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Les low cost européennes sortent de leur niche

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Martin R.

Maintenant que la Commission européenne a clarifié les relations entre les compagnies aériennes à bas coùts et les aéroports, l’avenir du low cost en Europe n’a jamais été aussi radieux, d’autant que pour les plates-formes aéroportuaires il incarne les plus sérieuses promesses de croissance. En avoisinant 20 % de part de marché, dès cette année sans doute, ces nouveaux transporteurs sont devenus des acteurs à part entière du ciel européen.


C’est avec soulagement que la plupart des aéroports à travers l’Europe ont pris connaissance de la décision de la Commission européenne, rendue publique le 3 février dernier, au sujet des aides accordées par l’aéroport de Charleroi à Ryanair. En se gardant de tout triomphalisme, le premier concerné, en l’occurrence le conseil de l’aéroport de Charleroi, note que  » la commission a validé divers principes de base affirmés par l’aéroport depuis l’ouverture de la procédure, à savoir, le soutien au démarrage de nouvelles lignes et à l’établissement de la base de Ryanair (notamment les frais de formation des pilotes et des équipages et frais d’hôtel), ainsi que les contributions de BSCA (Brussels south Charleroi Airport) à une joint venture créée avec Ryanair, Promocy, utilisées pour faire la promotion de l’aéroport, la publicité des destinations et contribuer à la croissance du volume de passagers de et vers Charleroi « .

Pour la direction de l’aéroport belge,  » la commission reconnaît implicitement l’impact financier conséquent des recettes commerciales générées par l’afflux de passager et permettant de financer les rabais accordés sur les activités d’assistance en escale. La commission confirme l’importance de la promotion de l’activité des compagnies à bas coùts et l’impact considérable de ces dernières sur le développement régional. Le conseil de BSCA regrette cependant que la commission européenne n’ai pas suivi tant ses arguments, que ceux de la Région Wallonne et de son client, Ryanair, concernant les réductions accordées à Ryanair sur les redevances d’atterrissage, les rabais sur les prestations d’assistance en escale, la durée des contributions à Promocy « .

En résumé, si Ryanair est appelé à rembourser une partie des aides attribuées par l’aéroport de Charleroi et la région Wallonne, la Commission européenne valide sans ambiguïté le principe du soutien au lancement de nouvelles lignes par des compagnies à bas coùts. A travers, l’Europe, cette décision a été accueillie avec sérénité, notamment par les seize aéroports secondaires et régionaux français concernés, comme en témoignaient les réactions de leurs gestionnaires recueillies à chaud par l’AFP. La déclaration du président de la chambre de commerce de Carcassonne, René Escourrou, résume à elle seule assez fidèlement le sentiment général : « ce qui est important, c’est le principe de la légalisation de l’aide marketing pour l’ouverture des lignes ».

Même si  » elle coùte assez cher « , comme le souligne la Chambre de commerce de Bergerac, nulle part, ce soutien financier vécu comme un investissement rentable, n’est remis en question :  » la publicité payée à Ryanair pour faire la promotion de la Dordogne à l’étranger porte ses fruits « . Fait nouveau, la  » légalisation  » de ces pratiques fait que les dirigeants n’hésitent plus à parler ouvertement des accords passés avec la compagnie irlandaise.  » Nous avons acheté à Ryanair un produit qui est l’arrivée de 50.000 passagers britanniques à Pau chaque année « , sur la base de  » 400.000 euros « , explique Michel Brau, le président de la CCI de Pau, à l’AFP.

Dans un communiqué, l’aéroport béarnais reprend un commentaire du Comité départemental de Charente-Maritime, justifiant l’aide publique apportée à Ryanair pour la ligne Londres-la Rochelle :  » avant, nous dépensions quelques 2 à 3 millions de francs pour participer à des salons, des workshops, des campagnes de communication en Angleterre pour attirer quelques hypothétiques touristes anglais à la Rochelle… Aujourd’hui avec Ryanair, ces mêmes 2 à 3 millions de francs, soit 300 à 450 000 euros, se matérialisent par 50 000 touristes anglais qui concrètement débarquent sur le tarmac de l’aéroport et vont visiter et dépenser dans nos hôtels et restaurants « .

