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Transport Aérien

Un ancien Chef pilote du Boeing 737 MAX inculpé

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Jérôme Bonnard

A l’époque en charge du processus de certifications du Boeing 737 MAX, Mark Forkner a été accusé jeudi 14 octobre 2021 d’avoir « fourni des informations fausses, inexactes et incomplètes » au régulateur américain FAA concernant la formation des pilotes au système anti-décrochage MCAS. Son avocat dément.

Mark Forkner, ancien pilote de 49 ans, est le premier individu poursuivi personnellement dans l’affaire des deux crashs de Boeing 737 MAX qui ont fait 346 morts en octobre 2018 (Lion Air) et mars 2019 (Ethiopian Airlines). Un grand Jury au Texas base ses accusations notamment sur des échanges de mails à charge…

L’ex-pilote d’essais de Boeing, embauché en 2012 et promu en charge de superviser les certifications du MAX en 2014 (il a quitté la compagnie en 2018), aurait selon l’acte d’accusation « abusé de sa position pour cacher des informations clés sur le logiciel MCAS dans le but de faire économiser de l’argent à l’avionneur sur les coûts de formation des pilotes » . Il est désormais poursuivi pour six chefs d’accusations consultables sur le site du département de la justice américaine.

Le directeur adjoint du FBI, Calvin Shivers, a de son côté déclaré que « Le FBI continuera de tenir des individus comme Forker pour responsables de leurs actes frauduleux qui portent atteinte à la sécurité publique. »

Les premières conclusions de Forkner et Boeing

En juin 2015, Mark Forkner aurait participé avec Boeing à un briefing auprès de la FAA au cours duquel l’avionneur informe le régulateur que le MCAS est conçu pour se déclencher uniquement lors de virages à grandes vitesses, y compris à mach 0,7-0,8.

À la suite de ce briefing et le même jour, l’accusé et un autre employé de Boeing auraient eu un échange avec un employé de la FAA lors duquel ils auraient réitéré que le logiciel MCAS était bien conçu pour être activé uniquement à ces grandes vitesses. Un an plus tard, la FAA aurait d’ailleurs rédigé et soumis à Boeing le manuel de formation provisoire en tenant compte de ces éléments.

Activation surprise au simulateur

Mais en novembre 2016, lors d’un vol d’essais en simulateur du 737 MAX, Forkner aurait constaté que le MCAS pouvait s’activer en réalité à une vitesse nettement inférieure (Mach 0,2) contrairement aux premières recommandations auprès de la FAA…

L’acte d’accusation du grand jury du Texas souligne que l’ancien pilote d’essai ne pouvait pas nier le fait que « lors des vols commerciaux classiques, les basses vitesses autour de Mach 0.2 du 737 MAX sont courantes à basse altitude notamment lors du décollage ou à l’atterrissage. »

« J’ai menti aux régulateurs »

A l’issu de cette séance en simulateur, Marc Forkner aurait envoyé un email à un autre employé de Boeing dans lequel il décrit sa découverte sur le déclenchement du système MCAS à basse vitesse. Son interlocuteur lui répond :

« C’est très bien, cela veut dire que nous devons faire une mise à jour sur les recommandations de vitesse au TRIM dans le volume 2 de la fiche explicative »

Le Chef pilote détaille dans l’échange une erreur d’approximation de sa part :

« Cela veut dire que j’ai involontairement menti aux régulateurs » écrit-il toujours dans le même échange… L’employé de Boeing lui aurait alors répondu « ce n’est pas un mensonge puisque personne d’entre nous n’avait été prévenu que c’était le cas… »

L’accusation affirme qu’ensuite Forkner aurait contacté peu après un ingénieur Senior de chez Boeing. Ce dernier lui aurait confirmé que l’activation du MCAS ne devait en effet plus être limité aux grandes vitesses…

Les recommandations finales tronquées

La justice américaine accuse désormais Marc Forkner de ne pas avoir partagé ces nouvelles conclusions avec la FAA. L’accusation met en avant un nouvel entretien qu’aurait eu l’ancien Chef pilote avec un employé de la FAA deux jours après le fameux vol d’essai au simulateur, et lors duquel Forkner n’aurait pas abordé le sujet des basses vitesses…

Ainsi lorsque la FAA envoi à Boeing son projet de rapport réglementaire FSB (Flight Standardization Board) sur le 737 MAX, rien ne mentionne les basses vitesses « puisque la FAA n’en a pas été informée » insiste l’acte d’accusation.

