Retour au transport de masse pour l’A380

En 2016, le loueur irlandais Amedeo mettra sur le marché les premiers Airbus A380 à haute densité pouvant accueillir jusqu’à 650 passagers, soit au moins 30% de plus que la plupart des A380 déjà en service. C’est le retour au transport aérien de masse pour lequel le super jumbo jet européen avait initialement été imaginé.

Au moment où de grandes compagnies comme Air France et Etihad dévoilent des premières classes d’un luxe jamais égalé, qui supposent des tarifs de l’ordre de 25.000 dollars, à l’autre bout de l’échelle, la notion de transport aérien de masse reprend vigueur, haute conjoncture aidant. Ainsi en témoigne le choix d’Amedeo (ex-Doric Lease), société de location-bail de Dublin, qui va proposer à ses clients des A380 équipés de 590, voire 630 sièges. En Russie, Transaero envisage même un aménagement à 652 places.

Ces initiatives ont le mérite de rappeler la vocation première de l’A380 : offrir des coûts directs d’exploitation sensiblement inférieurs à ceux de la génération précédente. Ce qui suppose des cabines densifiées, quitte à sacrifier quelque peu le confort des voyageurs.

L’A380 se prête bien à de tels exercices : les autorités de certification acceptent jusqu’à 853 sièges dans le paquebot européen de l’air, une limite fixée en fonction du nombre de portes de l’avion et de la possibilité, en cas d’accident, d’évacuer tous les passagers en moins de 90 secondes. La démonstration en a été faite, dans l’obscurité et en n’utilisant que la moitié des portes d’évacuation.

Amedeo a commandé dix A380 qui lui seront livrés à partir de la fin 2016. C’est une opération audacieuse (d’autant qu’aucun client de n’est manifesté à ce jour) mais qui présente un grand intérêt, mettre l’A380 à la portée de compagnies qui ne seraient pas en mesure d’acquérir en pleine propriété un long-courrier dont le prix catalogue est supérieur à 400 millions de dollars.

Amedeo est le seul loueur à avoir choisi cette option. Mais, dans quelques années, on verra apparaître sur le marché les premiers A380 de seconde main, mis en vente par Emirates. Cette dernière prévoit en effet de remplacer ses avions les plus anciens par certains des 150 A380 qu’elle a commandés au fil des années et dont 47 exemplaires sont actuellement en service.

L’initiative d’Amedeo, pour l’instant unique, repose sur une argumentation qui rappelle celle des premières équipes marketing d’Airbus de 1999/2000. A savoir que le trafic double tous les 15 ans, justifiant la mise en œuvre d’avions de capacité accrue sur les grands axes, c’est-à-dire les liaisons entre mégapoles. « Nous voulons capter la croissance du trafic », souligne Mark Lapidus, directeur général d’Amedeo.

Pour doter l’A380 d’autant de sièges, de nouveaux aménagements de cabine sont indispensables, la principale modification consistant à installer des rangées de 11 sièges, et non plus 10 comme c’est actuellement le cas en classe économique. Cette hypothèse de travail est maintenant devenue réalité, Airbus ayant présenté une telle configuration densifiée lors du récent salon spécialisé Aircraft Interiors tenu à Hambourg.

Tout se joue au centimètre près. Aussi ne suffit-il pas d’installer des sièges légèrement plus étroits pour « tasser » davantage les passagers. Le plancher du niveau inférieur de l’avion devrait être légèrement relevé pour tirer un meilleur parti de la courbure du fuselage.

On imagine la suite des événements : à condition que l’A380 tienne ses promesses et bénéficie de commandes plus nombreuses (elles sont actuellement très inférieures aux prévisions), les bureaux d’études ressortiront tôt ou tard des cartons l’A380-900, version à fuselage allongé, c’est-à-dire… l’avion à mille place.

Pierre Sparaco