Le secteur Airbus A380 chez Air France est terminé depuis le 30 juin 2020, mais les avions ont cessé de voler depuis plusieurs semaines. Des pilotes ont accepté de raconter leur expérience, de parler de cet avion à part qui appartient désormais à l’histoire de la compagnie. Et apparemment, il n’y a pas que les passagers qui apprécient l’A380 d’Airbus…
« J’ai connu le Boeing 737, le 747, ou l’Airbus A310, et je me suis habitué au 380 comme on le fait en changeant de voiture… » témoignait il y a quelques semaines sur Aerobuzz.fr, Thierry Paris, commandant de bord et instructeur de la première heure sur A380.
Avec ses collègues (environ 90 CDB et une centaine d’officiers pilotes de ligne sur le secteur) ils s’attendaient tous à dire un jour adieu à leur plus bel outil de travail. Mais peut-être pas de sitôt. Le Groupe Air-France-KLM avait en effet planifié l’arrêt définitif de l’exploitation de la flotte d’Airbus A380-800 pour 2022. Et puis il y a eu la pandémie et le retrait anticipé (annoncé le 20 mai 2020) d’un avion encore si jeune qui a marqué une véritable rupture dans la philosophie du vol…
Avant de s’assoir aux commandes du mastodonte européen, la plupart des pilotes ont connu différents types d’avions dont ceux construits par Boeing…
« Le passage aux mini manches et non conjugués d’Airbus, 100% commandes électriques, ce fut une grande découverte ! C’était mon quatrième type d’avion en tant que CDB » explique Thierry Paris.
« C’est un avion souple et peu bruyant, et donc moins fatiguant pour les long-courriers. En venant du 777, tout fût nouveau pour moi sur le 380 mais on s’entraine suffisamment en simulateur pour ne pas être dépaysé » témoigne Philippe Poncelin, commandant de bord qualifié sur l’appareil à 59 ans.
« Le Boeing 747-400 était mon favori, jusqu’à ce que je passe sur l’A380 ! C’est un avion moderne, il a servi de plateforme pour développer l’A350 » nous confie Christine Debouzy, l’une des rares femmes commandant de bord chez Air France sur cet appareil.
Pour Claude Mercier, Officier Pilote de Ligne sur l’A380 depuis 2017, le 747 était « presque » indétrônable. « Le superjumbo me manque, c’était un avion mythique avec un pilotage plus à l’ancienne, avec moins de calculateurs, mais l’A380 m’a agréablement surpris. »
En vol, les pilotes sont unanimes, avec des commandes de vols très souples, l’avion est à la fois doux, très stable et agréable malgré sa très grande inertie.
« Il a des ailes extraordinaires avec de grands ailerons, il est très précis, il se pilote au millimètre », nous explique Christine Debouzy. « Sur l’A380, avec le manche on pilote et on contrôle le facteur de charge et non l’assiette. C’est ainsi sur tous les Airbus, la spécificité de l’A380 est d’avoir un système particulier d’amortissement des turbulences sur les ailerons. »
« Il est très grand et facile à piloter, il ne faut presque pas le toucher ! » ironise Philippe Poncelin. Avec ses 79,75 mètres d’envergure, pour une longueur de 72,7 mètres et une masse maximals au décollage de 560 tonnes, l’Airbus A380 en impose.
« C’est un avion puissant et surdimensionné. Malgré sa taille et son énorme voilure, il est très maniable, et très agréable à piloter. Sur un Paris-NYC, nous montions directement au niveau de vol 390 (39 000 pieds) et nous traversions l’Atlantique au-dessus des autres » rajoute Thierry Paris.
Philippe Poncelin a connu l’Airbus A300… Selon lui le métier de pilote a évolué avec les nouvelles générations d’Airbus, du 320 au A380.
« On pilote différemment. Avant on pilotait avec un manche et l’avion nous offrait des sensations. On sentait véritablement l’avion. On sentait qu’il y avait les commandes au bout du manche. Sur A300 je pouvais créer moi-même des vibrations car on avait une réaction de l’avion, on sentait qu’on avait une commande directe sur la trajectoire, sur le contact de l’air avec l’avion. Aujourd’hui, nous travaillons par le biais de calculateurs. Et tout cela, ça me manque un peu, c’est pour ça que j’ai toujours fait du vol en aéroclub ! »
« C’est en effet un avion dont on pilote directement la trajectoire, contrairement au 747, où l’on agit sur les commandes de vol pour modifier l’attitude de l’avion. Sur ce dernier, on devait agir sur la bille au palonnier pour les virages comme en planeur. Il fallait toujours l’avoir en main, il était plus exigeant que l’A380, qui lui compense tout seul les variations d’attitude et de vitesse grâce aux calculateurs. » nous témoigne Claude Mercier.
