Dans son rapport, le député Bruno Le Roux dresse un état des lieux alarmant de la situation du transport aérien et fait une série de propositions puisque c’est ce qu’attendait de lui, le Premier Ministre. Reste à savoir ce qu’en retiendra le gouvernement. Le risque que le rapport Le Roux rejoigne celui de Claude Abraham est grand… compte tenu de l’ampleur du problème.
Manuel Valls, Premier ministre, a reçu en début de semaine un rapport consacré à la compétitivité du transport aérien français, document rédigé par un groupe de travail que préside le député Bruno Le Roux. Un pensum d’une cinquantaine de pages, rédigé avec bon sens, qui dresse une liste exhaustive des obstacles qui se dressent sur la route des compagnies aériennes françaises et propose des mesures de sauvegarde qui, pour certaines, sont qualifiées d’urgentes, à juste titre.
Le diagnostic est connu : charges trop lourdes, tassement des recettes dans un environnement hautement concurrentiel, parts de marché du pavillon national en inexorable érosion. D’où des perspectives empreintes de la plus grande inquiétude. Cette « mission » Le Roux a réuni les bons interlocuteurs : FNAM, Scara, les ministères de l’Economie, de la Santé et des Affaires sociales, la DGAC, un panel de compagnies dont Air France, Corsair, XL Airways, Aéroports de Paris et même le SNPL. D’entrée, le ton est donné : « le transport aérien n’est pas pris en compte dans l’élaboration de la politique économique du pays à hauteur de sa contribution, (…) il est considéré comme une activité polluante et réservée à quelques privilégiés ». Ces derniers mots font d’autant plus mal qu’ils sont justifiés : la vocation aéronautique française s’est évaporée (Airbus mis à part) et, en l’absence d’image correspondant à la réalité, l’opinion semble ignorer que le transport aérien achemine plus de 3 milliards de passagers par an et qu’il est totalement indispensable au bon fonctionnement de l’économie mondiale. Or, depuis 2003, le trafic a progressé de 41 % mais de 19 % à peine sous pavillon français.
Négligé, sous-estimé, le transport aérien français ? Construction aéronautique comprise, il représente pourtant 3,2 % du PIB, chaque million de passagers induit mille emplois. Et c’est, plus que jamais, le porte-drapeau d’une nation, même si la notion de compagnie nationale a disparu avec la généralisation de la déréglementation.
Le pavillon français recule, s’affaiblit, le trafic métropolitain a reculé de 10 points depuis 2008, de 14 points en 10 ans. Dans le même temps, le secteur low cost, dont la France est absente, Transavia mise à part, a fait un spectaculaire bond en avant tandis que les compagnies du Golfe ont commencé à envahir les réseaux long-courriers. De plus, Paris, en tant que grand hub, s’affaiblit.
La nécessité de réagir est évidente. La mission Le Roux a tout compris, à commencer par les conséquences délicates du poids sans doute exagéré de deux très grands acteurs, Air France et Aéroports de Paris, qui représentent chacun 80 % du chiffre d’affaires de leur secteur. C’est-à-dire deux poids lourds à côté d’entreprises moyennes, voire modestes. Bruno Le Roux n’est pas là pour refaire l’histoire – ce serait inutile – et il n’évoque pas les conséquences néfastes d’une manière de faire qui, trop longtemps, a aveuglément privilégié Air France sans laisser d’espace vital à d’autres acteurs. Ainsi, par exemple, si UTA avait pu se développer comme elle l’espérait, sans doute les parts de marché françaises auraient-elles été plus solides. Et Air Inter, qui n’en était pas loin, serait-elle devenue une vraie low cost, dans le peloton de tête.
De plus, il y a dispersion des efforts. Le rapport souligne que la « France compte un aéroport pour 358.000 habitants, à comparer à 4,3 millions d’habitants en Allemagne ». Mais le centralisme jacobin fait d’ADP un Etat dans l’Etat, prospère alors que ses compagnies clientes françaises se heurtent à de graves difficultés financières.
Aujourd’hui, que convient-il de faire ? Diminuer les charges, trop lourdes, supprimer la « taxe Chirac » (ce n’est ni le moment, ni l’endroit pour poursuivre de bonne œuvres), simplifier les réglementations, contenir ou diminuer les taxes de tous ordres, limiter les redevances aéroportuaires, éviter les excès en matière de droits aux passagers, contenir la taxe d’aéroport, transférer à l’Etat les investissements de sûreté, etc., etc. Ou encore lutter contre les pratiques illégales, limiter les droits de trafic attribués aux compagnies ne respectant pas la notion de concurrence équitable. La liste est longue, après des années d’errements.
La question primordiale est de savoir ce que deviendra le rapport Le Roux. D’autres documents judicieux l’ont précédé, notamment celui de Claude Abraham, mais ils n’ont connu qu’une notoriété éphémère avant de se couvrir de poussière dans les bibliothèques de la République. L’avenir de la mission Le Roux se jouera à très court terme. Après, il sera trop tard.
Pierre Sparaco
Les propositions de Bruno Le Roux
Bruno Le Roux affirme que la situation actuelle du transport aérien français et son évolution prévisible imposent « d’adopter sans plus attendre les mesures présentant les impacts les plus forts ou les plus rapides, y compris des mesures mettant le budget de l’Etat à contribution ». Le député liste deux séries de mesures.
