Le plan de l’EASA pour la sécurité aérienne dans la catégorie du transport commercial hisse les facteurs humains en priorité absolue. La feuille de route de l’EASA vise à relever l’âge limite des pilotes, à intensifier les recherches de psychotropes et généraliser les tests psychologiques. En parallèle, l’agence européenne remet en question les compétences linguistiques.
Chaque année, l’agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA ou EASA) publie sa feuille de route pour les cinq ans à venir. Le nouvel opus du Plan pour la sécurité aérienne en Europe est paru récemment, qui fait part des ambitions de l’EASA pour la période 2021-2025.
Si une bonne part des nouveautés concerne l’aviation légère de loisir et la formation, le plan de l’EASA touche également l’aviation commerciale.
Les facteurs humains et leur impact sur la performance humaine, autant que l’aptitude médicale, sont hissés au rang de priorité par l’EASA. L’agence met en avant l’essor de nouvelles technologies et la complexification galopante des systèmes qui impliquent une fatigue accrue et une nécessaire attention portée aux limitations de temps de vol.
L’EASA veut ainsi revoir la gestion du risque lié à la fatigue (FRM, Fatigue Risk Managment) qui impacte de nombreux domaines. Avec l’expérience acquise pendant cette crise sanitaire, à l’ampleur inédite, que le secteur aérien traverse, l’agence européenne veut harmoniser et réduire la limitation de temps de vol (FTL, Flight Time Limitation) à la fois pour les pilotes opérant des vols médicaux d’urgence, mais aussi pour les opérations de taxi en mono-pilote et les pilotes d’hélicoptères. Les réflexions en cours devraient aboutir à une décision en 2023.
Dans le Part-MED, une nouvelle « sous-tâche » à la mise à jour de la réglementation européenne se charge d’étudier les « nombreuses exemptions » liées au relèvement de l’âge limite des pilotes d’hélicoptères dans le cadre d’opérations médicales d’urgence. Cette limitation passerait ainsi de 60 à 65 ans en harmonisant le cadre légal de manière à lever les exemptions.
Fixée pour l’instant à 60 ans, le relèvement de la limite d’âge des pilotes pour l’opération d’un aéronef en mono-pilote sera étudiée dans le même temps, de même que pour les pilotes en catégorie transport commercial. La décision pour ces problématiques d’âge devraient aboutir en 2024.
L’EASA dit également travailler à l’élaboration d’un large panel d’outils de formation destinés aux autorités de l’aviation civile, qui seront disponibles en 2023. Cette action se place en ligne directe des décisions prises par l’Union européenne suite à l’accident de la Germanswing en 2015, qui insiste notamment sur la nécessité de pratiquer des tests réguliers et systématiques pour la recherche d’alcool et de substances psychoactives mais aussi sur la mise en place de tests psychologiques avant l’embauche d’un pilote. La pandémie de la COVID-19 a aussi apporté un surcroît d’anxiété qui, selon l’agence, implique de la part des compagnies européennes une vigilance et une attention particulière envers les pilotes de ligne.
L’agence européenne de la sécurité aérienne a recueilli les retours d’expériences de pilotes, de recruteurs et d’industriels sur le sujet des compétences linguistiques. L’objectif in fine est d’harmoniser les pratiques en termes de tests et d’exigences.
Après plusieurs accidents mortels dû en grande partie à un manque de compréhension mutuelle entre pilotes et contrôleurs, l’ICAO a décidé en 1998 de mettre en place une exigence de compétence linguistique en Anglais (Language Profiency Requirement) associée à une licence CPL, IR et ATPL à minima de niveau 4.
Or, des compagnies européennes ont attiré l’attention de l’EASA que, même avec cette compétence certifiée, il est parfois difficile pour les pilotes en recherche de poste d’entretenir une conversation en Anglais dans le cadre d’échanges avec le recruteur. De leur côté, les « organisations de l’aviation générale » ont fait également remarquer que les tests de compétence linguistiques sont à la fois trop exigeantes et peu adaptées à l’environnement de l’aviation générale.
