Le maintien des compétences relève de la responsabilité des pilotes. Pas facile quand toute la flotte a été clouée au sol plusieurs semaines et que la reprise est laborieuse. Comment les compagnies s’organisent pour assurer le redémarrage ? Deux exemples : la régionale Chalair et la long-courrier Air Caraïbes.
Lorsque le gouvernement français a annoncé le confinement de la population, l’autorité de l’aviation civile, la DGAC, a rapidement assoupli la réglementation en vigueur en matière de validité des qualifications et du médical de classe 1. Toutefois, l’Aircrew, la réglementation européenne, précise qu’un pilote doit effectuer trois décollages et trois atterrissages dans les 90 jours de manière à pouvoir exploiter un avion transportant des passagers et jouir pleinement des privilèges de sa qualification. D’autre part, une pratique régulière assortie d’un entraînement lui aussi régulier sont les gages d’une sécurité optimale.
Si les pilotes ont la responsabilité de maintenir leurs compétences, alors qu’un grande majorité des avions est encore clouée au sol, les compagnies doivent s’organiser pour faciliter le maintient des compétences de leurs pilotes. Aerobuzz a contacté Chalair et Air Caraïbes, l’une évoluant sur des lignes intérieures et l’autre sur du long-courrier, de manière à prendre la température et à comprendre comment les pilotes et leur compagnie se préparent à reprendre les vols.
La compagnie Chalair Aviation, basée à Caen, exploite en France neuf Beechracft 1900D et cinq ATR (trois 42-500, un 42-320 et un 72-500) sur des liaisons intérieures. Comme toutes les autres compagnies, le 17 mars 2020, Chalair suspend ses vols, mais pas ses activités, et accompagne ses soixante pilotes.
Marine Le Meur, responsable formation et pédagogie au sein de la compagnie, explique la nécessaire rapide évolution des outils de formation : « Nous avions l’habitude de réunir les pilotes dans une salle de manière à assurer les formations récurrentes sur la gestion des ressources de l’équipage (Crew Resource Management, CRM), mais aussi sur les procédures normales, anormales et d’urgence, les procédures d’exploitation… Si le CRM demeure obligatoire en salle, nous avons fait évoluer nos systèmes d’entraînement et de formation pour les pilotes et le personnel de cabine vers l’e-learning, que nous utilisions très peu jusqu’alors. »
Chalair a ainsi créé sa propre formation e-learning, sur la base de l’existante, qui vient en complément de ce qui se faisait dans la compagnie et qui demeurera de manière pérenne dans le parcours de chaque pilote : « Nous avons découvert avec l’e-learning la possibilité de faire de la formation toute l’année et d’adapter les sujets en fonction de la période de l’année » explique encore Marine Le Meur qui poursuit : « aborder les conditions givrantes en salle et en par une journée d’été n’a pas la même portée que l’aborder au moment où le pilote pourrait rencontrer ces conditions météo. »
Chez Air Caraïbes, le e-learning est également devenu la règle lors du confinement. Les 120 pilotes de la compagnies, qui opère cinq A330 et quatre A350 vers les Antilles et la Guyane, ont bénéficié eux aussi d’une formation à distance. Jean-Paul Julia, chef pilote de la compagnie, explique que « le service formation a produit un document en e-learning, accessible à tous en libre accès, pour aider les pilotes à maintenir leurs compétences. »
La cohérence de la flotte d’Air Caraïbes simplifie les choses : les qualifications de type sur A330 et A350 sont les mêmes, avec seulement un module en plus pour l’A350. « Côté simulateurs » précise Jean-Paul Julia, « nous n’avons pas eu de problème pendant le confinement car ceux qu’on utilise à Roissy et Toulouse nous ont permis de passer la plupart des pilotes arrivant en butée de validité de leur expérience récente et du « recurrent training ».
Pour les ATR de Chalair, pas de problème à signaler : le confinement n’a pas été problématique en la matière et les simulateurs d’Orly et Toulouse ont été mis à profit. Toutefois, la compagnie dirigée par Alain Battisti utilise pour ses Beechcraft 1900 D le simulateur basé à Toronto, encore inaccessible à l’heure actuelle. « Depuis le confinement, les pilotes sur Beech 1900 D se réentraînent sur avion » explique Alain Battisti.
