NBAA 2012 : Autopsie du salon de l’aviation d’affaires en crise

L’édition du salon NBAA 2012 de l’aviation d’affaires qui s’est tenue à Orlando, les 30, 31 octobre et 1er novembre 2012, a mis en lumière le marasme qui règne sur le marché mondial de l’aviation d’affaires. Les constructeurs retouchent leur gamme en attendant la reprise annoncée pour… 2016.

Même si durant la 65ème convention annuelle de la NBAA (National Business Aviation Association), qui s’est tenue à Orlando, les 30, 31 octobre et 1er novembre dernier NBAA 2012 en chiffres – C’est au Orange County Convention Center d’Orlando en Floride que s’est tenue les 30, 31 octobre et 1er novembre dernier, la 65ième édition du salon annuel de la National Business Aviation Association (NBAA). Elle a été dédiée à Neil Armstrong, premier homme sur la Lune et un des trois premiers porte-parole de l’aviation d’affaires au moment du lancement du slogan ‘No Plane, No Gain’.

Cette grande messe de l’aviation d’affaires mondiale accueillit 25861 visiteurs professionnels, a peine 145 de moins que l’an dernier mais en net recul par rapport aux 33088 en 2007. 1073 exposants répondirent à l’appel contre 1106 en 2011 et 1183 en 2008 à la veille de la crise financière. D’ailleurs plusieurs espaces étaient inoccupés sur le plancher du Convention Center. Quelques 101 avions d’affaires neufs et d’occasion étaient exposés au Orlando Executive Airport., « Air Force One », le plus prestigieux bizjet du monde était sur le tarmac de l’aéroport Orlando International, les relations ne sont pas au meilleur entre le président Barack Obama et le monde de l’aviation d’affaires.
Le nœud du litige réside dans la volonté de la Maison Blanche d’imposer des frais aux avions d’affaires d’un maximum de $ 100 par vol, une mesure qui rapporterait au fisc fédéral dix milliards de dollars en dix ans.

Pour Brian Foley, président de Brifo, le marché a de la difficulté à revenir au niveau de 2008 alors que 1265 avions d’affaires furent livrés presque le double du niveau actuel. Tout au moins, le pire a été évité grâce aux pays du BRIC mais assurément, la reprise ne viendra pas de ces pays.

Néanmoins, aux dires de Richard Aboulafia, analyste principal chez Teal Corporation, tous les éléments d’une reprise sont réunis : baisse des inventaires d’avions d’occasion, taux d’utilisation et vente de carburant en augmentation, hausse de la bourse américaine et des profits des entreprises. Mais l’instabilité politique couplée à la fragilité des plus grandes économies de la planète retardent cette reprise dont le moteur, selon cet analyste, sera le marché américain. En 2012, la flotte mondiale d’avions d’affaires a augmenté de seulement un pour cent à 29248 appareils, les jets avec 18174, une hausse de 65 unités et les turboprops, une de 263 appareils ou 2,4% à 11074 unités. Environ 14% de la flotte mondiale reste en vente créant une pression à la baisse sur le prix des avions d’occasion de petit et moyen gabarit.

HawkerBeechcraft avec quelques 5322 King Air occupe 48% de la flotte mondiale de turboprops qui s’élève à 11074 tandis que du coté des jets, Cessna domine avec 6169 Citation suivi par Bombardier avec 3899, HawkerBeechcraft, 2408, Gulfstream, 2332 et Dassault 1812 sur un total de 18174.

Les Etats-Unis abritent toujours la plus grande flotte d’avions d’affaires avec 18475 appareils d’un âge moyen de 18 ans, l’Europe, 3811 et 13 ans, l’Amérique latine, 3916 et 18 ans, la zone Asie-Pacifique, 1159 et 14 ans, l’Afrique, 844 et 20 ans, et le Moyen-Orient, 378 et 12 ans.

Selon la vingt et unième édition des prévisions de Honeywell, entre 680 et 720 avions d’affaires seront livrés cette année et l’an prochain, tout autant, comparativement à 683 l’an dernier, 732 en 2010, 849 en 2009 et 1139 en 2008.

