Le département américain de la Justice vient d’autoriser la fusion entre American Airlines et US Airways. Le nouveau géant, « New American » prendra forme le mois prochain sur un marché américain quasiment atone, ce qui ne facilitera pas le redressement d’American Airlines, toujours en dépôt de bilan.
Contre toute attente, la fusion American Airlines/US Airways devrait devenir réalité sans avoir à franchir de nouveaux obstacles. En effet, après avoir violemment contesté l’intérêt de cette opération, le département américain de la Justice a donné son accord, moyennant des concessions en matière de « slots », c’est-à-dire de créneaux de décollage et d’atterrissage sur des aéroports où la « New American » aurait été proche du monopole, principalement à Washington (Reagan National Airport) et New York (LaGuardia). Mais, pour le reste, il ne s’agit, toutes proportions gardées, que de points de détails.
Dès lors, la concentration du transport aérien U.S., « consolidation » en franglais, atteint son point culminant, l’esprit et la méthode se trouvant diamétralement opposés à l’esprit des pères fondateurs de la déréglementation et de l’Airline Deregulation Act d’octobre 1978. En une dizaine de mois, ce rapprochement, qui va donner naissance à un numéro 1 mondial imposant mais plus fragile que ne le laissent supposer les bulletins de victoire des deux partenaires, a agité beaucoup de monde et suscité des échanges de vues parfois très durs.
Outre le département de la Justice, sont montés en première ligne les Etats de l’Arizona, Floride, Michigan et Tennessee et une communauté d’intérêts constituée pour la circonstance par la Pennsylvanie, la Virginie et de District of Columbia. Tous se sont interrogés sur le bien-fondé du projet de fusion, en même temps que diverses autres parties. Du coup, on aurait pu s’attendre à assister à un vaste débat sur l’avenir du transport aérien américain, sur la concentration de l’essentiel de l’offre dans les mains des dirigeants de cinq compagnies seulement, cela à un moment où la plus puissante des low cost, Southwest Airlines, est en petite forme. Ce grand débat n’a pourtant pas eu lieu et on est en droit de s’en étonner. Il a surtout été question, en effet, de volonté de retrouver une rentabilité convenable et un retour sur investissement acceptable, de capitalisation boursière, d’économies d’échelles et de synergies. Pour qui pouvait encore en douter, il s’agit bel et bien d’une opération purement financière.
Le sacro-saint consommateur (le « traveling public ») n’a pourtant pas été oublié, grâce au département de la Justice, soucieux d’éviter les positions commerciales dominantes, pire, les monopoles, qui risqueraient de tirer les tarifs vers le haut. D’où l’injonction en termes de restitution de slots, le tandem American/US Airways devant en abandonner 88 à Washington Reagan et 34 à LaGuardia, ce qui n’a rien de spectaculaire. Dans le même esprit, les deux compagnies ont accepté de renoncer à l’usage de quelques portes d’embarquement (une denrée devenue rare, elle aussi) à Boston Logan, Chicago O’Hare, Dallas Love Field, Los Angeles International et Miami International.
L’opération, américaine de bout en bout, qui n’a pas justifié une quelconque évocation des marchés étrangers, a aussi pris en compte des inquiétudes régionales, voire locales. D’où l’engagement de maintenir (mais pendant 3 ans seulement) les hubs de Charlotte, Philadelphie, Phoenix et plusieurs autres. Mais à aucun moment des déclarations emphatiques de cette semaine n’ont évoqué quelques-unes des difficultés à venir, par exemple le fait qu’American est membre de l’alliance Oneworld tandis que Star compte US Airways parmi ses adhérents. La réponse est facile, à savoir que les deux compagnies conserveront une existence légale propre, un modèle qui rappelle celui d’Air France et KLM.
La holding qui sera mise en place sera détenue par American à hauteur de 72 %, US Airways détenant le solde, c’est-à-dire 28 %. La répartition des sièges au sein du conseil d’administration révèle un tout autre rapport des forces : quatre voix pour US Airways, trois seulement pour American, les cinq autres étant confiées à de grands créditeurs. On risquait de l’oublier : American est en dépôt de bilan (et non pas en faillite comme semblent le croire nombre de commentateurs européens) et devra continuer de déployer des efforts considérables dans l’espoir de remonter la pente. Ce ne sera pas chose facile, sur un marché quasiment atone : toutes considérations conjoncturelles mises à part, le marché aérien américain est arrivé à maturité et devrait dorénavant connaître une progression limitée à environ 1,5 % par an. D’où l’éventualité d’une tentative de s’implanter davantage dans d’autres régions du monde pour tenter de découvrir ce qu’il est convenu d’appeler des gisements de croissance.
Pierre Sparaco
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