« Des mesures urgentes de court terme »
« Des mesures tout aussi importantes à décider très rapidement pour le moyen terme »
L’Union des Aéroports Français a participé aux travaux du groupe de travail animé par le député Bruno Le Roux sur la compétitivité du transport aérien français. Si l’UAF soutient les propositions d’allègement des taxes spécifiques au transport aérien, en revanche, elle n’adhère, évidemment pas, à la remise en cause faite des redevances aéroportuaires, celles-ci, selon l’UAF, « rémunérant des investissements dont les compagnies aériennes sont les premières bénéficiaires. (…) De plus, le rapport n’intègre pas les difficultés des aéroports de plus petite taille qui sont aussi essentiels au développement du territoire » .
Enfin, l’UAF met en garde contre « les effets négatifs qu’aurait la poursuite par la France d’une politique restrictive des droits de trafic, en particulier sur les grands aéroports régionaux. Cette politique ignore les attentes des économies régionales et est un frein à leur développement et donc à l’emploi » . C’est un fait, sur les grands aéroports régionaux désertés par Air France, les acteurs locaux, économiques et politiques, se mobilisent pour obtenir l’ouverture de lignes long courrier, que ce soit par des compagnies du Golfe ou d’Asie.
« Les représentants du transport aérien français se félicitent des résultats du groupe de travail qui représentent une avancée très positive pour préserver l’avenir des compagnies aériennes françaises. Ils seront vigilants sur l’application des mesures proposées » . C’est en ces termes que la FNAM (Fédération nationale de l’aviation marchande), le SCARA (Syndicat des compagnies aériennes autonomes), le SNPL (Syndicat national des pilotes de ligne) et le CIS (Collectif intersyndical) ont accueilli le rapport Le Roux, dans un communiqué de presse commun. Ces mêmes organisations professionnelles s’accusaient mutuellement, il y a quelques semaines encore, au moment de la grève des pilotes de ligne d’Air France, de mettre en péril l’avenir du transport aérien français, par les actions jusqu’au-boutistes des uns, par le manque de stratégie des autres. Le temps de la présentation d’un rapport parlementaire, l’union sacrée semble avoir été décrétée.
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Les promesses du rapport Le Roux
Interdire l'emploi de faux indépendant...
Je tiens juste à rappeler cette réponse ministérielle...
http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-7103QE.htm
Combien d'entreprise aéronautiques utilisent les AE comme salarié ? Je ne le compte plus...Soit disant mieux pour tout le monde...Surtout une grosse fumisterie.
Principe de base du Facteur Humains...Si le salarié est rassuré, c'est un bon départ ! Ce n'est pas en lui faisant peur avec le risque de prendre la porte que l'on améliore la sécurité aérienne et la productivité.
Les promesses du rapport Le Roux
Enfin on se réveille, hélas un peu tard.
Pendant des décennies tout a été fait fait pour qu'il n'y ait pas de concurrence à AF.
Des bâtons dans les roues (ailes) n'ont jamais cessé de la part de l'état français et d'AF pour empêcher le développement des concurrents.
On voit aujourd'hui le résultat!
Je me souviens que NF faisait voyager ses clients des Antilles depuis la Belgique avec MINERVE, car non autorisé depuis le sol français, avant que plus tard via CORSAIR ce trafic soit autorisé avec des limites.
Pendant ce temps les autres pays nord ou sud Europe favorisaient la concurrence, ce n'est pas un hasard si les autres nous taillent des croupières.
Ajoutons à cela des taxes comme celle de Chirac qui n'a jamais payé de sa poche un billet, ne soyons pas surpris du résultat.
Je trouve que les Cies françaises ont du mérite de réussir aujourd'hui face à AF.
Les promesses du rapport Le Roux
Le jour oú sparaco arrêtera d'en glisser une petite à Air France dans chacun de ses articles, peut être ressembleront ils a des articles objectifs...
Les promesses du rapport Le Roux
A la décharge de Pierre Sparaco, il faut reconnaître qu'Air France occupe encore une place centrale dans le ciel français et pèse d'un poids certain sur le transport aérien hexagonal. La situation critique dans laquelle se trouve les compagnies aériennes françaises est en grande partie la conséquence de la position dominante qu'a exercée Air France pendant des décennies. C'est ce que précise Pierre Sparaco dans son article. Ne pas le rappeler aurait été une faute…
Et si un jour Air France suivait le chemin de Swissair ou de Sabena, ou encore celui d'Alitalia, nous serions les premiers à le déplorer.
Les promesses du rapport Le Roux
Monsieur LE ROUX serait bien inspiré de nous préciser qui paie les frais du DR 400 et de l' ULM que lui est ses amis députés et autres utilisent.
tous les frais , combien à la charge de chacun...ou faut-il demander à la Cour des comptes de faire un petit contrôle
A une époque où l'on demande beaucoup ( trop ) d'efforts aux citoyens, il ne faut pas que ce soit la politique des biens nantis...ce que semble traquer le Gouvernement mais à égalité...c'est pourtant indiqué en entête de la constitution et sur le fronton de tout immeuble utilisé par nos élus.
Les promesses du rapport Le Roux
"5. Limiter les droits de trafic pour les transporteurs ne respectant pas une concurrence équitable."
Pourquoi seulement "limiter" ces droits de trafic alors que l on devrait carrement les "interdire".
Les promesses du rapport Le Roux
Un bon travail remis a un Gouvernement qui n'a aucune marge de manoeuvre donc il ne faudra pas s'attendre a des changements profonds comme par exemple revoir de fond en comble les problemes lies a Aeroports de Paris qui a un fonctionnement digne des 30 Glorieuses...