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Ryanair est-elle en train d’infléchir sa stratégie ?

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Pierre Sparaco

Ryanair semble décidée à améliorer son image. L’assouplissement de certaines règles fondatrices de la compagnie « ultra low cost » et la montée en puissance du service clientèle laissent entrevoir, non pas un changement de cap, mais plutôt une correction de dérive. Michael O’Leary mettrait-il de l’eau dans… son whisky irlandais ?


Michael 0’Leary, l’extravagant directeur général de Ryanair, est peut-être disposé à mettre de l’eau dans son vin, en supposant qu’il comprenne tardivement qu’il a été trop loin dans sa manière de pressurer sa clientèle. Laquelle a accepté d’avaler de nombreuses couleuvres tout simplement parce qu’elle recherche les tarifs les plus bas, que seule la compagnie irlandaise est en mesure de lui offrir : la recette moyenne par coupon de vol se monte à 42 euros, avant que soient inclus les suppléments, inévitables, et qui font évidemment monter la facture. Mais sans rejoindre pour autant les prix affichés par EasyJet, Vueling et les vraies-fausses concurrentes construites sur un modèle économique similaire.

Bien sûr, les actions en justice dérangent et ternissent la réputation de Ryanair, la manière brutale dont sont traités ses équipages, désormais sur la place publique, crée un profond malaise dans l’opinion et les aides financières d’origine aéroportuaire ou de chambres de commerce sont de plus en plus contestées. Mais l’appât des petits prix reste plus fort que tout…

Bien sûr, Michael O’Leary n’envisage en aucun cas de faire amende honorable et encore moins de se contredire. Mais le voici qui, imperceptiblement, adopte un ton nouveau, plus conciliant, qui demande à être vérifié dans les faits et dans la durée. On remarque, par exemple, que Caroline Green vient de sortir de l’ombre et de l’anonymat : elle est la directrice du service clientèle de la compagnie, dont personne n’avait entendu le nom précédemment. Elle dirige un service jamais mentionné dans le passé, ce qui pourrait suffire à déceler un infléchissement de stratégie.

En effet, quand les horaires d’été seront appliqués, à partir d’avril 2014, l’embarquement se fera systématiquement avec attribution de siège. Et les passagers seront autorisés à emporter un deuxième (« petit ») bagage à main tandis que divers suppléments et surcharges seront restreints. Ce qui pourrait d’ailleurs suffire à créer une érosion des résultats financiers de la compagnie, excellents mais établis sur base d’équilibres subtils.

Des vols « silencieux » vont également être créés, le matin avant 8 heures, le soir après 21 heures, toute annonce étant proscrite pour respecter le calme de la cabine, comme le fait la SNCF en classe « zen ». Une attention délicate.

Il est faux d’affirmer que Ryanair est entrée dans une zone de fortes turbulences. Les médias qui l’affirment ont perdu le sens de la mesure en même temps que leurs repères, Ryanair prévoyant de dégager un bénéfice de 510 millions d’euros au terme de son exercice fiscal 2013/2014. C’est effectivement moins que prévu (il avait précédemment été question d’un bénéfice de 602 millions), cela sur un chiffre d’affaires de 3,25 milliards. Mais c’est aussi un niveau de rentabilité que lui envient toutes les autres compagnies européennes.

Michael 0’Leary et ses acolytes ne distillent que les informations qui leur conviennent et il est d’autant plus difficile de faire la part des choses. A savoir qu’au-delà des conséquences dommageables d’une conjoncture maussade, Ryanair doit sans doute admettre qu’elle a fait en grande partie le plein de clientèle et ne peut plus espérer croître et embellir au-delà du taux actuel, tombé à 6 % par an environ. Elle transporte actuellement un peu plus de 80 millions de passagers par an avec 303 Boeing 737-800, dessert 180 destinations dans 29 pays et assure 1.600 vols quotidiens. Ce qui lui vaut le titre enviable de numéro 1 en termes de passagers internationaux, à l’échelle de l’Europe s’entend.

Ce n’est évidemment pas la fin de l’Histoire. Le réseau continue et de densifier. La forte présence de la compagnie à Marseille Provence en témoigne (alors qu’elle s’en était temporairement retirée) tandis qu’elle va revenir à l’EuroAirport de Bâle-Mulhouse. En avril prochain, des lignes vers Dublin et Londres Stansted seront rouvertes. Elle continue par ailleurs de densifier son réseau moyen-courrier et la rumeur laisse entendre qu’une filiale ayant pour vocation la desserte de destinations lointaines pourrait voir le jour. Ici et là, quelques mots ont été lâchés et, en supposant qu’il ne soit pas imprudent d’en tenter la synthèse, on en arrive à entrevoir un concept de compagnie essentiellement transatlantique qui desservirait en un premier temps New York et Los Angeles, avec une flotte de plusieurs dizaines de 787. Rêve ou réalité prochaine ? Désinformation ? Volonté d’attribuer une victoire post mortem à Freddie Laker ? Pour l’instant, toutes les hypothèses sont permises.

