Le médiateur des Aéroports de Lyon juge les récentes mesures anti-bruit du gouvernement

Frédéric Launay est le seul médiateur d’un aéroport français, qui consacre la totalité de son temps aux relations avec les riverains de l’aéroport Lyon-Saint Exupéry. Il ne se contente pas de répondre aux réclamations. Il va au-devant des élus locaux et des populations pour expliquer et dialoguer. Il est sans doute, en France, l’un des professionnels du secteur aéroportuaire, qui possède la meilleure connaissance des attentes des riverains des aéroports. C’est à ce titre qu’il commente les mesures annoncées par le secrétaire d’Etat français aux transports, suite au Grenelle de l’environnement.

A noter le mécontentement (non exprimé ici par le Médiateur lyonnais) de certains aéroports de province du fait du renforcement de la TNSA sur la tranche 18h-22h sur laquelle se concentre une grande partie de leur trafic quotidien.

Comment jugez-vous la nouvelle modulation du taux de la TNSA, taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires, applicable sur les vols effectués entre 18h et 22h ?

L’état a voulu procéder de la même manière qu’avec l’indice de bruit LDEN en intégrant une tranche de soirée qui va forcément générer plus d’entrées d’argent puisque le trafic de soirée en France est beaucoup plus important que le trafic de nuit. La tranche de nuit étant la plus taxée actuellement. Cette mesure est une bonne nouvelle pour les riverains. Elle l’est évidemment beaucoup moins pour les compagnies aériennes.

Afin de lutter plus efficacement contre les infractions commises par les compagnies aériennes à l’encontre de la réglementation existante en matière d’environnement, le gouvernement a décidé de renforcer les pouvoirs de sanctions de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA). Aviez-vous repéré un problème à ce niveau ?

Un problème ? Non… Mais constat s’impose. Il a d’ailleurs été fait lors du changement de présidents à la tête de l’ACNUSA. Il est important que les pouvoirs de la haute autorité soient renforcés non pas pour sanctionner, mais pour que se développe la peur du gendarme…

Avec la suppression de la Commission nationale de prévention des nuisances, la CNPN, le délai de traitement des infractions sera, en principe, réduit. Qu’est ce que cela peut apporter ?

La réduction du traitement des infractions est importante en effet, car il est difficile pour les deux parties que ce soit l’Acnusa ou l’exploitant aérien de traiter des infractions datant de plus de 6 mois. En raccourcissant, dans le temps, la procédure, la prévention sera plus efficace. Les compagnies pourront en effet corriger plus facilement et plus rapidement certains dysfonctionnements.

Les opérations groupées d’insonorisation bénéficieront d’un taux d’aide préférentiel afin de subventionner les travaux d’insonorisation à hauteur de 95 % contre 80 % actuellement. Les 20% actuellement à la charge des riverains constituent-ils un frein ?

Bien sùr. Chacun dispose d’un budget familial et les 20 % restant à la charge des riverains peuvent représenter un investissement important pour certaines familles ou pour des propriétaires qui louent. Il n’est pas normal que les personnes situées dans le Plan de gêne sonore ne puissent pas profiter de cette aide parce qu’elles ne sont pas en capacité financière d’assumer leur part. La TNSA a été créée pour eux. L’augmentation de l’aide à 95%, dans le cadre d’opérations groupées, est donc une très bonne mesure dès lors qu’elle va réduire ce frein et permettre à un plus grand nombre de familles de faire réaliser les travaux d’insonorisation de leurs logements.

Que signifie le terme d’opérations groupées ?

Il ne s’agit pas spécialement d’immeubles, mais cela peut s’appliquer à plusieurs maisons traitées simultanément dans un même lotissement. Le principe est, qu’en regroupant géographiquement les travaux, on obtiendra une réduction du coùt unitaire du chantier qui pourra être répercutée sur la quote-part du propriétaire de chaque logement.

Pensez-vous que le relèvement des altitudes à l’arrivée en région parisienne qui va permettre aux avions de se rapprocher des profils de descente continue, avec à la clé une réduction sensible du bruit et de la consommation de carburant, aurait pu être intéressant sur les aéroports de province ?

Le relèvement des altitudes à l’arrivée, est une demande des associations de riverains, en province aussi. Les riverains des aéroports de province doivent se montrer patients et espérer que, une fois que ces mesures auront fait leur preuve à Paris, la DGAC étudie leur faisabilité en province. Il existe, aujourd’hui, parmi les pilotes et les contrôleurs des volontés d’améliorer les procédures ; donnons-leur la parole car n’oublions pas que ce sont eux les acteurs principaux du trafic aérien.

Le gouvernement annonce que des protocoles vont ainsi être signés entre l’aviation civile et les compagnies aériennes pour généraliser ces procédures chaque fois que c’est possible et notamment la nuit pour réduire les nuisances sonores. N’est-ce pas dommage que cela ne concerne que les aéroports parisiens ?

Si c’est possible à Paris alors je pense que c’est encore plus facile à réaliser en province. Cela est tout aussi nécessaire autour des aéroports régionaux, même si l’urbanisation est moins dense et le trafic moindre. A Lyon, par exemple, nous travaillons actuellement avec les services de l’état, les riverains et élus membres de la Commission consultative de l’environnement à des mesures pour réduire le bruit la nuit. Ces procédures de descente continue, mais aussi de stabilisation à 4000 ft ont déjà fait l’objet de séances de travail au niveau local, dans le cadre des engagements pour l’environnement pris l’aéroport Lyon-Saint Exupéry. J’espère vraiment que ce qui va être fait à Paris sera transposé en province très rapidement. Toutes les parties prenantes ne peuvent qu’être gagnantes.

Etes-vous favorable à la mise en place de volume de protection environnementale ?

Oui, sur le principe, car cela fixera des limites dans l’espace et donc il existera un outil qui permettra une moindre dispersion des trajectoires. Le dialogue avec les populations riveraines en sera facilité, l’avion mis en cause sera d’un côté ou de l’autre du trait…

Outre l’instauration d’une nouvelle tranche horaire et le renforcement associé de la TNSA, la plupart des mesures concernent d’abord les aéroports parisiens où se concentrent les plus importantes nuisances sonores. Ne craignez-vous pas néanmoins que les riverains des aéroports régionaux se sentent un peu frustrés ?

Cela ne fait aucun doute… Gageons, dès lors, que ce qui sera mis en place à Paris migrera en province. Le travail de fond qui sera fait en région parisienne, compte tenu de la complexité du problème lié à l’importance du trafic, permettra une transposition en province. Laissons les choses se mettrent en place et si elles sont efficaces, nous pourrons demander que ce travail soit étendu aux aéroports régionaux. L’urgence est parisienne, mais il ne faut pas pour autant négliger les attentes des riverains des aéroports de province.

Propos recueillis par Gil Roy, le 7 décembre 2007