Forkner aurait à plusieurs reprises recommandé dans ce sens de ne pas mentionner le MCAS en affirmant que « nous sommes d’accord de ne pas le mentionner puisqu’il se situe hors des domaines de vols opérationnels normaux ».

Parfaitement au courant selon l’accusation, il aurait donc délibérément choisi de ne pas partager ces informations cruciales…  Le grand Jury conclue que Forkner a poussé Boeing à la faute alors que le 5 juillet 2017 la FAA publiait son rapport règlementaire officiel avec seulement des différences de « niveau B » pour la formation des pilotes…

« Bouc émissaire »

« Cette tragédie mérite qu’on recherche la vérité – pas un bouc émissaire » a indiqué David Gerger, l’avocat de Mark Forkner. « Si le gouvernement porte vraiment cette affaire en justice, la vérité montrera que Mark n’a pas causé cette tragédie, qu’il n’a pas menti et qu’il ne devrait pas être inculpé » a-t-il ajouté au lendemain de l’accusation.

Des représentants des familles de victimes sont aussi allé dans ce sens, « Boeing a organisé un système récompensant les gains financiers à court terme et Mark Forkner évoluait au sein de ce système », a ainsi commenté Nadia Milleron, la mère d’une des victimes du crash d’Ethiopian Airlines en mars 2019.

« Les procureurs peuvent et doivent chercher d’autres gens responsables de ces accidents. Toutes les familles qui ont perdu quelqu’un ressent la même chose : les dirigeants et le conseil d’administration de Boeing devraient tous aller en prison » a-t-elle ajouté dans une déclaration transmise par un représentant du cabinet d’avocats défendant des familles de victimes.

Mark Forkner a comparu pour la première fois devant le tribunal vendredi 15 octobre 2021 à Fort Worth (Texas) et risque 100 ans de prison ferme (théoriquement) en cumulant les chefs d’accusations…

Jérôme Bonnard

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Jérôme Bonnard

Journaliste polyvalent, à la fois rédacteur et vidéaste, Jérôme a couvert tous types d'actualités pour la télévision en France comme à l'étranger et a été co-finaliste du Prix Albert Londres en 2012 pour sa couverture du conflit Libyen. Il est passionné par tout ce qui vole depuis son plus jeune âge et pilote sur ULM 3 axes. Il écrit pour Aerobuzz.fr depuis 2018, et co-anime la nouvelle émission JumpSeat sur Twitch, il travaille sur des nouveaux médias et enseigne le reportage vidéo en écoles de journalisme.

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  • Cette manie bien ancrée désormais, de faire des mails sur tout et sur rien, avec des destinataires en copie, qui répondent à leur tour, et on se retrouve ainsi dans le entreprises avec des fils de discussion interminables et inexploitables... sauf pour des services juridiques qui vont alors s'en donner à cœur joie.
    Un peu comme ces gens désormais qui s'échangent des phrases courtes sur whatsapp, en temps réel, alors qu'ils sont tous les deux disponibles mais sans oser décrocher.
    Parlez-vous, faites une réunion, un briefing, un après-midi de calcul à la place.
    Tiens au fait, on met un "s" à pilote d'essais.
    Et ce monsieur Mark Forkner, quel était son véritable titre ? Technical Pilot lors de la certification du 737 Max, d'accord - pilote d'essais, je demande à voir (biographie fumeuse, non accessible - je suis preneur) et certainement pas Chef Pilote (d'essais ou d'autre chose) ....
    "lors d'un vol d’essai en simulateur du 737 MAX, Forkner aurait constaté que le MCAS pouvait s’activer..." Si on fait des vols d'essais au simulateur, pas étonnant que ça foire ensuite !!
    Maintenant, cela nous donne une intéressante discussion entre deux personnes, avec l'une qui écrit que "si personne n'est au courant du mensonge, alors ce n'est pas un mensonge" .......

    • Cette manie bien ancrée désormais, des pilotes professionnels de tirer le signale d'alarme corporatiste, dès que l'un d'entre eux est mise en cause.

