A l’arrière bâbord du « Wide Body », la porte du compartiment à bagage, mal fermée, s’ouvrit sous l’effet de la pressurisation. Une partie du plancher de la cabine s’effondra alors et, détail abominable, deux rangées de sièges et 6 passagers, basculèrent dans le vide vers Saint-Pathus. L’effondrement du plancher sectionna et endommagea les commandes de vol. En dépit des efforts de l’équipage, l’avion commença à plonger tout en dérivant vers l’ouest.

Dans un éclair, le commandant de bord pensa à mettre plein gaz pour tenter de récupérer une assiette positive. Et la pente de descente du triréacteur passa effectivement de 20° à seulement 4°. Mais c’était trop tard, il étaient trop bas et surtout leur vitesse s’était notablement augmentée. C’est à environ 800 km/h qu’ils percutèrent le sol.

C’est une scène apocalyptique que les premiers intervenants découvrirent dans cette nouvelle saignée au milieu de la forêt. Il ne fait guère de doute que les hommes qui furent amenés à intervenir dans les minutes qui suivirent l’accident en furent marqués au fer rouge, à jamais.

C’était un dimanche. Il faisait un peu froid, mais le ciel est assez dégagé. La veille, au Parc des Princes, le XV de France et celui de la Rose n’étaient pas parvenus à se départager lors du « Crunch » du Tournoi des 5 Nations, 12 à 12. A Londres, dans le contexte tendu de fusion entre British Airways et la BOAC, c’était jour de grève. Pour rejoindre la capitale britannique, il fallait trouver des places à bord d’autres lignes, d’autres compagnies. Le DC-10 arrivait d’Ankara avec seulement 167 passagers. 50 d’entre-eux, parvenus à leur destination, en descendirent. 216 clients d’Air France ou de British Airways avaient alors embarqué.

L’ergonomie du verrouillage de la porte cargo fut mise en accusation, elle qui fut retrouvée aussi près de St Pathus à 15 km du site de l’impact. Le 12 juin 1972, un incident similaire s’était produit, au-dessus de Windsor au Canada, avec un DC-10 d’American Airlines, dont les leçons n’avaient pas été parfaitement tirées.

McDonnell-Douglas fut condamné à de lourds dommages et intérêts. De quoi plomber aussi une trésorerie amputée par les méventes du gros porteur triréacteur qui débutait aussi un long chemin de croix médiatique, qui, d’Ermenonville à O’Hare en passant par Sioux-City ou le Mont Erebus, fit d’un brillant appareil un échec commercial qui offrit la vénérable compagnie de Long Beach en proie rêvée pour son concurrent de Seattle un peu plus de 20 ans plus tard.

Dans la forêt d’Ermenonville, les promeneurs sont toujours là. Près de la clairière artificielle, un monument rappelle le drame. De temps en temps, de la terre, émerge une pièce métallique enterrée depuis un demi-siècle que les habitués du site ont pris l’habitude de déposer près du monument.

Près de la clairière artificielle, un monument rappelle le drame. © F. Marsaly/Aerobuzz.fr


Lorsqu’on traverse ce terrain bouleversé, on le fait comme lorsqu’on aborde un ancien champ de bataille et on songe à la somme de toutes ces peurs, de toutes ces douleurs qui ont été endurées en ces lieux nimbés d’un silence étrange que les décollages de Roissy ou des cris d’enfants qui s’amusent brisent parfois.

Lorsqu’on traverse ce terrain bouleversé, on le fait comme lorsqu’on aborde un ancien champ de bataille © F. Marsaly/Aerobuzz.fr
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Frédéric Marsaly

Frédéric Marsaly, passionné par l'aviation et son histoire, a collaboré à de nombreux média, presse écrite, en ligne et même télévision. Il a également publié une douzaine d'ouvrages portant autant sur l'aviation militaire que civile. Frédéric Marsaly est aussi le cofondateur et le rédacteur en chef-adjoint du site L'Aérobibliothèque.

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  • Remarquable récit. J’ai vécu cela ce jour là et les suivants. Reporter à Europe 1. Alertés par un auditeur. Arrivé sur place avant les forces de police. Juste quelques pompiers. Des scènes inouïes de promeneurs au milieu des restes humains éparpillés dans la fumée.
    Je n’ai jamais oublié ce reportage. J’ai appris ce jour la à quel point il est difficile de trouver des mots pour rendre compte.

    • Ce même jour du dimanche 3 mars, depuis le sol à Lésigny (77), j'ai vu passer le DC10-10 de Turkish au-dessus de nous après son décollage d'Orly. À l'époque cette compagnie était la seule à exploiter ce type d'appareil en Europe…

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