C’est dans un climat apaisé que Rémi Jouty succède à Jean-Paul Troadec à la tête du Bureau d’enquêtes et analyses pour la sécurité de l’aviation civile. Face à l’instantanéité de l’information, le BEA doit poursuivre son apprentissage de la communication tout en développant son expertise technique.
Jean-Paul Troadec, son prédécesseur, en poste depuis octobre 2009, vient de partir en retraite, certainement avec le sentiment du devoir accompli. En effet, il a fermement maintenu la barre tout au long de la traversée d’une zone de fortes turbulences, dans le sillage de la catastrophe du vol Rio-Paris AF447 d’Air France. Laquelle a secoué la profession tout entière, a suscité de forts dommages collatéraux et ravivé les vieilles rancoeurs qui accompagnent régulièrement les enquêtes du BEA.
Dans cet esprit, Jean-Paul Troadec laissera le souvenir d’un homme compétent et intègre qui ne s’est pas laissé démonter par de nombreuses attaques centrées sur la pseudo subjectivité du Bureau, au service dont ne sait quels intérêts supérieurs. Le dossier de l’AF447 a ranimé, si besoin était, l’inévitable théorie du complot, accusé les enquêteurs de tous les maux de la planète aéronautique et embarrassé au-delà de l’imaginable, outre le BEA lui-même, Air France, Airbus, les pilotes de ligne français. Cela pour le plus grand bonheur, si l’on ose dire, de médias qui se nourrissent de ces méchantes et inutiles polémiques. D’autant qu’est survenu à la même époque le crash de l’A310 de Yemenia, comme s’il s’agissait de rappeler au pire moment que tous les voyageurs aériens ne sot pas égaux devant la sécurité.
Dans cet environnement ingrat, Jean-Paul Troadec a bien mérité de la sécurité aérienne et on espère qu’elle lui en saura gré. D’autant qu’il avait succédé avec brio à l’immense Paul-Louis Arslanian, aux commandes du BEA pendant une bonne vingtaine d’années, et qui avait montré pour longtemps la voie à suivre.
Du coup, aujourd’hui, on doit souligner que le BEA est capable de transitions en douceur. Il affectionne les polytechniciens mais, surtout, ne fait confiance qu’aux vrais experts. Le parcours de Rémi Jouty en témoigne éloquemment, sa carrière ayant été largement consacrée aux questions de sécurité et de certification. Agé de 52 ans seulement, c’est un pilote qualifié pour le vol aux instruments sur bimoteur et, petite note d’élégance, il a aussi pratiqué le vol à voile. Il était, jusqu’en décembre, directeur adjoint de la direction de la Sécurité de l’Aviation civile.
Point remarquable, Rémi Jouty prend ses fonctions au moment où le transport aérien affiche un bilan 2013 tout à fait remarquable qui confirme que l’évolution de la sécurité est plus que jamais sur la bonne voie. En France, où le contexte est traditionnellement nerveux, on constate une nette tendance à l’apaisement. Ainsi, au printemps dernier, un séminaire non public organisé par l’Académie de l’air et de l’espace a permis de réunir pacifiquement la plupart des acteurs du secteur et de les faire dialoguer. C’était aussi une manière concrète de noter que l’environnement médiatique, celui-là même qui façonne la perception publique de la sécurité aérienne, a profondément changé en quelques années.
L’information immédiate, en temps réel, est désormais omniprésente, envahissante (radios et télévisions « all news », sites Internet) et adversaire involontaire de l’analyse et de la réflexion. De plus, les réseaux sociaux sont devenus incontournables, avec toutes les faiblesses qu’on leur connaît. Dans le même temps, le nombre de journalistes compétents s’est dangereusement raréfié, une situation qui a récemment fait apparaître de nouveaux défis.
Aussi l’arrivée de Rémi Jouty fait-elle naître le souhait que, d’entrée, comme son prédécesseur, il joue résolument la carte de la communication. Et ce ne sera pas la moins ingrate de ses préoccupations.
Pierre Sparaco
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Le BEA face à ses défis
Bonne analyse. Et best of luck a Mr. Jouty. Mais, comme la NTSB aux USA , le BEA existe dans un contexte socio-économique-politique. Nous serions naif de croire que les gouvernements, ainsi que Boeing et Airbus, "n'assaisonnent" pas, d'une façon ou d'une autre, les enquêtes delicates.