Les pilotes français s’insurgent contre les taxes et redevances excessives

Le très influent SNPL Air France ALPA, qui regroupe 70 % environ des pilotes de la compagnie, dit tout simplement « stop » ! C’est le terme choc qu’il a choisi pour s’insurger contre l’augmentation de la « taxe Chirac », de la TVA sur les transports et de la nouvelle hausse des redevances d’Aéroports de Paris.

C’est une prise de position d’autant plus remarquée que les pilotes, habituellement, haussent le ton pour défendre leurs intérêts directs, et pas toujours avec discernement. Aussi remarque-t-on d’autant plus le ton responsable choisi par le SNPL pour dénoncer des excès jusqu’à présent trop peu médiatisés. Du coup, les pilotes s’expriment, d’une certaine manière, au nom d’une majorité silencieuse, engoncée dans le politiquement correct. Pourtant, le torchon brûle dans le transport aérien français, et pas uniquement chez Air France dont chacun connaît les grandes difficultés financières.

La « taxe Chirac », bien qu’elle relève d’une idée généreuse – aider des nations désavantagées – est profondément injuste depuis sa création, sous la présidence de Jacques Chirac, rares étant les pays qui avaient suivi l’exemple français. Du coup, en pratique, il s’agit d’une charge financière supplémentaire essentiellement française, qui n’existe pas chez les concurrents, et coûte à Air France environ 70 millions d’euros par an. D’autres voix se sont élevées, au cours de ces dernières semaines, pour dénoncer cette coûteuse inégalité, à commencer par celle de la FNAM, Fédération nationale de l’aviation marchande. Guy Tardieu, délégué général du groupement professionnel, va à l’essentiel en quelques mots : « la taxe Chirac représente 10 % des pertes annuelles d’Air France ».

Curieusement, le délégué général de la FNAM rejoint ainsi le cri d’alarme des pilotes (une situation inattendue) en dénonçant les effets pervers de l’augmentation de 7 à 10 % de la TVA sur les transports, un élément supplémentaire de perte de compétitivité : il n’est pas sur qu’EasyJet, deuxième compagnie aérienne « française », paie la TVA, n’ayant pas de domicile fiscal dans notre pays. Cette augmentation de TVA annule à elle seule l’intégralité du bénéfice du crédit d’impôt compétitivité décidé l’année dernière par l’Etat, soulignent les pilotes.

En matière de redevances aéroportuaires, il y aurait matière à un débat de grande ampleur, jamais tenu. L’Etat reste majoritaire dans Aéroports de Paris mais ce dernier ne s’en comporte pas moins comme une entreprise privée totalement préoccupée de rentabilité. D’où une marge opérationnelle de près de 25 %, que l’on est tenté de qualifier d’extravagante. De ce fait, la facture ADP coûte à Air France 70 millions d’euros par an ! « L’autorité publique devrait commencer à se poser des questions, les craintes montent à propos des parts de marché françaises », estime Guy Tardieu. Les termes choisis par la SNPL sont nettement plus rudes : « nous ne pouvons accepter que les efforts consentis par les salariés soient engloutis dans ces augmentations de taxes », martèle Jean-Louis Barbier, président du SNPL Air France.

Le débat, attendu vainement, pose une question limpide : la vocation d’un aéroport est-elle de dégager des bénéfices ? La question mérite d’autant plus d’être posée qu’il s’agit, par définition, d’une activité qui s’exerce dans le cadre d’un solide monopole de fait. Et cela malgré le mythe entretenu à propos de la concurrence supposée entre grandes plates-formes internationales.

Deux leçons peuvent d’ores et déjà être tirées de ce coup de semonce. A savoir, tout d’abord, que le SNPL, cette fois-ci, fait œuvre utile et qu’il est juste de reconnaître ses mérites. Ensuite que le transport aérien français évolue en vol à vue, délaissé par les autorités gouvernementales. C’est regrettable et inquiétant.

Pierre Sparaco