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Transport Aérien

La fatigue de l’équipage, un facteur dans l’accident de l’AF447 ?

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Thierry Dubois

Un article du site lepoint.fr met en exergue une remarque stupéfiante du commandant de bord. Dans son rapport sur l’accident de l’Airbus A330 d’Air France, le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) excluait le facteur « fatigue ».


Un sacré pavé dans la mare. En publiant un article fondé sur le rapport des experts judiciaires, le site lepoint.fr relance la polémique sur les causes de l’accident de l’Airbus A330 d’Air France. Si les affirmations du Point sont exactes, le commandant de bord de l’AF447 s’est plaint d’un important manque de sommeil. Survenu au large des côtes brésiliennes dans l’Atlantique sud, le crash du Rio-Paris avait fait 228 morts dans la nuit du 1er juin 2009.

« Cette nuit, j’ai pas assez dormi. Une heure, c’était pas assez tout à l’heure« , grommelle le « captain » à 1 h 04 min 19 secondes. Evidemment, une heure de sommeil dans la nuit précédant un vol long-courrier, c’est insuffisant. Les propos du commandant de bord méritent qu’on s’y attarde. D’autant plus que de nombreux spécialistes (mais pas ceux du BEA) ont trouvé son comportement passif pendant les dernières minutes du vol.

Et pourtant, rien. Le rapport du BEA ne contient pratiquement rien sur le volet « fatigue. » Aux alentours de 1 h 04, la transcription du BEA ne mentionne que des « mots ou groupes de mots sans rapport avec la conduite du vol ».

Lors de la présentation du rapport final, le 5 juillet 2012 au Bourget, Jean-Paul Troadec et son équipe avaient été interrogés sur l’état de fatigue de l’équipage. « Avant la déconnexion du pilote automatique, il n’y a aucun signe de fatigue », avaient-ils répondu.

Dans le rapport, le BEA indique que « l’enquête n’a pas permis d’établir avec exactitude l’activité des membres d’équipage de conduite pendant l’escale à Rio de Janeiro où l’équipage était arrivé trois jours plus tôt. » Et d’ajouter : « il n’a pas été possible d’obtenir des données relatives à leurs sommeils pendant cette escale. » Ainsi, cette absence d’informations « ne permet pas d’évaluer le niveau de fatigue associé aux horaires de service de l’équipage. »

Certes, une insomnie de l’un des trois pilotes ne peut expliquer l’accident à elle seule. Il n’empêche. L’énorme contradiction, si elle est confirmée, entre le rapport judiciaire et le rapport technique devra être expliquée. Sur le réseau social Twitter, le débat est déjà vif entre certains journalistes ayant suivi de près le sujet « AF447 ».

Thierry Dubois

La fatigue de l'un des trois pilotes ne peut expliquer, à elle seule l'accident. Mais pourquoi aucun élément sur cet aspect dans le rapport du BEA ?
Le crash du Rio-Paris avait fait 228 morts dans la nuit du 1er juin 2009.
Selon le site lepoint.fr, le commandant de bord s'est plaint d'un manque de sommeil.
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Thierry Dubois

Thierry Dubois est journaliste aéronautique depuis 1997. Ingénieur Enseeiht, il s’est spécialisé dans la technologie – moteurs, matériaux, systèmes — et la sécurité des vols. Chef du bureau français du magazine Aviation Week, il anime aussi des rencontres comme les tables rondes du Paris Air Forum. Pour Aerobuzz, Thierry Dubois couvre notamment les hélicoptères civils et des sujets techniques.

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  • La fatigue de l'équipage, un facteur dans l'accident de l'AF447 ?
    Pour avoir une vision claire du sujet lisez donc l'avis de Claude LELAIE publié sur le site des pilotes instructeurs ANPI et partagé par moi sur la page AeroBuzz de Facebook.

    La fatigue des pilotes a peut-être concouru à la catastrophe mais il apparaît aujourd'hui que les fautes de pilotage indiscutables sont liées avant tout à un problème de pédagogie. Vers la fin des années 70 une distinction a été faite aux Etats-Unis entre "approche du décrochage" et "décrochage" proprement dit.. C'est ce qu'explique Claude LELAIE ancien directeur des essais en vol d'Airbus Industrie qui a assuré le premier vol de l'A-380 et suivi les essais en vol jusqu'à la certification de l'avion.