      Mais comment ose-t-on s'en prendre à un membre d'une si noble profession ?
      C'est vrai quoi, ce n'est pas parce qu'il s'est trouvé fortuitement dans la boucle des mails contenant les forfaitures de Boeing, qu'il était au courant. Comment aurait-il pu prendre connaissance de ce message, noyé au milieu d'un flot continu d'informations ?
      Et cette méchante administration qui tente de lui faire endosser une responsabilité. Mais comment ose-t-elle s'en prendre à un pilote ? Un vrai, avec la panoplie complète, la casquette, l'uniforme, et les beau gros galon bien clinquants.
      Non mais en faite il ne devait pas être tout à fait pilote d'essais. Et d'ailleurs est-on certain qu'il était vraiment pilote professionnel ?
      Oui voilà, c'est ça, il est coupable mais il n'est pas pilote.
      Ouf ! L'honneur de la profession est sauf !

      • Je trouve surprenante votre réaction au post de Stormy pour en faire une généralité sur l'attitude des pilotes.

        Ce que j'ai compris de sa remarque c'est que d'une part ce pilote de Boeing va "payer" pour tout le monde parce qu'il a eu la maladresse de laisser des traces informatiques datées de ses découvertes sur le fonctionnement du MCAS et d'autre part parce qu'il a failli à son rôle de responsable (tout le problème est de savoir à quel niveau...) en n'alertant pas lui-même l'autorité de ces mêmes découvertes.

        Bien évidemment tous les autres agents de Boeing auxquels il à pu s'ouvrir oralement de sa surprise sur le fonctionnement non prévu du système (les basses vitesses) vont faire "le canard" et bien se garder d'avouer qu'il ait pu leur en parler....

        D'autre part, et même si c'est un fonctionnement admis (pas par moi) dans la société moderne de s'obliger à désigner et à punir "un coupable facile à identifier" pour exorciser le besoin naturel des proches des victimes de comprendre ce qui les a mis dans la peine, la ficelle est un peu grosse de tout mettre sur dos d'une seule personne dans un contexte aussi complexe que la mise en service d'un système technique embarqué.
        De plus, si j'ai bien compris la logique de l'enchainement catastrophique qui a conduit au crash des deux avions suite à la perte initiale de l'info d'incidence, la même panne intervenant à haute vitesse aurait eu les mêmes conséquences ; simplement, la perte de contrôle ayant lieu plus vite et plus haut, les occupants de l'avion auraient juste eu plus de temps pour se voir mourir, peut-être même par désintégration en vol de l'avion.

        Forkner, même s'il a agi avec légèreté en n'informant pas l'autorité du fait que le MCAS pouvait s'activer à basse vitesse (mais était-ce bien à lui de le faire, était-il seul à savoir?) n'a sûrement pas imaginé le type de panne auquel les équipages en ligne ont eu à faire face ; il a juste constaté que le truc fonctionnait à des vitesses pour lesquelles on lui avait dit que c'était impossible.

        Personne ne lui a demandé d'essayer cette vacherie avec une panne d'incidence, y compris à haute vitesse (ça l'aurait d'ailleurs sûrement interpellé plus fortement sur les risques générés par ce ce nouveau système).
        Ça, je crois que c'est plutôt du ressort du directeur du programme d'essais, celui qui a validé qu'une info d'incidence non doublée (et donc non vérifiée) était suffisante pour activer un système agissant sur les commandes de vol en prenant l'autorité sur l'équipage...

        Et si la FAA avait su que MCAS s'activait à mach 0.2, aurait-elle eu des réticences à le certifier pour autant ?

        C'est toute l'organisation d'un système qui est en cause dans cette affaire, les financiers gripsous de Boeing en tête, les associations de victimes ont raison de le dénoncer.

        Jean-Baptiste Berger

      • Mr Jost, je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris mon post. Je ne prenais en particulier pas la défense de l'individu concerné.
        Et d'où sortez-vous cette histoire de galon(s) ?

  • Mark Forkner parait être le fusible protégeant les étages supérieurs.
    C'est une litote, il y a toujours un pilote fusible dans les accidents d'avion.
    Là, l'exceptionnel c'est qu'il n'était pas dans l'avion.
    La suite de la procédure éclairera sur les partages de responsabilités.

  • ... D'où l'importance de protéger réellement les lanceurs d'alertes au sein des entreprises. Les liens de subordination entre managers et managés ne laissent pas vraiment de choix aux "collaborateurs". ... Si, celui de : je parle et je me fais casser immédiatement, ou je ne parle pas et je m'assied sur une mine susceptible de me péter à la figure à tout moment. Pas glop :-)

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