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Transport Aérien

Les aéroports français ont besoin de plus de low cost

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Gil Roy

Après le démarrage de la base d’easyJet à Bordeaux, en mars 2018, et de celle de Volotea, la semaine dernière, et en attendant l’annonçant du choix multiple de Ryanair pour faire son grand retour dans l’hexagone, le trafic low cost s’affirme plus que jamais comme le moteur de la croissance du transport aérien en France. Un moteur qui ne tourne pas à son plein régime parce que trop longtemps bridé par Air France. Le combat d’arrière-garde mené en d’autres temps par la compagnie nationale contre les low cost continue de lui coûter cher aujourd’hui et pèse encore sur les résultats des aéroports français qui peinent à combler leur retard à l’allumage.

En 2017, la croissance du trafic passager en France s’est accéléré pour atteindre +5,7% (contre +3,1% en 2016). Pas de quoi se plaindre, sauf que dans le même temps, l’Union Européenne a affiché +7,7%, une performance toutefois proche de celle des aéroports régionaux français. Autrement dit, les régions (+7,5%) sont nettement plus dynamiques que Paris (+4,5%).

« Le trafic low cost porte largement la croissance française »

A en croire l’Union des Aéroports Français, c’est du côté du trafic low cost qu’il faut aller chercher l’explication de cette situation. « Le trafic low cost porte toujours largement la croissance française. Les compagnies low cost ont ainsi contribué en 2017 à hauteur de 56,9% à la croissance française. Plus précisément, le transport low cost a contribué à la croissance des aéroports régionaux à hauteur de 73,41% et des aéroports parisiens à hauteur de 39,01% ».

Et pour se convaincre de la part prise par les compagnies low cost européennes dans le trafic français il suffit de jeter un œil aux programmes Eté 2018 des aéroports régionaux. Comme lors des saisons précédentes, la grande majorité des ouvertures de lignes est à mettre au crédit d’easyJet, de Volotea, de Ryanair, de Vueling et autres transporteurs à bas coûts.

59 millions de passagers low cost en 2017 en France

En 2017, le trafic low cost a gagné plus de 6 millions de passagers pour dépasser 59 millions de passagers soit une progression de +11,49%. Dans le même temps, le trafic traditionnel a augmenté de seulement +3,45%.

 

Part du trafic low cost dans les principaux aéroports français en 2017

 

Aéroports Part LC Croissance LC Croissance globale
Paris-CDG 12,7% +10,0% +5,4%
Paris-Orly 37,8% +7,9% +2,6%
Nice 43,5% +11,6% +7,1%
Lyon 33,3% +10,5% +7,6%
Toulouse 41% +46,1% +14,0%
Marseille 30,9% +17,4% +6,2%
Bâle-Mulhouse 66,9% +4,8% +7,9%
Bordeaux 49,1% +19,4% +7,7%
Nantes 53,7% +24,8% 14,9%
Beauvais 95,3% -12,2% -8,8%
Lille 44,7% +29,0% +7,3%
Montpellier 36,7% +17,7% +10,4%
Source : Union des Aéroports Français

 

Un bras de fer perdu par Air France lourd de conséquences

Pendant de nombreuses années, Air France a verrouillé le marché français pour empêcher les low cost de s’implanter en France. C’était à la charnière du nouveau millénaire, et avec la complicité des pouvoirs publics et le soutien implicite du SNPL, la compagnie nationale a joué le shérif, dénonçant les infractions et faisant condamner les contrevenants.

Habituée à faire la pluie et le beau temps sur les aéroports régionaux, elle s’est comportée avec cette nouvelle concurrence venue d’Irlande et d’Angleterre, comme elle l’avait toujours fait avec ceux qui tentaient de s’attaquer à son monopole de fait. Sauf que Ryanair et easyJet se sont montrées plus coriaces que Le Point Air ou Minerve…

Cette stratégie basée sur la défense qui s’était révélée destructrice par le passé, s’est non seulement retournée contre elle, mais a affaibli durablement les aéroports français vis-à-vis de leur propre concurrence. Les grands commis de l’Etat qui se sont succédés à l’époque, aux commandes de la compagnie nationale, n’avaient pas perçu que le transport aérien avait changé. Cette posture explique en partie le fait que, les aéroports français soient aujourd’hui à la traine de la croissance du trafic aérien européen, et que le pavillon français perde du terrain.

