Aerobuzz.fr a donné carte blanche à Michel Trémaud, nouveau venu au sein de son équipe rédactionnelle. Celui qui a consacré le principal de sa carrière aux opérations en vol, essais de développement / certification et sécurité des vols, se propose, dans cette première série d’articles, de démystifier la notion de Facteurs Humains en aviation.
Le site Aerobuzz.fr aborde habituellement l’actualité aéronautique et des thèmes de réflexions nouveaux dans notre industrie ; les Facteurs Humains répondent-ils à ces deux critères ?
La réponse est sans hésitation positive ; en effet, les Facteurs Humains resteront un thème d’actualité aussi longtemps que des êtres humains seront en charge de concevoir, fabriquer, entretenir et mettre en œuvre les avions que nous pilotons ou empruntons pour nos déplacements.
Bien sûr, beaucoup a été écrit sur ce sujet et une certaine asymptote a été atteinte dans le développement et la diffusion de la connaissance et des outils associés.
Cet article, ainsi que les suivants, se propose donc de revisiter ce sujet, avec un « certain regard« , avec pour principal objectif de démystifier la notion de Facteurs Humains en aviation.
En effet, cette notion naturelle et de bon sens a été parfois élevée au rang de véritable discipline et a été souvent présentée de manière intimidante … alors qu’elle ne fait que refléter les forces et faiblesses des êtres « humains » qui conçoivent, fabriquent, font voler et entretiennent les « machines ».
Dans ce contexte, la compréhension des facteurs humains n’a d’intérêt que si elle permet de mieux comprendre comment ceux-ci affectent la performance humaine, et donc comment se protéger des différentes menaces qui nous guettent en développant des « lignes de défense » au niveau de notre industrie mais également à titre personnel.
En lisant ces lignes et celles des articles futurs, il est donc primordial de sans cesse s’interroger afin de répondre aux questions suivantes :
Sans renier les recherches académiques qui ont permis de structurer l’étude et la compréhension des facteurs humains, il est peut être intéressant d’adopter une approche plus opérationnelle et d’enrichir les modèles théoriques et les statistiques d’une bonne dose de « jugement d’expert » afin d’être plus audible auprès des acteurs de première ligne et d’aboutir à des propositions et solutions plus pragmatiques et plus concrètes.
L’auteur puisera dans son vécu en matière de retour d’expérience – vécu nourri de ses activités passées au sein d’un grand constructeur – notamment dans le domaine de l’amélioration de la conception, des procédures d’utilisation, de la formation et de l’information continue des opérateurs.
C’est dans cet esprit qu’Aerobuzz.fr propose de revisiter les thèmes suivants, qui vous sont certainement familiers, mais que – nous l’espérons – vous aurez plaisir à revisiter avec « un certain regard » :
Afin de fixer le décor, le prochain article (jeudi 27 octobre 2016) sera consacré à une revue et discussion des « modèles de sécurité » qui constituent notre référentiel commun en termes de standards et bonnes pratiques.
Michel Trémaud
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Je sais que je vais vous choquer mais l'"Hudson River" ne me parait pas un cas un cas d'exemplarité pour les facteurs humains. Des buildings à droite, des buildings à gauche, une immense étendue d'eau plate droit devant, sans une ride, pas un pouce de vent, un soleil radieux, des bateaux tout proche ...
Quel autre choix avaient-ils ?
Je préfèrerais l'exemple de l'Airbus qui eût les 3 circuits hydrauliques détruits par un missile et dont l'équipage réussit le prodige de ramener l'avion au sol, sans aucune commande de vol ... ça c'est un véritable exploit !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Attaque_du_vol_DHL_en_2003_%C3%A0_Bagdad
Par contre le B777 d'Asiana est effectivement un excellent cas d'école pour l'étude des facteurs humains ...