Face à ses détracteurs, Serge Kubla, ministre Régional Wallon, en charge de BSCA affirme qu’en dépit des aides et ristournes accordées à Ryanair, l’aéroport est devenu rentable. S’appuyant sur une étude universitaire, il précise que l’activité de la compagnie irlandaise a généré 700 emplois directs, 3.000 emplois indirects et que les retombées en Wallonie et à Bruxelles son estimées à 110 millions euros. En 2003, l’aéroport wallon a traité 1,8 million de passagers soit 42 % de plus qu’en 2002. En 2000, son activité se situait aux environs de 250 000 passagers par an. L’année suivante, Ryanair décidait d’y implanter sa première base continentale et ouvrait, le 26 avril, six lignes (Pise, Venise, Carcassonne, Londres, Glasgow et Shannon). Actuellement 12 destinations quotidiennes sont offertes au départ de Charleroi.

Si historiquement, cette plate-forme est la première base continentale de Ryanair, elle est devancée en termes d’activité par Hahn qui l’année dernière a traité plus de 2,4 millions de passagers soit une progression de 67 % par rapport à 2002. Cet aéroport situé à 120 km à l’ouest de Francfort dans la région du Hunsrück se positionne en numéro deux derrière Londres-Stansted où la compagnie irlandaise exploite son hub principal.  » Notre aéroport sert d’exemple à de nombreux aéroports régionaux. Nous avons débuté de rien en 1993 et nous sommes en passe de devenir le numéro un des aéroports low cost en Allemagne « , affirme Jörg Schumachern directeur général de la société d’exploitation de l’aéroport dont l’objectif affiché pour 2004 est d’atteindre 3,6 millions de passagers et de ravir, à cette occasion, la neuvième place à Nuremberg au classement des aéroports allemands. 98 % du trafic de la plate-forme se concentre entre Ryanair et Volareweb.

Au cours de ces derniers mois, les transporteurs low cost ont profondément bouleversé le marché du transport aérien et il n’est plus concevable d’imaginer le transport aérien européen sans eux. Leur marché progresse plus rapidement que celui des compagnies traditionnelles. L’été à venir, la part des vols opérés par ces nouveaux transporteurs pourrait franchir la barre des 20 %. Dès lors, il ne peut plus être question de niche. Il faut désormais compter avec ces nouveaux entrants qui en l’espace de quelques saisons se sont hissés, pour certaines d’entre eux, aux niveaux des compagnies traditionnelles. Il est symptomatique de noter qu’aujourd’hui, en France, c’est-à-dire sur le premier marché domestique européen, le deuxième opérateur est une compagnie low cost. En 2003, easyJet a en effet ravi la deuxième place à British Airways.

Le marché français a connu de grands bouleversements au cours de l’année écoulée. Les faillites successives de plusieurs compagnies françaises (Air Lib, Aéris, Air Atlantqiue, etc) ont pesé lourd sur les résultats des aéroports régionaux. Et au bilan, si la baisse du nombre des passagers traités (47.6 millions) se limite à –1,2 %, c’est grâce à la spectaculaire montée en puissance des compagnies low cost sur plusieurs grandes plates-formes régionales. “C’est grâce aux compagnies à bas coùts que le trafic n’a pas baissé davantage », confirme Jacques Sabourin, délégué général de l’Union des chambres de commerce et établissements gestionnaires d’aéroports (UCCEGA). Alors que le trafic national a reculé de – 4,3 %, le trafic international a progressé de + 5.3 % du fait de la multiplication des liaisons aériennes à bas tarifs. Les grands aéroports dont le trafic est supérieur au million de passagers traduisent tout à fait les éléments qui ont favorisé ou pesé sur l’activité.

De ce point de vue, la performance de Nice-Côte d’Azur est révélatrice de l’évolution du marché des aéroports régionaux français. A la suite de l’arrêt des activités d’Air Lib en février puis d’Aéris en novembre, l’aéroport azuréen a déploré en 2003 une baisse de –5,1 % de son trafic domestique (4,26 millions de passagers). Néanmoins, il parvient à limiter le repli de son trafic global à –0,6 % grâce au dynamisme des compagnies à bas coùt. Une douzaine d’entre elles opèrent au départ ou à destination de Nice et ensemble, elles représentent désormais 30 % du trafic total de la plate-forme qui avoisine les 10 millions de passagers annuels.