Aérogares à services simplifiés

Avec beaucoup de difficultés les aéroports régionaux ont tenté de se libérer du joug d’Air France, habitué à dicter ses conditions. Avec beaucoup de précautions, les plus grands y sont parvenus. Certains d’entre eux ont contourné les obstacles réglementaires par la création de terminaux dits à « services simplifiés ».

Chauffage de base l’hiver, absence de climatisation l’été, nombre de sièges réduit en salles d’embarquement, autant de critères différenciant qui leur ont permis la mise en œuvre de tarification incitative en toute légalité. Au passage, avec ces équipements dédiés, ils ont mis à disposition des low cost, des outils performants adaptés à leur mode de fonctionnement. « billi est un outil compétitif adapté à notre modèle », commentait François Bracetta, directeur d’easyJet France, en inaugurant sa nouvelle base à Bordeaux-Mérignac, le 28 mars 2018.

easyJet, numéro deux en France

Avec billi, Bordeaux fait partie des trois grands aéroports régionaux à s’être dotés d’une aérogare low cost. Le premier a été Marseille en 2006, suivi de Lyon en 2011. Le 28 mars 2018, à l’occasion de l’ouverture du programme Eté 2018, easyJet a officiellement donné le coup d’envoi de sa base bordelaise avec 3 Airbus et 110 salariés, en majorité des navigants.

easyJet possède six bases en France qui en juin 2018 totaliseront 34 avions.Paris-CDG avec 9 avions, Paris-Orly avec 6, Lyon avec 7, Nice avec 4 et un 5ème en juin 2018, Toulouse avec 4 et enfin Bordeaux avec 3.

En France, easyJet dessert cette année une quinzaine de nouvelles destinations portant à 250 le nombre de lignes depuis et vers la France. En France, son deuxième marché pour easyJet après le Royaume-Uni, elle offre plus de 22 millions de sièges, soit une augmentation de capacité de 7 %, dont 1,1 million de sièges supplémentaires pour l’été sur toute la France.

Ryanair : le retour

Le marché low cost français qui n’a pas encore atteint sa maturité est convoité par la plupart des grandes compagnies low cost. Ryanair qui a été la première à y implanter une base avant de faire machine arrière face à la justice, fait cette année son grand retour. En janvier dernier elle a annoncé son intention de s’installer, mais cette fois-ci en se soumettant à la réglementation française.

Ryanair est en négociation avec plusieurs aéroports régionaux dont Beauvais, Nantes, Lyon, Toulouse et Marseille. La première base pourrait être opérationnelle cet hiver. Au total, la compagnie irlandaise avance le nombre de 30 avions basés. Son objectif est le doublement de son nombre de passagers dans les trois à quatre ans à venir pour atteindre la barre des 20 millions de passagers annuels. A une échelle moindre, Volotea a basé des avions sur cinq aéroports aéroports français. Après Nantes, Bordeaux, Strasbourg et Toulouse, le low cost espagnole a ouvert une nouvelle base à Marseille avec deux Boeing 717 et une soixantaine de salariés.

Air France hors-jeu

Après avoir combattu les low cost et dénigré le modèle, Air France avec le soutien de Transavia Hollande a créé en 2007 sa propre filiale low cost. Le réseau de Transavia France s’articule autour de trois bases (Paris-Orly, Nantes et Lyon) et est opéré par une flotte de 33 avions (un de moins qu’easyJet France) dont 4 introduits cette année.

Le low cost est aujourd’hui le moteur de la croissance des aéroports régionaux. Quant à Air France, elle ne fait pas le poids face à Lufthansa et British Airways qui possèdent toutes deux des low cost (Eurowings et Vueling) capables de faire jeu égal avec les poids-lourds que sont devenus Ryanair et easyJet.