Entre-temps, Ryanair poursuit son chemin, prévoit de transporter 89 millions de passagers en 2015 et 110 millions en 2019. En clair, elle s’arroge ni plus ni moins un cinquième du trafic court-courrier européen, talonnée par EasyJet, plus conventionnelle, plus convenable, est-on tenté de dire, mais dont les grilles tarifaires sont moins étonnantes. Dans le même temps, à tort, les analystes regardent trop peu dans la direction de Southwest Airlines, qui a créé le modèle économique en son temps, et arrivée à maturité, éprouve les pires difficultés à se maintenir dans le peloton de tête du transport aérien américain. On donnerait cher pour savoir ce qu’en pense Michael O’Leary. Mais, malgré les apparences, et bien que fort en gueule, cet homme parle très peu.

Pierre Sparaco

Grâce à la commande récente de 175 avions, en partie seulement destinés à créer une capacité supplémentaire, Ryanair cherche à exploiter une flotte très jeune
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Pierre Sparaco

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  • Ryanair est-elle en train d’infléchir sa stratégie ?
    A l'avenir pour faire des bénéfices Ryanair s'alignera tôt ou tard comme les autres compagnies.
    Elle créait ses bénéfices,sur des méthodes douteuses et maintenant,elle ne pourra plus que compter que sur elle-même c'est à dire créer la différence différence de prix des billets sur sa propre méthode de gestion des vols et sur une politique de salaires tirés vers le bas et rien d'autre.
    On ne s'étonne pas alors qu'elle s'intéresse maintenant au long courrier puisque l'étau se resserre autour d'elle.

  • Ryanair est-elle en train d’infléchir sa stratégie ?
    Petite devinette, quelle est la difference entre AF et Ryanair ?
    Le type d'avion?
    Non, meme type 320/737
    Le pich ?
    Non le meme.
    Le confort (ou plutot l'inconfort) en cabine ?
    Non, encore !
    La securite ?
    Euh, preque la meme car chez AF on casse les avions
    a un rythme soutenu.
    Les tarifs (pour un pax sans bagages) ?
    Oui, 3 fois oui.

    • Ryanair est-elle en train d’infléchir sa stratégie ?
      à Michael
      - Peut-on comparer la SNCF qui dessert la France entière comme AF le monde entier avec la RATP qui reste dans Paris comme Ryannair uniquement en Europe ?
      Les professionnels du transport aérien international (que j'ai été) vous diront qu'il s'agit presque de deux métiers différents.
      - Quant à la "casse des avions d'AF", en faire un argument avec le ton ironique que vous employez pour en parler est limite indécent avec un mépris total de la mémoire des équipages et passagers disparus ..

  • Ryanair est-elle en train d’infléchir sa stratégie ?
    Ce que je retiens, c'est que Ryanair vient d'émettre début novembre un second avertissement sur résultats en moins de deux mois.
    Qu'elle est revenue à Strasbourg en avril dernier, et maintenant à l'EuroAirport de Bâle-Mulhouse; et qu'elle ne bénéficie d'aucun traitement spécial et devra payer les mêmes taxes que les autres compagnies.

  • Ryanair est-elle en train d’infléchir sa stratégie ?
    la dégradation de l'image de Ryanair dans l'opinion publique est également liée à son attitude d'employeur inhumain, objet de nombreux procès, au refus de reconnaitre à ses salariés, auto entrepreneurs et intérimaires le moindre droit

    n'oublions pas l'attitude arrogante de MOL face à la représentation des pilotes et son refus de dialoguer avec eux, les procès engagés face à ceux ci...

    le verdict punitif de Marseille est une preuve : dans ce domaine rien ne change, hélas !

    Zola n'avait pas prévu que ses misères s'appliqueraient, un jour, au monde de l'aviation

  • Ryanair est-elle en train d’infléchir sa stratégie ?
    Oh non ! Dommage ! J'adorais le fait de pouvoir choisir ma place gratuitement.

    Qu'importe, Ryanair a encore de beaux jours devant elle. Quoiqu'on en dise...

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