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Transport Aérien

L’incident de Bogota révèle un problème de pilotage sur l’Airbus A340

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Thierry Dubois

Le BEA, en enquêtant sur un incident grave survenu en 2017, a levé un lièvre. Les pilotes d’Airbus A340-300 ont une fâcheuse tendance à tirer trop faiblement sur le manche au décollage. Résultat : une marge de sécurité sérieusement entamée.

Un gros trou dans la raquette. On pensait tout savoir des pratiques des pilotes en matière de sécurité. La surveillance des données de vol permet de facilement comparer la théorie à la pratique, l’idéal à la réalité. Las, on apprend que les performances des Airbus A340-300 sont depuis longtemps sous-exploitées au décollage.

Au départ, d’intrigants événements sur l’aéroport de Bogota El Dorado, en Colombie. A deux reprises, en mars et avril 2017, un même A340-300 d’Air France effectue un décollage dangereusement long. Le BEA les qualifie d’incidents graves ; l’enquête porte sur celui du 11 mars.

Les antennes ILS survolées à moins de 4 m

Ce jour-là, les roues du train principal quittent le sol à seulement 140 m du seuil de piste opposé. Le bout du prolongement de piste dégagé – 300 m en plus des 3800 m de piste – est survolé à 6 ft (1,80 m). Le premier obstacle, les antennes de l’ILS, est survolé à 12 ft.

Les pilotes avaient pourtant bien préparé leur vol. Ils étaient conscient des particularités de Bogota El Dorado. Celui-ci est situé à 2.550 m d’altitude – l’air porte moins – et dans un environnement montagneux.

Alors, un problème de moteur, de volet hypersustentateur, de calculateur ? C’est en étudiant l’action au manche du pilote au décollage, la documentation d’Airbus et les habitudes des pilotes d’Air France que les enquêteurs ont compris. Et ce qu’ils ont découvert laisse pantois.

Certes, le pilote peut être montré du doigt : il a particulièrement peu tiré sur le manche. En tous cas, moins que la moyenne des pilotes d’A340-300 chez Air France et Lufthansa (cette dernière a coopéré avec Air France et le BEA). L’assiette à cabrer était donc très faible au décollage et pendant la montée initiale.

Une marge de sécurité réduite de moitié

Mais, d’une manière générale, les pilotes ont une action nettement inférieure à la préconisation d’Airbus. Et personne ne s’en était rendu compte. D’où un décollage plus long, en moyenne, de 300 m pour le passage de la hauteur de référence à 35 ft. Soit la moitié de la marge réglementaire dans les conditions de l’incident.

Selon Airbus, le pilote doit tirer le manche aux deux tiers de son plein débattement, ce qui doit se traduire par un taux de rotation de 3°/s. Le pilote moyen d’Air France et de la Lufthansa tire moins fort et leur taux de rotation est à peine de 2°/s.

Une rotation lente, à 2°/s, comparée à une rotation nominale à 3°/s. © Airbus via BEA

Les calculs menés a posteriori par Airbus montrent que la position recommandée du manche était elle-même insuffisante. Le jour de l’incident, une fois la vitesse Vr de rotation atteinte, le pilote aurait dû placer le manche à 80 % de son débattement maximum.

Le constructeur a donc revu sa copie. Aucune valeur n’est désormais conseillée pour le débattement arrière. Airbus demande à l’équipage de se concentrer sur le taux de rotation, piloté en fonction des conditions du jour.

Réentraîner les pilotes ?

Air France a augmenté les marges de sécurité pour les décollages de Bogota. Les pilotes ont été formés à nouveau à la technique de rotation. Les distances de décollage ont ainsi été réduites mais restent supérieures au modèle d’Airbus, note le BEA.

La Lufthansa a agi de même sur les marges de sécurité pour les décollages de Bogota. Mais la compagnie allemande n’a pas souhaité demander à ses pilotes d’augmenter le taux de rotation au décollage. Ses responsables craignent d’accroître le risque de toucher de queue.