En multipliant les ouvertures de bases en France, les low cost multiplient les lignes transversales entre les régions françaises et gagnent des parts de marché au détriment de Hop ! Air France, de plus en plus isolée face à la déferlante européenne du transport aérien à bas coût.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • Nous n'avons en effet pas lu l'article, mais nous avons pu lire le titre, ainsi que le chapeau, qui sont quand même censés refléter le contenu de l'article...

    • Si tout pouvait être dit en une cinquantaine de mots, pourquoi prendre la peine dès lors de rédiger un article de plus de 1.000 mots ? Mais après tout, le président des USA n'a pas besoin de plus de 280 caractères pour diriger la première puissance mondiale !

  • Argument de poids Monsieur Roy, vous avez raison .
    Mais il semblerait que les abonnés, à leur avis ,  "réorientent"  les raisons du mal du transport aérien français comme je le suggère, à l’instar de BIB 57 avec qui je suis entièrement d’accord.
    Air France n’est pas toute blanche dans cette histoire j’en conviens : elle a négligé avec dédain cette « menace » ( et mes mots sont choisis ) , et je m’appuie sur ce que je lis en en-tête de votre article mais je me suis peut être mal exprimé ou suis allé trop loin dans mon raisonnement évoquant un ou des sujets que vous ne traitez pas dans l’article.
    Je me permets de revenir sur les assises du Transport Aérien :
    tous les français travaillant dans l’aérien civil en attendent beaucoup . Où en sommes nous ? Rien ne filtre ! Avez vous le projet d’écrire un article à ce sujet ?
    Cordialement

    • Les Assises du transport aérien suscitent beaucoup d'attente de la part de tous les professionnels de l'aéronautique mais aussi des riverains des aéroports. Outre la grand messe du 20 mars 2018, il y a eu pour chacun des cinq domaines, une première réunion du groupe de travail. Une seconde aura lieu en juin, juste avant que les rapporteurs ne rédigent, durant l'été, leurs conclusions, qui seront ou non reprises par le ministre mi-septembre 2018. Entre temps, il y a des colloques. Le prochain a lieu vendredi 27 avril à Lyon-Saint Exupéry et portera sur l'intermodalité.

  • Excellente synthèse de cette tragédie du transport aérien français causée selon moi par 2 raisons majeures:
    - une faute politique, la construction du marché européen en l'absence de toute harmonisation sociale: pénalisante pour la France au plan général, elle s'est révélée fatale à une activité par essence internationale;
    - un manque d'anticipation: les pouvoirs politiques successifs (et non "AF avec la complicité de") ont cru qu'en tuant systématiquement la concurrence française à cette dernière, ils allaient la protéger! Au lieu de cela ils l'ont confortée dans son immobilisme et quand, sous les coups de boutoir de la Commission et de la Cour de Justice de l'UE, les barrières érigées aux frontières se sont abaissées, ce bel agencement s'est effondré au profit d'entreprises étrangères.

  • " Ce n'est pas le plus fort de l'espèce qui survit, ni le plus intelligent. C'est celui qui sait le mieux s'adapter au changement." Ce n'est pas moi qui le dit , c'était DARWIN en 1875..et pourtant je faisais partie de ceux qui se sont fait bouffer par notre "meilleure ""Cie nationale.. On voit où on en est.. 20 ans plus tard..
    Continuons à être les meilleurs...tous seuls..

  • Je trouve un peu trop de relents de "c'était mieux avant" dans les 3 commentaires précédents... Je ne suis pas abonné non plus, mais le chapeau et vos commentaires m'aident à cerner le sujet...

    Air France a voulu défendre son modèle "historique" d'un transport en avion qui serait un luxe, avec les services afférents comme dans un paquebot. 85 ans après la création d'Air France, l'aviation n'est plus un moyen de transport de luxe mais un moyen de transport tout court. Pour le luxe, louez un jet privé SVP. La plupart des passagers, ce qu'ils veulent, c'est aller d'un point A à un point B, rapidement, de manière fiable (à l'heure, sans déroutement, sans perdre de bagage...). Se faire servir un café et un sandwich SNCF sur un vol d'une ou deux heures, on s'en fout. Le low-cost l'a bien compris, et même sur du long courrier. C'est le monde moderne !