« L’Airbus reste très automatisé comparé au 747 où en cas de panne moteur il faut contrer la dissymétrie au pied. Sur 380, quand on sort les trains d’atterrissage, les becs ou les volets, il n’y a pas besoin de mettre de trim ou de contrer les différents couples à piquer et à cabrer, les automatismes s’occupent de tout ! » poursuit Claude Mercier.
« Sur le 777, un avion partiellement automatisé, on commande les calculateurs, mais on applique toujours du trim manuellement. On est un peu dépaysé en arrivant sur le 380 mais avec l’entrainement et le simulateur tout se passe bien… » rajoute Philippe Poncelin.
Mais l’une des particularités de l’avion, dans sa conception, sont ses trains d’ailes très espacés. Cela rend l’avion plus stable et donc provoque moins d’inclinaison au décollage. « Attention toutefois à la dissymétrie provoquée par la portance » précise Claude Mercier, « il faut mettre un tout petit peu de dérive à la rotation ! »
Certains systèmes systèmes ingénieux du 380 ont marqués les esprits des pilotes… « C’est un avion intelligent » souligne Philippe Poncelin.
Comme notamment le système anticollision TCAS (Traffic alert and Collision Avoidance System) qui « contrairement au 777 où il faut appliquer une procédure de mémoire, gère tout seul la situation. Il se déclenche seul, nous on surveille et on s’annonce. C’est tout ! »
« C’est un avion beaucoup plus sécurisé et sécurisant » rajoute Christine Debouzy. « Il possède un système autonome de secours hydro-électrique (EHA) ou électrique sur les commandes de vol principales (EBHA) au cas où les deux circuits hydrauliques principaux tombent en panne. »
Pour l’atterrissage le système BTV (Break To Vacate) fut lui aussi très apprécié. Ce système de freinage intelligent calcule le meilleur freinage de l’avion pour s’arrêter pile au niveau du taxiway souhaité… « Sur un des écrans nous avons le plan du terrain », nous explique Philippe Poncelin, « on choisit la piste, le taxiway de sortie et on click ! Le GPS fait le reste, une fois posé l’avion ralenti et va freiner au bon endroit. Mais à Los Angeles, ils ont la fâcheuse habitude de nous demander au dernier moment de dégager tout au bout de la piste, il fallait donc être vigilant pour déconnecter le BTV à temps… »
« C’est un avion très fin, une grande plume, il n’est pas si simple à poser », nous explique Christine Debouzy. « Il plane et il faut parfois le forcer si l’on veut toucher les roues dans les 600 mètres de limite autorisée après le point d’aboutissement… »
« A l’arrondi, on tire à peine le mini manche… Avec des ailes si grandes, l’effet de sol est immense », rajoute Philipe Poncelin. « Une fois arrivés au bloc, on peut débriefer notre atterrissage grâce à l’ordinateur qui nous indique la distance de touché après le seuil de piste. C’est pratique pour savoir si on a bien fait… ou non ! »
« J’ai fait la plus belle et la plus intense approche de ma vie, le jour de mon lâché sur A380 ! » nous raconte Christine Debouzy. L’arrivée à JFK en piste 013 gauche ou droite, appelée aussi approche Canarsie (du nom du quartier de Brooklyn qui est survolé) a la particularité d’être guidée VOR (ou GPS) et de se terminer à vue par des aides lumineuses au sol dès le dernier virage, à l’instar de l’ancien aéroport de Kai Tak à Hong Kong.
« On la débute normalement à 1500 pieds pour descendre et se mettre en palier à 800 pieds jusqu’au dernier virage », précise Christine, « mais ce jour-là il y avait un avion devant et trop proche. Le contrôleur nous a demandé de rester à 2500 pieds d’où une descente plus rapide. Le Head Up Display de l’A380 offre une visée très précise. Ce jour-là, j’avais en plus 20 nœuds de vent de travers mais j’ai réussi mon plus beau kiss landing ! »
Cette approche était aussi en service pour le premier vol de Claude Mercier en A380, en juin 2017, c’est aussi l’un de ses plus beaux souvenirs.
