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REX – Eclatement de pneus suite à l’atterrissage dur d’un Boeing 737 à Nantes

L'atterrissage dur d'un Boeing 737-800 de Transavia à Nantes a occasionné un éclatement des pneus du train avant, la déformation du train et des impacts sur la cellule et les aubes du fan d'un moteur. © BEA

En octobre 2022, l’équipage d’un Boeing 737-800 de Transavia France est en approche sur Nantes-Atlantique. Alors que tout semble optimal, l’avion de ligne avec 165 passagers va subir un facteur de charge de près de 3G à l’atterrissage. Les pneus du train avant sont éjectés, l’avion endommagé. Des facteurs environnementaux et humains associés ont pu mener à cet accident, sans conséquences pour les passagers.

Le 1er octobre 2022, un Boeing 737-800 exploité par Transavia France transporte 165 passagers depuis Djerba jusqu’à l’aéroport de Nantes-Atlantique. L’avion établi en descente, les dernières informations météo donnent du vent pour 250° pour 10 kt avec des rafales à 17 kt. C’est la piste 21 qui est en service et l’équipage envisage une approche de non-précision RNP21.

L’équipage est constitué d’un commandant de bord et instructeur qui est le « pilot monitoring » (PM) lors de l’approche sur Nantes. Dans le rôle du PM, le commandant de bord contrôle les actions et aide le copilote dans sa fonction de « pilot flying » (PF). Ce dernier est en charge de la conduite du vol, jusqu’à l’atterrissage.

Pour ce vol, le copilote est associé à un instructeur dans le cadre d’une adaptation en ligne (AEL). Il revient d’un arrêt maladie de 3 mois et doit se familiariser à nouveau avec les vols commerciaux et les procédures de Transavia. Le rôle de PF, sous la supervision du commandant de bord, lui permet de retrouver ses repères et les sensations aux commandes.

Profil vertical de l’atterrissage. © BEA

A priori, le vol du jour vers Nantes n’a rien d’exceptionnel et les compétences du copilote sont au niveau attendu. Le même équipage s’est déjà posé la veille sur la piste 21 en suivant la même approche RNP21. Le copilote, qui était PF, a jugé que son atterrissage de la veille n’avait pas été optimal et souhaitait mettre tout en œuvre pour ne pas le reproduire. L’enregistreur des paramètres de vol (FDR) avait enregistré un facteur de charge de 1,7g à l’atterrissage, mesuré au niveau du centre de gravité du Boeing 737.

Le commandant de bord a tenu toutefois à rassurer le copilote, qui s’est posé à Djerba par 30 kt de travers, alors « que normalement un copilote avec peu d’expérience sur le type avion est limité à 15 kt de vent de travers et que cette limitation est levée en cas d’instruction. »

© BEA / LIDO

En descente vers Nantes, l’équipage briefe l’approche RNP21 qui présente quelques particularités. Les menaces identifiées sont la surface de la piste, qui présente une « bosse » après le repère d’approche matérialisé par les deux bandes blanches et le PAPI. Une autre menace réside dans l’approche décalée de l’axe de piste. La RNP21 fait suivre un cap décalé de 13° par rapport à l’axe de piste pour permettre d’éviter le survol du centre-ville de Nantes. L’alignement sur  l’axe de piste se fait à seulement 1 NM, au point d’approche interrompue (MAPt, Missed Approach Point). L’altitude minimale de descente est, à la date du vol, de 530 ft (relevée à 830 ft en janvier 2023).

Les conditions météo du jour donnent un plafond nuageux à 600  ft, 70 ft seulement au-dessus des minimas. L’approche est faisable, même si l’équipage précise que la piste ne sera visible qu’au « dernier moment. »

A ce moment, le BEA relève le premier facteur ayant probablement contribué à l’accident. L’équipage énonce bien les menaces, mais ne précise pas les mesures à prendre pour y répondre de manière adaptée. « L’équipage n’évoque pas de stratégie pour la conduite de l’approche et l’utilisation des automatismes. Les mesures permettant d’atténuer les menaces identifiées pour l’arrondi ne sont pas répétées. »

L’approche est menée sans problème apparent, à une vitesse adaptée. Vers 2000 ft, en descente après le FAF (Final Approach Fix, le point d’approche final FRS21 qui, à 3.000 ft, autorise la descente vers l’altitude minimale de descente), le copilote annone qu’il déconnecte le pilote automatique pour passer en pilotage manuel. Pour le BEA, cette déconnexion des automatismes très en amont a pu induire une charge de travail élevée pour le copilote, du fait notamment des particularités de l’approche RNP21.

