Le Beaujolais nouveau, c’est avant tout une course contre la montre pour acheminer en trois jours, plus de 60 millions de bouteilles, dans 140 pays. Seul l’avion permet de relever un tel défi logistique qui se révèle être, également, pour tous les acteurs de la filière, non seulement un tour de force, mais aussi un vecteur de communication apprécié.
Le beaujolais nouveau existe depuis qu’il y a de la vigne en Beaujolais (c’est-à-dire depuis toujours…), mais son existence légale remonte au décret de 1951 qui régit de manière précise les différentes étapes de sa mise à disposition des consommateurs. Le phénomène a commencé à prendre de l’ampleur au début des années soixante. Aujourd’hui, il est universel et se compte en millions de bouteilles, 62 pour être précis, soit un tiers de la production totale du vignoble. La moitié est exportée dans 140 pays, aux premiers rangs desquels figurent l’Allemagne, le Japon et les Etats-Unis.
La mise à la consommation a traditionnellement lieu le troisième jeudi du mois de novembre, à 00h00, mais le vin ne peut être expédié vers les détaillants, où qu’ils soient dans le monde, qu’à partir du deuxième jeudi de novembre, 22h00. C’est court. Pour faciliter les expéditions, des aménagements ont été consentis. Les marchandises peuvent ainsi être approchées trois jours auparavant. Autrement dit, les transitaires, les agents de handling et les compagnies aériennes disposent de trois jours pour acheminer les cartons de beaujolais nouveau des lieux de stockage jusque dans les soutes des cargos.
Dès le troisième jeudi d’octobre, soit un mois avant la libération du primeur, le vin peut quitter les chais afin d’être conditionné en vue de l’expédition finale. Il ne peut toutefois pas encore quitter le territoire national. En 1999, l’aéroport de Lyon-Satolas (qui ne s’appelait pas encore Saint-Exupéry) a mis à la disposition des professionnels du fret de la plate-forme, 7300 m2 de chapiteau, afin qu’ils puissent préparer dans les meilleures conditions les palettes directes. 6000 tonnes, soit près de 5 millions de bouteilles, ont ainsi été traitées sur place. Cette année, 12.000 m2 de tente ont été montés, en deux endroits, pour offrir un meilleur confort de travail. Bristish Airways pour sa part en a réservé 4800 m2 pour conditionner les 1500 tonnes qui seront expédiées via ses hubs de Heathrow et Gatwick. Une équipe de dix techniciens est détachée de Londres pour gérer ce volume.
A partir du mercredi 8 novembre 00h00, les entrepôts et les chapiteaux vont se vider en quelques heures. L’année dernière, 300 camions ont enlevé les neuf dixièmes du Beaujolais nouveau de Satolas pour l’acheminer vers les hubs fret des principales compagnies. Seules resteront les palettes destinées à être expédiées depuis Lyon par avion. « Nous ne dérogeons pas à notre politique de hub », explique Olivier Benoit, directeur régional France centre d’Air France Cargo. « 85% des 1000 tonnes que nous traitons transitent pas Lyon-Saint-Exupéry, où l’aéroport met à notre disposition des mètres carrés qui nous font défaut à Roissy, pour ce fret spécifique à ce moment précis de l’année. »
Actuellement on peut estimer que malgré les efforts qu’il consent, l’aéroport lyonnais ne capte que 50% du marché (l’autre moitié va directement des chais vers les aéroports européens) et que seule une très faible proportion (10% seulement) est embarquée à bord d’avions. De par sa proximité avec le vignoble (une quarantaine de kilomètres seulement), l’aéroport rhônalpin aimerait être considéré, par les compagnies, comme l’aéroport de référence du beaujolais, mais tant qu’il n’offrira pas de lignes fret régulières intercontinentales, il lui sera très difficile d’y parvenir. Cette année, sur les 1000 tonnes qu’elle va transporter, Air France en fera partir 30, en trois jours, dans les soutes du Boeing 767 de Delta Airlines qui relie quotidiennement Lyon à New York depuis avril dernier.
Chaque année l’aéroport multiplie les opérations de séduction auprès des compagnies en mettant en avant le fait que le beaujolais nouveau est traité à part, en dehors des autres flux, ce qui limite en particulier les risques de casse. Même si l’argument porte (le nombre des camions pourrait atteindre 500 cette année), il ne suffit pas pour faire venir des avions en nombre. Seules les compagnies qui veulent profiter de l’événement pour communiquer y sont sensibles. Ce fut le cas l’année dernière pour FedEx qui a affrété quatre MD-11 et deux DC-10 (six des huit cargos qu’a accueillis l’aéroport lyonnais). Le numéro un mondial du transport express venait de connecter Lyon à son hub de Roissy-CDG, par une liaison régulière en Short360. Ce fut l’opportunité de le faire savoir.
En définitive tous les acteurs de la filière logistique, à commencer par l’aéroport lui-même, s’accordent sur le fait que le beaujolais nouveau est une excellente occasion de se faire valoir auprès de son marché. « Pour Saint-Exupéry, en termes de quantité, il constitue un volume modeste. Il représente environ 5% du total du tonnage annuel » explique Eric Burdin, marketing cargo et logistique à Lyon-Saint-Exupéry, « mais en termes d’image c’est une locomotive du fait de la renommée mondiale du beaujolais et des impératifs qu’impose ce type de fret ». Pour tous, c’est l’occasion de faire la démonstration de leurs capacités opérationnelles comme le souligne Arnold Leewin de France Handling, qui avant de rejoindre Roissy-Charle-de-Gaulle, a organisé depuis Lyon plusieurs campagnes successives. « En l’espace de quinze jours, nous doublons notre tonnage mensuel. C’est pour nous, le moyen de prouver à nos compagnies clientes que nous sommes capables de traiter de grosses opérations (2500 tonnes en 1999) en mobilisant nos effectifs H24 pendant une semaine ».
Pour les compagnies aériennes, l’opération beaujolais nouveau représente un tour de force qu’elles anticipent de plus en plus tôt, dès janvier pour la plupart, car, non seulement, elle se concentre sur trois jours, mais elle intervient à un moment où la demande est traditionnellement la plus forte de l’année. Non seulement les entrepôts débordent de marchandises, mais les volumes disponibles à bord des avions se font rares. Certains transporteurs, à l’image de Swissair, ont décidé de faire l’impasse. « Nous nous refusons à écarter nos clients réguliers pour faire de la place, pendant trois jours, au beaujolais. Nous préférons privilégier les transports réguliers de nos partenaires habituels » affirme Joseph Bensoussan, directeur fret Rhône-Alpes de Swisscargo. En 1999, la compagnie suisse a traité 650 tonnes. Cette année, elle s’est limitée à 150 tonnes, expédiées par 35 camions, vers ses hubs internationaux et ceux de ses filiales (Zurich, Bruxelles, Luxembourg et Bâle). Air France a choisi, pour sa part, une position intermédiaire. « Nous ne décommercialisons pas notre offre au profit du beaujolais nouveau », précise Olivier Benoît. « Nous ne répondons qu’à 50% de la demande qui nous est faite ».
De tels efforts trouvent leur justification, non seulement dans les retombées médiatiques et commerciales qu’ils génèrent, mais également dans marges confortables qu’offre ce fret spécifique. Pour le Japon, par exemple, le coùt du transport se situe aux environs de 25 F par bouteille. British Airways a fait un audit récemment pour en mesurer la rentabilité. Elle a décidé de continuer.
Gil Roy. Aéroport Magazine. Novembre 2000
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