Les premiers biréacteurs ultra légers entrent en service à partir de cet été. Avec par ordre d’apparition dans l’espace aérien supérieur de l’Eclipse 500, du Citation Mustang, de l’Adam 700 et du Phenom 100. S’ils sont petits, ils n’ont rien à envier aux grands dont ils offrent les performances pour le prix d’achat de bimoteurs à piston. La révolution est en marche.
Sur les dix ans à venir, entre 4.300 et 5.400 pockets jets devraient entrer en service dans le monde. Des chiffres à donner le vertige d’autant qu’aucun modèle n’a encore été certifié et que les premières livraisons ne sont pas prévues, au mieux, avant cet été. Eclipse Aviation devrait remettre les clés du premier Eclipse 500 à son propriétaire pilote dans quelques semaines. Un événement qui va faire date dans l’histoire de l’aviation civile.
Le jet privé ultra léger est en effet un concept entièrement innovant que de plus en plus d’observateurs avertis s’accordent pour admettre qu’il va révolutionner l’aviation d’affaires. Les très sérieuses études prospectives annuelles de Rolls Royce et d’Honeywell le prennent désormais en compte. Les carnets de commande des constructeurs de ces petits bijoux ont fini de convaincre les plus sceptiques. Eclipse Aviation revendique 2.357 commandes dont 1.592 fermes, et le planning de production du Citation Mustang est complet jusqu’en 2009.
L’arrivée récente du constructeur brésilien Embraer sur ce créneau avec le Phenom 100, est une preuve de plus que nous sommes véritablement à la veille d’une révolution commerciale qui pourrait s’apparenter à un véritable raz de marée.
Le jet privé à 1 M$
Il aura fallu une bonne dizaine d’années pour en arriver là. La banalisation des matériaux composites, l’apparition de nouvelles suites avioniques et la miniaturisation des réacteurs, à partir du début des années 90, ont stimulé la créativité de constructeurs venus de nulle part.
Si les annonces de jets privés à moins de 500.000 US$ ont laissé de marbre la grande majorité des professionnels en place, elles ont suscité un vif engouement parmi les pilotes privés qui constituaient la cible visée. Les propriétaires de bimoteurs à piston conçus dans les années d’après-guerre ont commencé à entrevoir la possibilité de prendre les commandes de jets ultra modernes. L’engouement de cette clientèle potentielle a entraîné la multiplication des projets.
La quasi totalité de ceux qui ont vu le jour à cette époque n’ont jamais dépassé le stade de la déclaration d’intention. Certains ont débouché sur des prototypes sans lendemain.
Le seul rescapé de cette épopée héroïque est Eclipse Aviation qui est sur le point d’entrer dans l’histoire de l’aéronautique civile en certifiant le premier pocket jet. Et même si le prix de vente de son petit biréacteur a franchi la barre du million de dollars pour s’établir à 1,3 million de dollars, l’Eclipse 500 demeure non seulement compétitif, mais aussi quasi incroyable. De telles performances à un prix aussi bas, c’était tout simplement inimaginable, il y a encore quelques années en arrière.
Deux constructeurs prétendent encore pouvoir faire mieux. Ils demeurent toujours en-dessous de cette barre psychologique du million de dollar. Il s’agit d’Excel Jet avec le Sport Jet à 950.000 $ (prix octobre 2004) et de Diamond Aircraft avec le D-Jet à 850.000 $ (prix avril 2005). Ces deux appareils construits en matériaux composites sont aussi les deux seuls mono réacteurs. Ils offrent 4/5 places et sont destinés essentiellement à une utilisation privée. Toutefois, il s’agit là de deux programmes qui doivent encore faire leurs preuves. Aucun des deux avions n’a encore volé. S’ils sont menés à leur terme, il est fort probable qu’ils auront du mal à ne pas crever le plafond du million de dollars. A suivre…
Ce créneau est en ébullition.
Il y a quelques jours, Avocet Aircraft annonçait qu’il se retirait de la compétition. Ce projet d’une 6/8 places à 2,1 millions de dollars avait été lancé en 2003 par une start up américaine en coopération avec le constructeur israélien Israel Aircraft Industries. Il respirait le sérieux et pourtant. Quelques mois plutôt, c’était au tour du constructeur brésilien Embraer de se lancer dans la compétition en dévoilant son Phenom 100, un biréacteur de 8 places à 2,75 millions de dollars, sensiblement plus cher que le Citation Mustang (2,395 M$) ou que l’Adam 700 (2,1 M$). Ce programme s’inscrit dans la stratégie d’un grand constructeur aéronautique qui dispose de tous les moyens nécessaires pour le développer, depuis le stade de la conception jusqu’à celui de la certification.