Avec toutes mes excuses pour la langue, mais l'article n'est pas traduit, une approche sensée qui a fait ces preuves:
http://www.flyingmag.com/why-learning-to-fly-by-tlar-is-important
TLAR — “that looks about right.”
Moi, simple aviateur, loin des asymptotes, lorsque j'entends "facteurs humains", cela évoque deux choses : la faute, (ou la recherche de la faute), et les relations des hommes dans un cockpit.
Les Facteurs Humains englobent en fait le champ très large des compétences dites "non-techniques" (qualités personnelles, attitude, conscience de la situation, gestion des ressources, jugement et prise de décision, ..., gestion des menaces et erreurs, ...).
En ce qui concerne les erreurs, les Facteurs Humains s'intéressent à l'erreur en elle-même et à ses conséquences mais également - et peut-être surtout - aux facteurs qui ont conduit à cette erreur.
La culture de sécurité a évolué d'une culture punitive vers une culture juste, qui cherche à comprendre le quoi / comment / pourquoi des choses pour mieux agir en termes de prévention.
Nous reparlerons bien sûr de tout cela.
L'humain imparfait fabrique des machines de plus en plus sophistiquées afin de palier à ses propres défauts et tendre ainsi vers la perfection sans jamais l'atteindre.
L'asymptote pourrait aussi se traduire ainsi.
Il faut souligner que : Une droite asymptote à une courbe est une droite telle que, lorsque l'abscisse ou l'ordonnée tend vers l'infini, la distance de la courbe à la droite tend vers 0.
Personnellement, je vais avoir du mal à suivre, c'est tout le problème de ceux qui font mais ne pratique pas .
<>
Ce cadrage me laisse curieux de la suite. S'il a fallu que les tenants du facteur humain portent le fer et sanctuarisent le concept, c'est peut-être moins à eux qu'il faut le reprocher, qu'à ceux qui "en face", n'avait de cesse de se percevoir comme des aventuriers héroïques, surplombant le monde, exemptes de tout reproches.
Ce n'est donc qu'un mouvement de balancier – du trop d'arrogance et d'ignorance– vers –l'excès de concept– auquel nous assistons. Sans doute que le point médian pourrait-être la modestie prudente. Et la capacité d'apprendre sur soi.
Voilà un sujet qui s'annonce passionnant.
Bienvenue Monsieur Trémaud !
Vivement la suite !
Guerre électronique - Tous les systèmes électriques sont en panne... On saute en parachute ? Zut y en a pas... Fallait y penser... avant.
L'avènement des sciences humaines en aviation date - à mon humble avis - de la guerre quand Britanniques et Américains furent confrontés au problème des énormes pertes d'équipages de bombardiers, et donc de celui de l'aide qu'il fallait leur apporter pour pallier le manque de temps de formation.
La check-list, rapidement adoptée par les compagnies aériennes, fut donc la première protection contre les aléas du cerveau humain, les situations de stress, les interventions extérieures.
À Air France, en tant qu'instructeur, je fis partie du premier stage de Facteurs Humains, en compagnie de tous les chefs de division.
Notre conférencier était un copilote. Il se trouva que nous fîmes un New-York ensemble peu de temps après... Le type n'a pratiquement pas décroché les dents de tout le vol !
Je raconte cette anecdote pour souligner que la science des facteurs humaines est une pâte qui peut se travailler, certes, mais si vous n'avez pas de goût pour faire la pâte, vous êtes... cuit !
C'était peut-être un taiseux... ?
Excellent...ah ces copis !!!
On se souvient, à la fin des années 90', de l'excellent Nicolas Loukakos qui avait initié, dans le magazine "Navigants” la publication de dossiers de qualité sur le sujet et de la lettre “Facteurs Humains” qu'il dirigeait, éditée par le SAAM (Service des Assurances de l'Aéronautique Marchande - filiale du Groupe Verspieren). C'était il y a presque vingt ans et Nicolas était l'un des précurseurs sur le sujet...