Pendant le confinement, 40% de l’effectif pilotes était exploité pour réalisé des vols dits techniques : « les Beechcraft 1900 D doivent voler au minimum toutes les quatre semaine » explique Marine Le Meur, « nous avons donc effectué quelques vols depuis Caen pour des raisons de maintenance. Les ATR, qui peuvent rester plus longtemps sans voler, stationnés à Limoges, ont quant à eux été suivis tout au long du confinement et certains ont été réactivés au déconfinement. »
Pour l’heure, six Beech 1900 D ont été remis en vol sur les neuf et trois ATR sur cinq qui devraient assurer seulement 15% des vols opérés habituellement à cette période et jusqu’au mois d’octobre 2020.
Comme chez Chalair, pendant le confinement, 40% de l’effectif total des pilotes d’Air Caraïbes était sur le pont. Avec French Bee, appartenant comme Air Caraïbes au groupe Dubreuil, ce sont près de 65 vols cargo qui ont été réalisés vers la Chine et les Antilles. « Les vols vers la Chine ont cessé au début du mois de juin 2020 » explique le chef pilote d’Air Caraïbes, « et nous sommes repartis vers Point à Pitre, Fort de France et Cayenne avec nos quatre A350, ce qui représente actuellement 40% d’exploitation de la flotte. »
Si Jean-Paul Julia, comme tous les chefs pilote des compagnies aériennes, espère une reprise rapide, il insiste sur la nécessaire mise en garde faite aux pilotes : « le pilote sous entraîné représente un risque pour la sécurité. Pendant près de trois mois sans voler, il perd naturellement ses habitudes et ses réflexes et commet de nouvelles erreurs. Nos pilotes ont été très sérieux et ont travaillé avec assiduité sur les cours en e-learning mais nous insistons sur l’application rigoureuse des procédures. Ajouté à cela que les pilotes ne sont pas les seuls à redémarrer : le personnel de cabine, les mécaniciens, les contrôleurs eux aussi redémarrent leur activité et personne n’est à l’abri d’une erreur. Au simulateur, les pilotes remis en ligne ont subi un entraînement renforcé en comparaison des séances habituelles, avec des pannes complexes » précise encore Jean-Paul Julia.
Dans les Beech 1900 D de Chalair, « les gestes barrière sont plus difficile à appliquer » estime Marine Le Meur, « il n’y a pas de personnel de cabine comme dans les ATR et le copilote est mis à contribution dans cet appareil où le cockpit n’est pas cloisonné. » Alain Battisti conclue en précisant que « les premiers vols se sont bien déroulés et les pilotes sont habitués aux modifications de procédures. On est également très attentif au retour d’expérience des pilotes. »
Pour l’heure, seuls 40% des effectifs pilote des deux compagnies sont en activité. Actuellement en sur-effectif, Chalair et Air Caraïbes ont logiquement gelé leurs recrutements mais aucune ne prévoit de licenciement. « Les sélections effectuées par Air Caraïbes restent valables » rassure Jean-Paul Julia.
Pour Alain Battisti, « la pyramide des âges est toujours valable et nous allons recruter de manière progressive ». Mais le président de Chalair, par ailleurs président de la Fédération Nationale de l’Aviation Marchande, appelle à la prudence : « l’aviation commerciale navigue à vue, on ne sait pas comment les choses vont évoluer et il est impossible de se projeter même dans les mois à venir. »
Fabrice Morlon
Korean Air donne une nouvelle vie à ses uniformes de mécaniciens en fin de service… Read More
Le Junkers A50 Junior et le A50 Heritage allient à la fois modernité et tradition.… Read More
Pour communiquer avec ses sous-marins, l'U.S. Navy a besoin d'avions capables d'établir la liaison grâce… Read More
2.000 recrutements en 2025, mais aussi 2.200 par an de 2026 à 2030 : les grands… Read More
Vous avez aimé Top Gun ? Vous avez adoré Top Gun Maverick ? Avec Romain… Read More
Les hélicoptères Puma HC2 âgés d’un demi-siècle seront retirés du service en 2025. Ils seront… Read More