Le constructeur brésilien vient d’achever la phase de définition en équipe intégrée composée de 300 ingénieurs. Une maquette numérique a été développée. Même s’il s’agit d’un biréacteur ultra léger ce sont des moyens lourds qui sont mis en œuvre pour donner naissance à cet appareil de six places dont l’aménagement intérieur a été confié au bureau de design du constructeur automobile BMW. La volonté de rupture avec le classicisme des avions d’affaires est évidente. La cabine et le poste de pilotage ne font qu’un.
C’est aussi le signe que cet avion est d’abord destiné à un usage personnel. Le propriétaire est aussi le pilote. C’est le cas pour les autres appareils concurrents. Même si des sociétés d’avions taxis de nouvelle génération et des programmes de propriété partagée sont intéressés par ces machines légères, le cœur de cible est le pilote aisé qui a envie de se faire plaisir. Et avec de tels avions, les propriétaires vont faire des envieux.
Confort et performances
Côté capacité, les cabines de ces biréacteurs s’apparentent à celles des monoturbopropulseurs tels que le Meridian de Piper ou le TBM850 d’EADS Socata. Celle de l’Eclipse 500 est même un peu plus petite, alors que celle de l’Adam 700 est comparable à celle d’un CitationJet. Celle du Mustang se rapprocherait plutôt de celle du KingAir 90 de Beechcraft. Ces comparaisons mettent en lumière qu’il s’agit vraiment là de petits biréacteurs. D’où l’appellation de plus en plus répandue de pocket jets. Plus globalement, ces avions ont été aménagés pour emporter six à huit occupants, poste de pilotage compris.
Côté motorisation, à l’exception d’Adam Aircraft qui a penché pour le réacteur Williams International FJ33 d’une poussée de 1200 lb, Eclipse Aviation, Cessna et Embraer ont tous trois opté pour la famille PW610 de Pratt & Whitney Canada : PW610F de 900 livres de poussée pour l’Eclipse 500, PW615F de 1350 livres pour le Citation Mustang et PW617F de 1615 livres pour le Phenom 100. Lorsque ces trois avions seront en production, Pratt & Whitney Canada prévoît de produire pas moins d’un moteur toutes les huit heures !
Ces motorisations offrent des performances tout à fait remarquables qui surclassent les turbopropulseurs et s’apparentent à celles des jets d’affaires classiques. Ces avions sont donnés pour croiser à des vitesses allant de 340 kts pour le Mustang et l’Adam 700, à 375 kts pour l’Eclipse 500 et même 380 kts pour le Phenom 100. Ils évolueront au niveau 410, c’est-à-dire quasiment au-dessus du trafic régulier, ce qui leur confère les mêmes atouts que leurs aînés.
Une place dans le trafic
Et cela ne va pas sans poser des problèmes. Beaucoup de professionnels du transport aérien ne voient pas d’un très bon œil l’arrivée de ces petites machines véloces dans leur environnement. Ils n’hésitent pas à mettre en doute la capacité des pilotes privés à gérer ces biréacteurs légers. Ils évoquent des questions de sécurité.
C’est un fait acquis : la majeure partie de la première vague de livraisons est destinée à des propriétaires bien décidés à piloter eux-mêmes leur avion. Tout simplement, parce qu’ils ont été les premiers à croire à ces nouveaux bolides. Les professionnels ont suivi plus récemment. Ils seront donc servis dans un deuxième temps. Eclipse Aviation affirme que 130 des 260 premiers appareils livrés au cours des douze mois qui suivront l’entrée en service de son biréacteur seront réceptionnés par des pilotes-propriétaires. Les deux années suivantes, environ 230 à 260 unités, sur 880 produites par an, iront à des acquéreurs qui exploiteront eux-mêmes leur avion. Cessna affirme également destiner son Mustang, en priorité, à cette clientèle que le constructeur de Wichita connaît particulièrement bien puisqu’elle est aussi celle de ces actuels modèles d’entrée de gamme, notamment celle du CJ1.
Les constructeurs des pocket jets sont conscients que l’avenir commercial de leurs avions est étroitement lié à la capacité des pilotes privés à les gérer. Aussi planchent-ils sur de nouveaux concepts de formation destinés à permettre aux pilotes de franchir avec succès le fossé qui existe entre l’ancienne et la nouvelle génération d’appareils. Il était également indispensable de rassurer les autorités de l’aviation civile américaine en vue de la délivrance du sésame qui donne accès à l’espace aérien supérieur.