    Ayant été formé au début des années 60 j'ai toujours eu le réflexe à l'approche du décrochage de réduire l'incidence (donc pousser le manche) et de de conserver un vol parfaitement symétrique. Le moteur peur aider à sortir de cette situation mais ce n'est pas le moyen à privilégier

  • La fatigue de l'équipage, un facteur dans l'accident de l'AF447 ?
    La fatigue des pilotes a peut-être concouru à la catastrophe mais il apparaît aujourd'hui que les fautes de pilotage indiscutables sont liées avant tout à un problème de pédagogie. Vers la fin des années 70 une distinction a été faite aux Etats-Unis entre "approche du décrochage" et "décrochage" proprement dit.. C'est ce qu'explique Claude LELAIE ancien directeur des essais en vol d'Airbus Industrie qui a assuré le premier vol de l'A-380 et suivi les essais en vol jusqu'à la certification de l'avion.

    Ayant été formé au début des années 60 j'ai toujours eu le réflexe à l'approche du décrochage de réduire l'incidence (donc pousser le manche) et de de conserver un vol parfaitement symétrique. Le moteur peur aider à sortir de cette situation mais ce n'est pas le moyen à privilégier.

  • La fatigue de l'équipage, un facteur dans l'accident de l'AF447 ?
    Le résultat est que dans ma compagnie du Moyen-Orient, on consacre l'après-midi, lors des séances de recurent, à "analyser" l'Air France de Toronto - et tous les pilotes de ma compagnie y passent ... dans 6 mois, on nous a promis le Rio-Paris. Merci à AF de nous fournir ainsi du matériel d'étude de façon régulière.
    C'est dommage, regrettable, mais c'est comme ça : la concurrence, et surtout les anglo-saxons, ne vont pas vous rater.
    Maintenant, ayant eu (comme beaucoup ?) à subir dans le passé la morgue dédaigneuse de pilotes AF, je ne me donne pas du mal pour les défendre.
    S'il y avait eu au moins un ancien pilote de chasse dans cet A330 cette nuit au dessus de l'Atlantique, ils auraient vécu pour en reparler.
    Désolé, mais c'est parti comme ça pour 20 ans.

  • La fatigue de l'équipage, un facteur dans l'accident de l'AF447 ?
    Les pilotes d'Air France continuent à pontifier - il est pourtant incontestable que leurs collègues ne se sont pas très bien sortis de l'affaire (il y avait eu des précédents - 747 de Jo'burg/Paris, deux copis aux commandes, et on se fout dans les cunimbs de nuit sans radar, on tue un passager dans les turbulences, là c'était passé près...)
    Le problème est que dans notre compagnie étrangère, les autres pilotes étrangers nous le ressortent maintenant à tout bout de champ, alors merci AF... (on est obligés de dire sans arrêt que bien que français, on ne se sent pas responsables ni solidaires de ces collègues-là ) (qui dans les années précédentes n'ont en plus rien fait pour se faire aimer...)

    • La fatigue de l'équipage, un facteur dans l'accident de l'AF447 ?
      Cher Stormy,
      Votre pseudo est bien choisi.
      Je n'ai pas toujours été à AF, et pourtant, je ne peux pas vous suivre sur ce terrain-là.
      Votre appartenance à la profession devrait vous inciter à davantage de discernement et à vous éloigner des jugements simplistes.
      Les leçons sont faciles à donner mais quelles que soient les rancœurs que vous pourriez avoir, je vous invite à vous élever plus haut que certains journalistes.
      Je ne doute bien sûr pas que vous soyez exempt de tout reproche.
      Cherchez bien. N'y a-t-il pas des fois où vous vous êtes dis "Merde, là, c'était pas terrible" pour ne pas dire plus ?
      Je ne connais aucun pilote, quel que soit son niveau d'expérience, qui n'appartienne pas à cette catégorie (y compris étrangers).

  • La fatigue de l'équipage, un facteur dans l'accident de l'AF447 ?
    Bonjour,
    je partage entièrement les commentaires de Flying Nanard et ne ferai donc que résumer une situation qui a conduit à la perte de notre A330, de nos clients et de nos collègues:

    - tout peut être dit et avancé sur ce qui a été fait ou pas par l'équipage, mais la cause initiale, et reconnue comme telle, est le givrage quasi simultané des 3 pitots.

    - tout peut être porté à charge sur l'équipage, mais Airbus, AF, et la DGAC avaient connaissance de problèmes similaires de givrage chez AF ou d'autres compagnies. Quid à été fait, décidé, anticipé avant le 447 ? Rien. Le cas des 3 pitots givrés en même temps n'ayant visiblement pas été envisagé.
    Souvenons nous: " même ma concierge pourrait le faire voler!"