Thierry Dubois

 

Le rapport d’enquête du BEA sur l’incident grave de l’Airbus A340-313E immatriculé F-GLZU et exploité par Air France survenu le 11 mars 2017 à Bogota (Colombie).

 

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Thierry Dubois

Thierry Dubois est journaliste aéronautique depuis 1997. Ingénieur Enseeiht, il s’est spécialisé dans la technologie – moteurs, matériaux, systèmes — et la sécurité des vols. Chef du bureau français du magazine Aviation Week, il anime aussi des rencontres comme les tables rondes du Paris Air Forum. Pour Aerobuzz, Thierry Dubois couvre notamment les hélicoptères civils et des sujets techniques.

View Comments

  • J'ai lu il y a queques remps un commentaire de CdB A340 qui se plaignait d'avoir 4 "seches cheveux" sous les ailes pour decoller de Bogota avec un A340, il a en une seule phrase, resume la situation.

  • Encore un rapport pro airbus et anti PN. Une honte à lire. Pour ne pas perdre de temps, allez direct en page 38 du rapport. Elle résume à elle seule la médiocrité du rapport.

    Une alarme Pitch arrive pendant la rotation. En temps normal cela implique de limiter la prise d'assiette, ce qui a certainement été fait... Et après ça le BEA conclue que la rotation était trop lente! comme dire...

    Je passe sur le fait que cette alarme n'était censé jamais arriver à la rotation et qu'elle a bien été entendue sur cet évènement là. Et aussi sur le fait qu'elle était décrite dans les SOP, par erreur !!! Non mais ALLO quoi!

  • Bonjour a tous,
    Quel est l'intérêt économique d'un quadrimoteur pouvant transporter 240 passagers en standard ? Aucun alors que l'A380 qui transporte 525 passagers est boudé par les compagnies pour entre autres un mauvais ration conso / 100kms / passager.
    La production de l'A340 a d'ailleurs été arrêtée en 2011.
    Alors ma question est simple : Pourquoi le 747 qui transporte 524 passagers en standard, et est en en service depuis 1970 est-il toujours en production alors que la production de l'A380 plus moderne a été arrêtée ? Ca ne me paraît pas logique ?
    Merci pour vos réponses :)

    • lu sur la fiche Wikipédia du 747-8 ():
      "En novembre 2018, le 747-8 compte 150 commandes fermes soit 103 pour la version cargo, dont 83 ont été livrées, et 47 pour la version à passagers, toutes livrées"
      Seule la version Cargo trouve encore preneur, plus la version passager.
      Pour les Gros porteurs en transport de passagers, l'entrée en service du biréacteur 777 à partir de mai 1995 sur vols transocéaniques (ETOPS 180) a balayé la concurrence en quadrimoteur (B747, A340 et A380 à venir finalement lancé en décembre 2000)

      • En effet merci, mais 47 livraisons de version passagers pour le 747, c'est encore bien au-dessus des 30 livraisons de l'A380 les 2 meilleures années (14 en 2017 et 13 en 2018 ).
        Apparemment l'A380 n'est pas doué pour le cargo, dommage car ce créneau permet d'amortir l'outil industriel et donc d’offrir des prix plus bas. (230M€ pour l'Airbus contre 155M€ pour le Boeing en prix réel)
        L'outil de production du 747 est amorti depuis longtemps..
        Doublement dommage car un A380 cargo ça aurait été impressionnant !
        Problème de conception ?

  • Ce problème affectait toutes les compagnies, au point que DLH avait réduit de 300m, je crois, la longueur de piste disponible à Bogota. Le problème est donc à chercher du côté de la formation Airbus..

    • Oui, altitude 2500 mètres MAIS avec des pistes de 3800 mètres de long on a le temps de voir arriver les antennes de l'autre seuil.

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