Quelques 10 000 avions seront livrés entre 2012 et 2022 d’une valeur de 250 milliards de dollars selon les prévisions de cette année contre 10 000 et 230 milliards selon celles de l’an dernier. Une plus grande proportion de ventes de gros avions compenseront pour une réduction du nombre d’avions produits.
Durant les cinq prochaines années, ils représenteront 70% de la facturation. Le marché ne devrait retrouver son niveau de 2008 pas avant 2016, une année plus tôt que dans les prévisions de l’an dernier.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les constructeurs aient adopté un profil bas.

HawkerBeechcraft dont l’avenir inquiète beaucoup car depuis 2008 ses ventes ont chuté de 65% l’obligeant à se placer sous la protection de la loi sur les faillites.
Suite à l’échec de sa reprise par la chinoise Superior Aviation, la direction du constructeur de Wichita annonça la vente des jets d’affaires et à défaut la disparition de l’activité pour concentrer son activité autour des avions à pistons Bonanza et Baron et des turboprops d’affaires King Air et de formation en vol T-6. La production des jets est suspendue depuis déjà plusieurs mois.
HawkerBeechcraft honorera les garanties sur les Hawker 400XP, 750 et 900XP. Par contre, dans le cas des Hawker 4000 et Premier 1A, seuls les moteurs et l’avionique seront couverts par les fabricants dans l’attente de trouver un candidat intéressé à offrir l’entretien et honorer les garanties.

Le nouveau Beechcraft souhaite porter sa gamme de six à dix avions par l’ajout de trois monoturbines.
Dès 2016, un nouveau monoturbine, le SETP, arriverait sur le marché. Reprenant le fuselage du Premier 1A, il offrirait la plus volumineuse cabine, accueillerait confortablement huit passagers en Double Club et volerait à 300 nœuds sur 1750NM.
La gamme des avions à pistons Bonanza et Baron pourront bientôt d’utiliser le Jet A.
L’entreprise vise une production annuelle de six cents appareils à terme.

Cessna annonça la refonte du Sovereign qui offrira un rayon d’action allongé à 5500km, des performances au décollage améliorées, l’ajout de winglets, d’une planche avionique Garmin G5000, un système de cabine Cessna Clarity, des sièges plus confortables et l’internet sans fil. Les premières livraisons de cet avion de 17.8 millions de dollars sont prévues pour la fin 2013.

Le Cessna X, le haut de gamme rebaptisé il y a deux ans suite à sa refonte sous le nom Citation Ten, reprends son nom de baptême, d’il y a 22 ans, à la demande des clients du constructeur de Wichita.

Un haut responsable de l’avionneur de Wichita parla du lancement éventuel d’une nouvelle famille de jets légers à cabine large.

Boeing lança la version affaires du 737 MAX. Ainsi le BBJ Max 8 remplacera le BBJ2 avec un rayon d’action augmenté de 600nm à 5670nm et le BBJ Max 9, le BBJ3. Depuis son lancement il y a quinze ans, 159 BBJ sont en service, 179 livrés et 206 commandés. Depuis le Salon de l’an dernier, le constructeur de Seattle a livré trois BBJ et un BBJ2 coutant respectivement 57 et 68 millions de dollars avant leur aménagement qui demande de 20 a 30 millions de plus.

Airbus Corporate Jet, à défaut, d’annoncer l’offre d’une version d’affaires de l’A320 NEO, présenta l’ACJ318 Enhanced offrant une refonte de la cabine et en option les Sharklets augmentant l’autonomie de 150NM, une douche et une salle de cinéma. Pour 68 millions, l’ACJ318 est disponible avec un intérieur standard pour les clients ne voulant envoyer l’appareil à un centre de finition.

Une version bizjet de l’A320 NEO ne sera pas disponible avant six ans du fait du fulgurant succès de sa version commerciale. 170 ACJ sont en service actuellement.

Dassault Aviation fidèle à la tradition brossa un tableau de chacun des membres de la famille Falcon. L’avionneur de Mérignac lança le Falcon 200LXS en combinant le meilleur du 2000LX et du 2000S pour donner un aéronef capable de franchir 4000nm à Mach 0.80 et dont la distance au décollage a été réduite de 1125 pieds et à l’atterrissage de 430. Il sera de 300 livres plus léger que le LX qu’il remplacera en 2014 tout en offrant une réduction de 2 décibels du niveau sonore en cabine. Il offrira aussi le système de gestion de cabine et de divertissement FalconCabin HD+ intégrant le Rockwell Collins Venue. Les émissions du 200LXS en NOx sera réduite de 20% grâce à ses deux moteurs Pratt & Whitney Canada 308C.