    - tout peut être dit sur la fatigue du CDB et des OPL, c'est justement pour cela qu'il y a 2 semaines nous étions en tenue au CDG 2F pour l'expliquer à nos clients et leur dire que l'Europe se charge de préparer une réglementation "qui va dans le bon sens..." celui de la rentabilité.

    - Enfin comment peut on encore porter crédit aux dires d'un journaliste ( toujours le même, il se reconnaitra) qui vide son fiel et sa haine des pilotes en insultant à grand renfort d'émissions TV choc et de "torcheculs" nos collègues disparus??? Il s'est certainement fait débarquer un jour ou n'a pas pu poser son postérieur en classe affaire après moult palabres alors que son journal ne lui avait payé que les favélas du fond ???

    J'ai mal pour nos passagers,
    J'ai mal pour mes collègues commerciaux et techniques disparus.
    A toutes et tous je veux leur dire qu'on ne les oublie pas, reposez en paix.

  • La fatigue de l'équipage, un facteur dans l'accident de l'AF447 ?
    Merci Flying Nanard pour vos precisions qui ne manqueront pas d'alimenter un debat passionne.

  • La fatigue de l'équipage, un facteur dans l'accident de l'AF447 ?
    Flying Nanard, vous semblez pointer du doigt la formation des equipages, je vous recommande de regarder ce reportage de Canal+ je crois, il y a nombre de vos confreres qui enfonce le clou lors de cette enquete, il serait interressant d'avoir un avis de votre part, bien a vous.
    Michael

    https://www.youtube.com/watch?v=hrzanvqJack

    • La fatigue de l'équipage, un facteur dans l'accident de l'AF447 ?
      Merci pour le lien. Je n'ai pas encore regardé ce reportage de 55 min.
      Mais pour référence à ce que je disais dans mon post, voilà spécifiquement à quoi je pense :
      Quoi qu'ils en disent, le but premier d'Airbus est de vendre des avions. Donc, ils conçoivent des procédures qui réduisent le plus possible les temps de formation.
      En loi normale, cet avion ne peut pas décrocher. Donc, pas la peine d'enseigner la sortie de décrochage ! Hop ! Exit des programmes de formation, le tout validé par l'autorité de tutelle (dont c'est pourtant le rôle de poser des garde-fous à l'industrie), et adopté par l'industrie (lire : toutes les compagnies).
      Mais bien sûr, en loi dégradée, il peut décrocher, alors n'existait à l'époque qu'une procédure de sortie de l'approche du décrochage, comme pour les avions légers. En loi dégradée, quand on entend "stall", l'avion vole encore, donc on peut sortir de là au moteur. On demandait aux équipages de passer pleine poussée... sauf que cela accroît le couple cabreur (moteur sous les ailes) avec des commandes à l'autorité réduite (vitesse faible, position du trim, dimensionnement de la gouverne destinée à seulement faire les variations d'assiette le temps que le trim prenne le relais pour diminuer la traînée) ce qui peut en fait emmener l'avion au décrochage... surtout en croisière avec 5 t de fuel dans le PHR (gouvernes de profondeur).
      Or quand on entend tout juste "stall", il n'a pas encore décroché, mais quand il a décroché, on l'entend toujours ! Et là,le remède est pire que le mal...
      Depuis, la procédure a radicalement changée : 1ère action réduire l'incidence (donc pousser pour "casser" le décrochage) puis 2ème action : réduire si il le faut si on n'a pas l'autorité nécessaire au manche pour piquer ! Soit l'exact contraire de la procédure de l'époque...
      Et il y a encore d'autres choses à dire, mais c'est un peu long pour un post.

      Il ne s'agit pas ici de prendre la défense bec et ongle des collègues, mais d'être juste. On leur a craché dessus autant qu'on a pu, alors il y a des moments où il faut être un peu conscient de dans quoi on les a placés.
      Le constructeur et l'autorité sont loin (très loin) d'être tout blanc.

  • La musique, oui, et alors ?
    Je ne comprends pas les remarques sur la musique.

    En croisière, quand la charge de travail le permet, en quoi est ce plus choquant d'écouter de la musique que de lire un journal ou de faire quelque chose sur un iPad ?

  • La fatigue de l'équipage, un facteur dans l'accident de l'AF447 ?
    Le CDB n'était pas aux commandes lors de l'incident initial, qu'il ait ou non été reposé n'a donc pas d'importance.

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