« L’avion était plein avec plus de 500 passagers. C’est l’une des approches les plus difficiles au monde. Uniquement en service par mauvais temps à JFK. Pour éviter l’île de Manhattan, la percée se fait sur un cap nord-est vers la balise VOR de Canarsie et approchant 800 pieds (le 380 fait 240 pieds d’envergure), on engage un virage de 90 degrés vers la droite en suivant la course d’un lièvre au sol. l’inertie de l‘avion est assez importante et il faut bien prendre en compte les forts vents de travers souvent présents pour cette approche. Cette arrivée ressemble énormément à celle de Kai-Tak, l’ancien aéroport de Hong Kong. »
« C’est pour moi une super machine, le plus aboutit des Airbus dans sa catégorie, mais il est très gros… » nous confie Christine Heitz, commandant de bord, qui a volé 20 ans sur la famille A320 puis a terminé sa carrière en 2015 sur A380. « Il est plus compliqué sur les taxiways il faut s’y retrouver avec les plans de roulages des différents terrains. »
Claude Mercier confirme que « les aéroports sont adaptés aux gros porteurs jusqu’à des envergures de 65 mètres (B747, B777) mais l’A380 c’est 80 mètres ! A Los Angeles par exemple, le taxiway est trop proche de la piste utilisée pour cet avion, le bout de l’aile ne respecte pas les distances de sécurité. Lorsque qu’un autre gros porteur est sur la piste, il faut attendre pour utiliser le taxiway. A Mexico, il faut faire le tour de l’aéroport par l’Est pour rejoindre le terminal car les taxiways à l’ouest sont trop étroits. On perd 20 minutes ! On coupe 2 moteurs pour économiser du carburant… A Miami, un seul parking est adapté au 380, on le partageait avec Lufthansa et il n’y avait que 2h30 de battement entre les deux vols, mieux ne valait pas être en retard ! »
L’Airbus A380 ? un avion en avance sur son temps, « un pari osé avec ses deux étages et son fuselage ovale » précise Christine Debouzy. Un avion singulier aussi, qui s’est peut-être arrêté trop tôt « dommage qu’il parte à la case, ce n’est pas très écolo et c’est coûteux », conclue Christine Heitz…
Jérôme Bonnard
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Air France n'a jamais cru au 380 et la contrainte d'en acheter on la retrouve dans le confort. Comparer Emirates Quantas et British...nul n'est prophète dans son pays.
même reflexion pour le 350 par rapport au 787 Air France est une dés dernière compagnie à en acheter??? vive l'amérique!
Bel hommage de la part de ceux qui l'ont piloté !
Des " systèmes intelligents " et des " qualités de vol inattendues " pour sa masse et sa taille ; visiblement, les pilotes ont aimé la machine !
Les passagers, de toutes classes, semblaient adorer aussi !
D'autant plus dommage - et triste - de le voir s'arrêter après une carrière trop courte.
Bel hommage, j'ai eu la chance d'être sur le premier vol commercial d'AF en décembre 2009...
Simple passager, je n'ai jamais partagé l'engouement pour l'A380.
Le temps d'embarquement, débarquement, et par conséquent passage en douanes (à Roissy, parce qu'ailleurs dans le monde, ça fonctionne...) excessivement longs.
A quoi se réfère un passager pour juger de l'agrément ressenti lors d'un vol ? On oublie l'espace aux jambes et confort des sièges éco, propres à chaque compagnie.
Si je compare le 380 Air France avec les autres appareils long courrier Air France / KLM / Japan Airlines / Lufthansa / Swiss, il est nettement moins agréable.
Le silence à bord : il dépend largement de la situation du siège occupé. On oublie ce critère.
La circulation à bord : les allées ne sont pas larges que sur le B777 ou A340-600.
Les toilettes : les mêmes que dans un 320, alors qu'on les utilisera davantage au cours du vol long. On essuie la lunette des chiottes avec son pantalon à l'entrée et à la sortie. Dans un 777, c'est bien plus spacieux !
Dans un A340-600, l'espace dédié, sous la cabine passagers, en sous pont, est très agréable. On n'encombre pas les allées de circulation à attendre qu'une toilette se libère, on patiente hors de la cabine passagers dans un volume dédié, spacieux.
Le pont supérieur du 380 Air France, accessible par un escalier en colimaçon étroit et raide, est à éviter pour qui est claustrophobe : hauteur sous barrot bien trop faible. Vous mesurez plus de 175 cm, vous avez le sentiment de devoir baisser la tête à chaque pas.
Finalement, pas au niveau du 777 et regretté A340-600.
Monsieur pour moi le A 380 est le plus bel avion commercial du monde, le meilleur technologiquement , le meilleur confort .
regardez le décoller ou atterrir c'est un émerveillement.
Je dis et je persiste à dire que c'est un scandale et une honte que Air france désarme les A 380 il y a certainement plusieurs autres solutions afin de le rentabiliser.
Désarmer et détruire un A 380 c'est un gâchis innommable.
Je vous souhaite de faire de beaux voyages avec vos B 777 B787 .
Vous faites certainement parti de ces"intelligents" qui sous prétexte de l'être sont réducteur,sans vision de l'avenir et obsédé par le profit immédiat et la remontée des bénéfices aux actionnaires
Bonne journée
Le layout des A380 d'air France est vraiment le plus mauvais de toute les compagnies cliente et ne représente pas le niveau de confort moyen que peut apporter cet appareil. Volez avec un A380 d'Emirates, de Singapour ou de Quatar, vous n'en reviendrez pas tant le gouffre est immense.
Oui je confirme. C'est un magnifique oiseau. Je vole avec émirats depuis 10 ans. Les 777-300 sont beau mais pas comme le a380. Silencieux doux et sécurisant avec de la place pour les jambes. Vous pouvez manger tranquille même si devant vous il a baisse son siège et le choix de jeux de films et énorme. Dommage qu'il soit un gouffre à millions.