Pour toutes les grandes plates-formes régionales, en France comme en Europe, les espoirs de croissance résident dans leur capacité à attirer de nouveaux opérateurs à bas coùts et à multiplier les ouvertures de lignes. Face à cette demande, l’offre ne cesse de se développer. Actuellement, une cinquantaine de compagnies low cost sont recensées et cinq nouvelles compagnies sont annoncées, en Italie, en Pologne, en Suède, en république Tchèque et en Grande-Bretagne. Le low cost n’est plus une spécialité anglosaxone. Sous l’impulsion de nouveaux entrants originaires de Scandinavie comme d’Italie progressivement, le maillage du continent européen s’opère du nord au sud. L’ouverture de la communauté économique à dix nouveaux pays suscite également des vocations à l’est. Toutefois, le taux de mortalité de ces jeunes pousses est élevé puisqu’en moyenne une nouvelle compagnie sur deux disparaît au bout de seulement trois mois.

S’appuyant sur les commandes record passées par Ryanair et easyJet, entre 2002 et 2003 auprès de Boeing et d’Airbus, les analystes s’accordent pour estimer qu’à terme, les deux compagnie britanniques pourraient faire jeu égal. D’ici à 2009, elles exploiteront chacune une flotte comparable de 150 à 200 avions récents monotype. Cela n’exclut pas pour autant qu’une compagnie  » low cost « , née sur le continent européen, puisse également s’imposer. Les bases de Ryanair à Hahn à 120 km à l’ouest de Francfort et à Charleroi, à quelques kilomètres au sud de Bruxelles, apparaissent comme les têtes de pont de la compagnie irlandaise sur le continent où un immense marché reste à révéler. Elles s’y emploient avec vigueur et à grandes campagnes d’affichage jouant sur les prix d’appel les plus étonnants.

En cassant ainsi les prix, elles créent un véritable électrochoc auprès du public. En faisant voler en éclat la barrière du prix, elles inversent le modèle de développement du transport aérien. C’est une théorie défendue notamment par Jean-Luc Lesage, chargé des études économiques et de la prospective à la Direction du transport aérien (DGAC) :  » le trafic affaires n’est plus le seul segment de marché qui permet aujourd’hui d’ouvrir une ligne nouvelle. Les  » low cost  » ont démontré que la clientèle particulière permet de rentabiliser une liaison. Les hommes d’affaires arrivent ensuite et leur proportion s’accroît avec la multiplication des fréquences « .

Par ailleurs, l’ouverture des lignes démontre que si les compagnies  » bas coùts  » ne redoutent pas la concurrence, des compagnies traditionnelles, ni celle du train à grande vitesse, en revanche, elles évitent prudemment les face à face entre elles. A de rares exceptions près comme à Nice, à Genève ou encore à Bergerac où trois compagnies ont mis en place une liaison quotidienne entre Londres et le Périgord, il est rare de retrouver plusieurs  » low cost  » sur un même axe. Pour Jean-Luc Lesage l’explication est simple :  » nous sommes actuellement dans une phase de quadrillage. Les compagnies  » bas coùts  » s’implantent là où les autres compagnies  » bas coùts  » ne sont pas « . Fatalement la concurrence frontale apparaîtra à terme. Pour l’heure, il reste suffisamment de zones vierges à défricher.

Le phénomène nouveau récemment apparu est le regroupement de low cost comme cela se passe avec les compagnies traditionnelles. Après le rachat de Buzz par Ryanair, on assiste aujourd’hui à la première entente entre deux compagnies low cost, en l’occurrence Eurowings et BMIbaby. L’annonce a été faite en ouverture du salon mondiale du tourisme de Berlin, en mars dernier.  » Cette coopération permettra aux deux compagnies de renforcer leur présence commerciale vers les destinations qu’elles proposent toutes les deux : l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne et la République Tchèque « , explique Tony Davis, Directeur Général de la compagnie anglaise.
Pour ceux qui en doutaient encore, le phénomène low cost est aujourd’hui une composante majeure du transport aérien européen.

Gil Roy. Aéroports Magazine N°351 / Avril 2004

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Martin R.

Martin R. est le développeur et webmaster d’Aerobuzz depuis sa création en 2009. Développeur de formation, il a fait ses classes chez France Telecom. Il lui arrive d’oublier ses codes le temps de rédiger un article sur un nouveau produit multimedia ou sur un jeu.

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