D’autre part, les procédures de test et les exigences d’un pays à l’autre sont très diverses, aboutissant à une reconnaissance des compétences linguistiques très disparate au sein de l’union européenne : « certaines compagnies demandent un niveau 6 en pré-requis pour une embauche, poussant les pilotes postulant à rechercher la meilleure solution pour atteindre ce niveau. »
Fabrice Morlon
La tour de contrôle centrale de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est en travaux. Fin… Read More
Depuis plus de quatre décennies, le Pilatus PC-7 constitue la pièce maîtresse de la formation… Read More
On a rarement vu une compagnie aérienne aussi bien préparée à déposer le bilan que… Read More
Dans un roman, Jean Rousselot raconte à la première personne du singulier la carrière militaire… Read More
Textron Aviation a livré à l'armée de l'air péruvienne le premier de 2 Beechcraft King… Read More
Il était le candidat malheureux de Sikorsky et Boeing face au V-280 Valor de Bell… Read More
View Comments
Comme ancien PL avec une carrière dont les rotations m'ont fait faire plusieurs fois le tour du monde j'appuie chacun des commentaires ci-dessus.
Renouvellant ma qualif de langue anglaise pour le PPL, j'ai eu un 4 sur 6 pour la raison que ma prononciation du mot "acknowledge" n'était pas bonne… Ce petit examen est mené par deux personnes: un contrôleur aérien et un prof d'anglais.
J'ai failli répondre au professeur qui me donnait la raison de ce 4/6, qu'elle aurait TRÈS CERTAINEMENT été incapable de décrypter ce que j'ai pu entendre de certains contrôleurs. À commencer par les nigérians, les chinois (il y 20 ans), des indiens (ceux du curry) et une fois à SFO où un avion au sol qui demandait une clearance de départ, ne se faisait pas comprendre du contrôleur. Notre mécano sol, entendant l'échange, nos a dit que le pilote du DC9 était certainement un texan… No comment…
Non, c'est faux :
Ces pauvres pilotes se sont retrouvés avec des commandes de vols qui "n'en faisaient qu'à leur tête", faisant plonger l'avion dans la mer.
Les sondes d'incidence ayant gelées en altitude ont donné une fausse information de décrochage, obligeant l'avion à piquer (un peu l'équivalent de ce qu'il s'est passé pour le 737 MAX). Les pilotes n'ont rien pu faire.
Il aurait fallut couper volontairement deux ADIRS de façon à obliger les commandes vol à repasser en loi alternate (c'est à dire en commandes de vol "normales").
Les équipages ne connaissaient pas encore cette procédure à l'époque.
C'est moi ou ce commentaire est faux de A à Z en passant par toutes les lettres ? Un beau troll quoi...
D'abord, ce sont les sondes de pitot qui ont gelée, privant de l'indication de vitesse, ce qui provoque déconnexion du PA et indication erronée de survitesse.
Le PF a alors tiré délicatement sur le manche se croyant en survitesse, pour ralentir. Ca a tellement bien marché qu'il a décroché.
Ensuite, les commandes ont toujours fini par faire ce pour quoi elles sont conçue : maintenir le nez en l'air sur ordre à cabrer et le pousser vers le bas sur ordre à piqué, ce que les pilotes ont fait. Sauf que les pilotes n'ont jamais compris ce qu'il se passait, et n'ont jamais fait ce qu'il fallait.
Les sondes d'incidence ont toujours données les bonnes valeurs, incroyable pour les pilotes...
Sans rancunes.
Il est vrai qu'on ne parle pas de la même chose, mais je ne pouvais deviner... Désolé, on parle tellement plus du 330 AF...
Le problème, c'est que le fait de "repondre" ne s'aligne pas toujours au bon endroit :
- vous parlez du 330 AF,
- je parle du 320 néo-zélandais de Perpignan.