    Qui va au wagon bar dans un TGV sur un Paris-Bordeaux ou un Paris-Marseille ? Pas grand monde ! C'est cher, pas bon, et on a pas le temps ! Même dans un train corail en décembre dernier le wagon bar n'a même pas pu ouvrir sur un trajet de 6 heures dut à des problèmes divers ! Autant fermer ces wagons bar vu que 90% des gens emmènent leur bouteille d'eau et un truc à grignoter perso !

    Le low-cost a bien compris ça.

  • Je pense aux pompistes installés le long de le N6 et N7 à l'arrivée à la fois de l'autoroute et des pompes à essence près des grandes surfaces...
    Auojourd'hui les installation les mieux placées sont transformées en boulangeries ou fleuristeries....
    Dire "Arrière garde" a parfois du sens, en dépit des peurs que cela suscite, mais je crédite facilement la Gil's team de bienveillance.
    Nous sommes forcément les meilleurs en France, surtout à penser que tout se joue dans un affrontement, une révolution, ou tout est cassé au final (pour faire le deuil). On peut alors reconstruire dans la bonne humeur en se disant qu'on avait raison.
    Alors continuons, dans la fronchouillardise !
    Bravo ! Nous sommes les meilleurs !

  • "Combat d’arrière garde": rien que ça.
    Il est vrai que l’idée d'une cotisation globale pour la sécurité sociale, c'est dépassé. Pourquoi cotiser pour un ensemble de personnes, si mon entreprise ne cotise pas et me laisse payer que pour ma gueule.
    Il est même certain qu'il vaut mieux qu'un maximum de pilote aient un contrat à l’étranger pour soutenir les impôts Français. Cela permet de mieux concentrer les coût du fonctionnement de la France sur les quelques citoyen imposable restants. Il est aussi vrai que maximiser le nombre de passagers enrichie principalement le gestionnaire de plateforme et qu'on se fout pas mal de savoir si une majeur partie de cette manne financière ponctionne directement les régions ou collectivités locales. A y réfléchir M.Roy, vous avez raison, ce sont des combats d’arrière garde et bon sang ce qu'il faut être demeuré pour ne pas tous sauter dans le 100% low cost.

    • Merci Namanet pour votre commentaire.

      N'étant pas abonné, je n'ai pas pu lire l'article, mais rien que le titre (qui m'a fait sursauter) et le chapeau (qui résume bien, j'imagine, le contenu de l'article), m'ont laissé pantois. Et je me dis que j'ai sans doute raison de ne pas être abonné.

      • Bonjour je ne suis pas abonné non plus mais le début de l’article me frise sérieusement monsieur Roy.
        Ce n’est pas Air France qui empêche le développement du low cost ( la preuve ) elle s’y oppose car elle n’a pas les atouts des low costs en terme de fiscalité, charges sociales et patronales ( regardez le modèle Ryanair condamnable et condamné à maintes reprises ), redevances aéroportuaires, financement de la sûreté ... l’erreur qu’Air France a commise est d’avoir sous-estimé l’efficacite du modèle.
        Pour info, l’activite Passage ( les passagers ) ne représente que 20 % du chiffre d’affaire de Ryanair le reste étant de l’achat/ Revente d’avions et des montages financiers ... Et vous nous comparez à ça ??? Ryanair manque cruellement de pilotes , et n’arrête pas l’hémoragie Waouh ! Quelle magnifique modèle celui du moins disant social .
        Vous feriez mieux de regarder ce qu’il passe du côté des Assises du Transport Aérien , ou là , justement, Air France réclame de l’équité.

        • Ce que je trouve d'extraordinaire, c'est que vous et d'autres lecteurs arrivent à débattre d'un sujet sans l'avoir lu et qu'au passage vous me prêtiez des propos que vous supposez que j'ai tenus… L'article que j'ai rédigé traite notamment de la mise en place des aérogares à services simplifiés. Il présente la part du trafic low cost dans les aéroports français. J'aborde en fait divers aspects.

          Je comprends que vous ne vouliez pas vous abonner. Mais de grace ne me prêtez pas des déclarations que je n'ai pas faites.

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