Formation adaptée
En même temps qu’ils déroulent les programmes d’essais en vol, ils sont en train d’élaborer des cursus spécifiques et obligatoires de formation, à l’attention de leurs clients. Eclipse Aviation ne cesse de répéter qu’il refusera de livrer un avion à un client qui aurait échoué aux tests. A l’image de ses concurrents, les constructeur d’Albuquerque a conscience qu’il joue une partie serrée.
Les professionnels de la formation commencent également à entrevoir les enjeux de ce marché émergeant sur le point d’exploser. Le français Alsim, spécialiste des entraîneurs de vol spécifiques à l’aviation générale, estime pour sa part que les besoins devraient se situer aux environ de 6.000 pilotes à former dans les deux ans, sur le seul Eclipse 500. Une part importante des commandes émane en effet de sociétés d’avions taxis qui auront besoin de plusieurs équipages par avion.
Pour sa part, le constructeur canadien de simulateurs de vol CAE a entamé une réflexion de fond afin de mettre au point une formation adaptée aux futurs pilotes des jets ultra légers. Il entend prendre en compte l’écart important qu’il existe, dans la majorité des cas, entre le niveau de compétence des futurs pilotes et la complexité du nouvel environnement dans lequel les propriétaires de ces petits biréacteurs performants seront appelés à évoluer. La formation devra être concrète, le plus opérationnelle possible et la plus proche de la réalité. Elle devra aussi tenir compte du manque de disponibilité de cette clientèle. D’où le recours à un enseignement à distance par le recours à internet. CAE étudie des outils pédagogiques spécifiques.
Des aides au pilotage
Les pockets jets constituent une véritable rupture technologique. Tous seront notamment équipés de la toute dernière génération de suite avionique, en particulier du Garmin 1000 en ce qui concerne le Citation Mustang et le Phenom 100. Ces outils performants peuvent considérablement alléger la charge de travail du pilote, si ce dernier les maîtrise parfaitement. D’où la nécessité d’une formation poussée pour en connaître toutes les fonctions.
La conduite des réacteurs devrait grandement être facilitée par la généralisation des FADEC qui introduit une automatisation de la conduite moteur. En parallèle, les constructeurs n’hésitent pas à intégrer sur ces machines d’entrée de gamme toute la sophistication que l’on retrouve sur les autres modèles, au niveau des équipements de sécurité. C’est ainsi qu’Embraer, propose en série des avertisseurs de proximité du sol.
Les uns comme les autres ont conçu des avions dont les qualités de vol se veulent irréprochables. C’est là une condition indispensable dès lors que ces machines sont destinées à un vaste public de pilotes de tous niveaux. Ces avions doivent être sains et faciles à piloter. Pas question de mettre entre les mains de pilotes plus ou moins expérimentés de véritables petits chasseurs. Au contraire, ces pocket jets sont présentés comme des avions sages, malgré leurs performances.
Le succès commercial de cette nouvelle catégorie inédite d’avions privés, est bien évidemment étroitement lié à leur fiabilité et à leur facilité d’exploitation. C’est aussi sur cet aspect que sont attendus les constructeurs. En ce qui concerne les plus établis comme Cessna et Embrarer, la question ne se pose pas. En revanche, pour les nouveaux entrants, qui se lancent sans aucune expérience, elle est centrale. Les premiers mois d’exploitation seront cruciaux d’autant que la concurrence ne va cesser de s’intensifier.
Elle pourrait venir du côté de Honda qui développe actuellement un programme d’un biréacteur de six places, dans les faits, le quatrième pocket jet à avoir volé à ce jour. Honda affirme qu’il s’agit exclusivement d’un programme de recherche et que le Honda Jet n’est pas destiné à être commercialisé. Ce qui n’est pas le cas, en revanche, pour le moteur Honda HF118 de 1.670 livres de poussée qui l’équipe et qui est développé par une joint-venture constituée par Honda et General Electric.
Il serait toutefois étonnant que cet avion qui s’avère performant ne connaisse pas, à terme, une carrière commerciale, d’autant qu’il ne manque pas d’atouts. L’un des plus étonnants est sans doute la capacité de sa cabine liée à l’option retenue d’implanter les deux réacteurs sur deux pylônes au-dessus des ailes de manière à libérer entièrement la partie arrière du fuselage.
Officiellement, le lancement commercial du réacteur HF118 demeure la priorité de Honda et General Electric. Le succès des biréacteurs d’affaires s’il se confirme pourrait faire changer d’avis les deux partenaires.
Gil Roy. Altitudes N°12 / Juillet 2006
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