Sans rancune ?
(Voir le lien de Michael)
Toutes les mesures décrites cherchent à améliorer la ressource disponible. L'évaluation de la charge de travail reste tabou. On ne résoudra les problèmes de facteurs humains que si l'on s'attaque aux deux aspects simultanément. L'objectif étant de conserver une marge de disponiblité permettant d'éviter le décrochage cognitif.
Votre remarque est juste et elle prouve que les personnes concernées (concepteurs, ingénieurs, constructeurs, opérateurs, pilotes (au bout de la chaine) et maintenant psys. cherchent chacune à valoriser leur rôle dans la recherche de sécurité dans l'aérien. Elles tirent toutes la couverture vers elles.
Mais...ce sont tous des humains, et on voit bien les limites des protections programmées avec interdiction aux acteurs en bout de chaine de s'y opposer (MCAS du 737 Max).
Si l'erreur est faite à l'usine, sans que les filtres dédiés, utilisés sans pression temporelle, ne la détectent, comment le pilote, face à une urgence, peut-il inventer en quelques secondes une parade surtout si on lui interdit d'utiliser toutes ses commandes ?
A l'inverse, si on remplace une alarme simple (stick shaker) par un festival d'informations et d'alarmes concommitantes (même valides, et ce n'est pas toujours le cas ....) on génère en usine les conditions du "décrochage cognitif" que vous évoquez. (le jeu de mot est fortuit). Et on n'aura pas forcément une réaction adaptée.
Pour l'exemple cité par Jean-Mi, les pilotes n'ont effectivement "rien compris" et le phénomène de saturation d'informations et d'alarmes y a certainement contribué...
Et j'ajouterai que, pour ceux qui se sont intéressés à cet évènement que sa conclusion "incroyable pour les pilotes" est à étendre à "incroyable pour tout le monde".
La version "officielle" nous explique (sans l'expliquer) que le pilote a rapidement et en douceur rattrapé les 300 pieds visuellement perdus sur son altimètre (et ça aurait dû s'arrêter là, même sans indication de vitesse) et a dans la foulée laissé échapper son altitude de plus de trois mille pieds en continuant à tirer sur le manche !
Il s'est donc transformé "instantanément" d'un pilote adroit, attentif et réactif (les 300 pieds regagnés en douceur) en gars qui fait n'importe quoi et continue de tirer inconsidérément sur son manche alors que sa valeur d'altitude cible est déjà dépassée de dix fois la valeur initialement perdue !
C'est une des raisons pour lesquelles je reste persuadé que les conclusions triviales que nombre de spécialistes (y compris officiels) ont tiré des enregistrements l'ont été sans qu'on leur ait vraiment donnė la totalité des éléments (exemple, on a "déduit" la position du manche (non enregistrée directement) de la position des gouvernes (enregistrées, elles). N'y aurait-il pas quelques interfaces (peut-être donneuses d'ordre) entre le manche et la gouverne ?
L'enquêteur a demandé la démonstration de la corrélation entre les deux valeurs...et c'est le constructeur qui l'a donnée (invėrifiable).
@Claude Massiani
D'accord avec vous pour le DV. (et pour le reste).
Je mettais ça dans le tas d'infos saturantes, et il y joue un rôle important en tant qu'instrument "familier" à qui on se raccroche plus facilement quand le reste vous échappe, et dans les deux cas cités la non détection du changement de mode de pilotage (reversion) a été fatale.
En ce qui concerne la tenue d'altitude, le rôle du DV reste nébuleux, surtout après l'accident de l'ASIANA. On peut remarquer des similitudes troublantes.