HondaJet est le seul des constructeurs du secteur des « Jets de poche » ou « Very Light Jets » ou VLJ, a avoir été actif à Orlando cette année. Retardé par des ennuis de développement de son moteur le HF120 de Honda et General Electric, le HS420 devrait entrer en service à la fin de 2013.

Naguère étoile du segment des VLJ, Eclipse, se contenta d’un stand au statique accompagné d’un appareil. Aerion, toujours optimiste quant a son projet de bizjet supersonique, arboré un stand de bonne taille. Mais le temps de l’euphorie des ‘Very Light Jets’ et des supersoniques est passé.

Gulfstream présentait cinq biréacteurs à Orlando, cette année. A Mach 0.925, le Gulfstream G650 sera le jet le plus rapide avant la certification du Cessna X l’an prochain à Mach 0.935. Avec son rayon d’action supérieur de 1000NM et sa plus grande vitesse par rapport au G550, le G650 pourra relier Tokyo et New York 40 minutes plus vite. Certifié le mois dernier, le premier G650 sera livré avant la fin de l’année.
Les cinq avions de Gulfstream présents au statique volèrent depuis Savannah sur un mélange 50-50 de biocarburant développé par Honeywell.

Nextant Aerospace qui se spécialise dans la remanufacture et la remotorisation de Hawker 400 annonça la livraison de 25 400XT d’ici la fin de l’année. Certifié en octobre 2011, le 400XT affiche un carnet de commandes se chiffrant à 175 millions de dollars. De ces nouvelles installations à Colombus en Ohio, Nextant pourra livrer 48 appareils par année. Nextant a choisi le canadien CAE pour la formation des équipages du 400XT.

Embraer présenta pour la première fois au Salon, la maquette grandeur nature de la cabine du Legacy 450 accueillant 8 passagers sur 2300NM.

Quant a son grand frère, le Mid-size Legacy 500, son premier vol n’est plus qu’une question de semaine aux dires du constructeur de São José dos Campos alors que son entrée en service comme celle du 450 est prévue en 2014.

Bombardier dévoila le premier biréacteur Global 6000 de la méga commande passée le 1er mars 2011 par le géant de la multi propriété, l’américaine NetJet. Le constructeur de ville Saint-Laurent présenta au statique l’avion d’essai du Learjet 75 équipé de la suite avionique Garmin G5000 et une maquette grandeur nature de la cabine du Learjet 45 et du Learjet 75 qui remplaceront les Learjet 40XR et 45XR. Une maquette grandeur nature du fuselage du Learjet 85, le premier biréacteur d’affaires certifié en vertu du chapitre 25 des FAR et construit principalement de matériaux composites fut le point d’attraction. Lancé en 2007, il devrait entrer en service en 2013.

Coté propulsion, SAFRAN dévoila une maquette en taille réelle de son turboréacteur de 9500 a 12000 livres de poussée Silvercrest qui propulsera le Cessna Longitude. Un premier moteur est au banc d’essai tandis que huit autres sont en assemblage à Villaroche. Entrant en service en 2017, le Silvercrest promet une diminution de consommation en carburant de 15% et d’émission de NOX de 50% par rapport aux moteurs en service.

General Electric annonça le lancement de la production du Passeport 20 d’une poussée de 16500 livres qui équipera les Global 7000 et 8000, six mois plus tôt que prévu. Les deux aéronefs effectueront leur vol inaugural en 2014.

Bombardier et CAE ouvriront à Amsterdam une deuxième installation de formation pour tous les avions d’affaires de l’avionneur canadien qui j’ajoutera à celle de Burgess Hill en banlieue de Londres.
Finalement, CAE fut désignée fournisseur de formation mondial autorisé sur
les avions d’affaires Global 5000, 6000, 7000 et 8000.

Quatre ans après la chute de Lehman Brothers, le marché de l’aviation d’affaires a du mal à reprendre son souffle hormis le secteur des avions de plus de 25 millions de dollars.

Philippe Cauchi