L’approche se poursuit et l’instructeur demande d’effectuer de petites corrections pour bien maintenir l’axe de piste, ce qui ne pose pas de problème apparent au copilote. Du fait du profil de la piste montante et descendante, le BEA précise que la voix synthétique associée au radioaltimètre annonce les hauteurs, mais avec un décalage qui a pu perturber la perception du copilote pour effectuer l’arrondi, habituellement entrepris sur B737 à partir de 20 ft radiosonde. L’annonce est passée de « thirty » (30 ft) à « ten » (10 ft) en seulement 1 seconde, ce qui a contribué d’après le BEA à un arrondi tardif.

Le BEA relève que le toucher des roues du train principal « a lieu avec une assiette d’environ 5 degrés (…) et à un facteur de charge de 2,95 g » au niveau du centre de gravité de l’avion. A la suite de l’accident, Boeing a calculé que le train d’atterrissage avant a subi un facteur de charge local de 6,5g.

« Les jantes du train d’atterrissage avant sont rompues entre la zone d’assise du talon et les rebords des jantes. » © BEA

L’avion rebondit sur la piste et, pour éviter que la queue de l’avion ne touche la piste (tail strike), le commandant de bord « applique instinctivement une action à piquer d’environ trois quarts du débattement maximal possible, sans annoncer la reprise des commandes au copilote. »

« Les trains d’atterrissage droit et avant entrent en contact avec la piste (…), toujours dans sa partie montante (…). Les deux pneus du train d’atterrissage avant éclatent et se désolidarisent des jantes. » En roulant sur les jantes, l’instructeur libère la piste et s’arrête sur une voie de circulation. Personne n’est blessé parmi les passagers et les membres d’équipage et l’avion est évacué.

L’analyse de l’avion révèle que « le train d’atterrissage avant est endommagé en plusieurs endroits et son caisson est déformé. Le cadre de l’avion situé au droit du train avant est déformé. La cellule ainsi que les moteurs portent plusieurs traces d’impacts, très probablement causés par des éléments des roues et des pneus lors de leur séparation. »

Aspect de la piste 21 et impacts des trains d’atterrissage. © Transavia / BEA

Comme souvent lors d’un accident, le BEA relève qu’une somme de facteurs ont probablement contribué à l’événement. En plus des facteurs abordés plus haut et concernant le briefing sur les menaces ou les annonces de la radiosonde, le BEA met en avant des facteurs contributifs allant d’habitudes et de biais liés à des risques et jusqu’à la publication d’informations partielles quant au profil de la piste par l’exploitant.

D’après le rapport du BEA, « selon Transavia, à la date de l’accident, le risque associé à la survenue d’un tail strike était considéré comme plus important que celui associé à un atterrissage dur avec rebond. » Cette considération a pu déformer la conscience du risque au moment de l’accident du B737 à Nantes en minimisant les risques liés à un atterrissage dur.

Le BEA précise que depuis, Transavia a pris plusieurs mesures de manière à améliorer le suivi des pilotes en AEL mais aussi pour aider les instructeurs dans leurs prises de décisions. La position de l’instructeur est complexe, entre la nécessité de laisser le copilote faire pour acquérir de l’expérience et la nécessité de reprendre les commandes quand il le faut, au bon moment.

Le BEA relève également que l’approche en question sur l’aéroport de Nantes ne fait désormais plus partie des approches envisagées dans le cadre d’une adaptation en ligne. L’approche RNP21 est « exploitée sous dérogation signée par la DSAC car cette approche est désaxée » non pour des raisons de sécurité (ce type d’approche se rencontre souvent en région montagneuse par exemple) mais pour des considérations portant sur l’environnement de l’aéroport.

En outre, le profil de la piste « est non-conforme aux exigences applicables » : la pente longitudinale de la piste dépasse le maximum exigé de 0,8% et « la distance de visibilité de la piste ne répond pas aux critères exigés. »

Vinci Airports, exploitant de l’aéroport Nantes-Atlantique, précise au BEA que la mise en conformité de la piste et son aplanissement nécessiteraient des travaux importants qui ne peuvent être envisagés pour des raisons économiques. Ces travaux entraîneraient une fermeture de l’aéroport pendant plusieurs mois.

Si le profil de la piste est bien décrit dans les cartes d’approches , le BEA demande toutefois à Vinci Airports et au SIA de préciser dans les cartes que la piste fait l’objet d’une dérogation et les raisons de la non-conformité.

Pour lire le rapport du BEA.

Pour consulter la carte d’approche RNP21 sur Nantes-Atlantique (SIA, décembre 2023).

Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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