L'évaluation de la charge de travail reste de mon point de vue un point majeur. Je l'avais écrit il y a quelques temps déjà et j'ai été rejoint sur ce thème par le NTSB (https://www.ntsb.gov/investigations/AccidentReports/Reports/ASR1901.pdf#search=ASR1901%2Epdf)
Je me souviens de seances de simulateur entre instructeurs où nous chargions la séance jusqu'à la saturation. Nous pouvions observer les conséquences sur la conduite du vol ! Lors du debrifing les stagiaires ne voulaient pas croire aux oublis ou erreurs constatés. A méditer.
Un robot à la place des pilotes ? C'était le but de l'A320 au départ !
A l'usage, ça ne s'est pas passé comme prévu...
Effectivement, les pilotes se reposent trop sur les automatismes, un grand nombre de rapports d'accidents le confirment. Un cas parmi tant d'autres
https://nzhistory.govt.nz/page/air-nz-a320-crashes-france
On va mettre un robot à la place des pilotes et il n’y aura plus de problème de facteurs humains.
Pour ce qui est de l’anglais, il faudrait aussi avoir des contrôleurs aériens qui soient compréhensibles avec des accents corrects et qui emploient les bonnes procédures.
Je dis ça, je ne dis rien. Je suis à la retraite maintenant, mais dans ma longue carrière, tout a évolué pour la sécurité du transport aérien et c’est une très bonne chose.
Les accents "parlés" sont impossibles à contrôler en pratique... J'ai eu professionnellement l'occasion de travailler en anglais avec pas mal d'étrangers : des allemands, des anglais, des brésiliens, des polonais, des indiens (ceux d'indes, pas ceux avec les plumes), et même des chinois. A chaque fois, les accents de chacun (dont le mien !) sont très marqués, forcément et inexorablement liés aux langues maternelles de chacun.
Discuter le bout de gras autour d'un café avec un indien au petit matin est un exercice "intéressant" pour le moins qui m'avait demandé une bonne vingtaine de minutes avant de comprendre à peu près ce qu'il me disait sans répéter trois fois... Pareil avec les Brésiliens, surtout au téléphone avec le décalage temporel... Une horreur ! Les pires à comprendre sont peu être finalement les anglais (maison mère !) qui "oublient" que pour nous l'anglais n'est pas naturel et que notre vocabulaire est limité et loin du littéraire...
Alors je comprends bien qu'en approche de Houston, quand le bon Texan mâche son chewing-gum ou sa chique dans le micro alors que vous arrivez de 8 heures de vol, ça doit un peu surprendre...
C'est malheureusement quasi impossible à corriger, et je dirais même que ça fait partie du folklore ! On moins on prend conscience d'ou l'on arrive... Dans ce monde de globalisation, même si on se retrouve obligé de tous parler anglais, nous restons tout de même différents et ça reste bien plus riche qu'autre chose !
(et j'adore de temps en temps écouter sur le web les ATC Quebecquois en Français de là-bas, quel bonheur !)
Il est terriblement contre-productif d'utiliser une langue pour laquelle l'accent correct et bien placé est si important, à l'usage de toutes les nations dans des échanges dont la compréhension sans ambiguïté reste un facteur de sécurité.
Je connais beaucoup d'équipages AF qui hésitaient à utiliser le français dans les échanges avec l'ATC Quebecquois de peur de ne pas comprendre la réponse du premier coup !!! Cela dit pour avoir partiquer le long courrier des années, la compréhension des messages était facilité par le fait que les équipages anticipaient le contenu des réponses. La reconnaissance de ligne préparait à l'adaptation aux accents folkloriques... J'ai le souvenir d'une conversation sur la fréquence à Houston. Un équipage d'American airlines répondait au contrôleur : Je suis né dans ce pays, je suis allé à l'école dans ce pays, je paye mes impots dans ce pays et je n'ai rien compris, alors répétez en anglais SVP. Tout est dit...
..accents corrects: certainement pas l'accent français en anglais!
Mais vrai, que aux USA il y a des terrible contrôleurs qui ne respectent aucune phraséologie selon ICAO.
Shame on you, founder of ICAO!