Lufthansa a créé la polémique en annonçant qu’elle serait contrainte d’assurer 18.000 vols à vide cet hiver pour conserver ses créneaux horaires (slots). La compagnie allemande prend à témoin l’opinion publique pour faire plier la Commission européenne. Ses concurrents l’ont laissée seule monter au créneau.
Nous n’allons pas vous faire l’affront de vous expliquer ce que représentent pour une compagnie aérienne les créneaux horaires. Ni plus ni moins qu’un trésor. Plus l’aéroport au départ duquel elle opère est congestionné, plus la valeur des slots est inestimable. A Londres-Heathrow, à Paris-Orly ou à Francfort, aux heures de pointe, un slot n’a pas de prix. Pas question de risquer de les perdre en ne les utilisant pas.
En effet, la règle imposée par le régulateur est « Use it or lose it ». Cette règle fait l’objet d’une souplesse d’application pour tenir compte des contraintes opérationnelles. Une compagnie doit utiliser au moins 80% de ses slots afin de pouvoir les conserver d’une saison aéronautique sur l’autre.
En temps normal, le système complexe des slots fonctionne. Sur certains aéroports saturés on peut assister à des poussées de fièvre au moment où un lot est mis sur le marché suite à la défaillance d’une compagnie. Mais en période de pandémie, la préservation des créneaux devient un casse-tête.
Au tout début de la crise sanitaire actuelle, lorsque 14.000 des 22.000 avions de ligne qui composent la flotte mondiale ont été cloués au sol, les créneaux n’ont pas pu être utilisés. Ils n’ont pas été perdus pour autant. En mars 2020, la règle a été suspendue. Les compagnies ont pu conserver leurs slots bien qu’elles ne les aient pas utilisés.
En mars 2021, quand le trafic s’est redressé, le seuil des 80% a été abaissé à 50%, pour la saison aéronautique été 2021 qui a débuté le 28 mars 2021. La règle a été prolongée pour l’actuelle saison hiver 2021-2022 qui se termine le 26 mars 2022.
La Commission européenne qui est à la manœuvre a annoncé que le seuil allait être remonté à 64% pour la saison été 2022 qui débute le 27 mars 2022. La plupart des compagnies aériennes s’en accommodent apparemment. Pas Lufthansa, ni sa filiale belge Brussels Airlines qui ont menacé de faire voler leurs avions à vide pour conserver leurs précieux créneaux.
Carsten Spohr, le PDG de la major allemande, a avancé le nombre de 18.000 vols à vide au cours de l’hiver du fait de la fermeture de nombreuses frontières qui ont entrainé une rechute des vols long courrier en particulier. Cette annonce a évidemment déclenché une belle polémique, ce qui était de toute évidence, l’objectif.
En prenant l’opinion publique à témoin et en poussant les élus politiques dans leurs retranchements, Spohr espérait faire plier la Commission européenne et obtenir un assouplissement de la règle. On remarquera que Lufthansa et Brussels Airlines sont montées seules au front. Non pas que les autres compagnies aériennes ne se sentent pas concernées, mais elles sont moins impactées. Les exemptions que prévoient la règle, pour cause majeure, leur offre suffisamment de souplesse.
De la souplesse, Lufthansa et Brussels Airlines en manquent depuis qu’elles ont procédé à de profondes restructurations en début de crise. Le groupe a annoncé en avril 2020, sa volonté de supprimer 22.000 postes à temps plein dans le monde, sur un total de 138.000 salariés. L’allemande a notamment négocié avec ses pilotes un gel de l’augmentation des grilles de salaires, une réduction du temps de travail assortie d’une baisse proportionnelle de salaire. Les concessions acceptées par les pilotes ont permis d’éviter des licenciements secs dans les cockpits.
Pendant les fêtes de fin d’année, Lufthansa a multiplié les annulations de vol du fait d’un taux élevé de malades parmi ses pilotes. Une décision indépendante du coefficient de remplissage des avions, de toute évidence…
Jusqu’à présent, les compagnies françaises arrivent à préserver leurs créneaux en opérant réellement leurs vols. Le marché français est plus dynamique que le marché allemand. D’abord par ce que le marché domestique français résiste. Ensuite parce que l’outre-mer constitue un atout pour le transport aérien français qui opère plusieurs lignes millionnaires. Malgré la succession des arrêts et des reprises, au rythme du flux et du reflux de la pandémie aux Antilles, en Guyane et en Polynésie, les vols affichent de bons taux de remplissage. Ce n’est évidemment pas le cas des vols long courrier assurés par Lufthansa.
Air France n’a pas non plus intérêt à faire des vagues en ce moment. Malgré l’image qu’elle donne, elle est loin d’être sortie d’affaires. L’urgence est à la recherche d’investisseurs. Pas question d’effrayer les candidats potentiels en agitant un drapeau rouge sous le nez de la Commission européenne.
Paradoxalement, Lufthansa est dans une bien meilleure situation. Elle a remboursé le prêt que lui avait consenti l’état allemand et elle a procédé à une restructuration en profondeur. Elle est armée pour tirer le maximum de profit quand les frontières vont s’ouvrir définitivement et que le trafic aérien se redressera. Le coup des 18.000 vols fantômes ne restera alors dans les mémoires que comme une péripétie. Sans plus.
Gil Roy
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