Par Pierre Sparacco – Fidèle à son concept originel, Southwest n’est plus systématiquement la moins chère, mais elle reste l’une des plus compétitives d’où le surcroît d’intérêt qu’elle suscite auprès des compagnies aériennes de tous types, en Amérique du nord comme en Europe. Au moment où elle étend son réseau au-delà des USA, et alors qu’elle affiche son influence, la championne du « point à point » apparaît, plus que jamais, comme le modèle à étudier.
C’est la compagnie aérienne américaine la plus célèbre de toutes, celle qui a inventé et installé le concept du low cost, copié à travers le monde, et inspiratrice, notamment, de Ryanair et EasyJet. Southwest exploite près de sept cents avions, transporte plus de 100 millions de passagers par an et, depuis sa création, a constamment été bénéficiaire, malgré les accidents conjoncturels de tous ordres.
La voici qui revient dans l’actualité, par la grande porte : elle a décidé d’inaugurer bientôt de premières lignes internationales. De là à imaginer qu’elle devienne une entreprise planétaire, il n’y a plus qu’un petit pas à franchir. Mais ce ne sera pas le cas : Southwest bénéficie d’une gestion de bon père de famille, elle affiche une grande prudence en toutes circonstances, installée par le père fondateur, Herb Kelleher, aujourd’hui retiré des affaires, et son patron actuel, Gary Kelly.
De plus, ce dernier a d’autres soucis : s’il contient brillamment ses coûts d’exploitation, Delta Air Lines, United Airlines, American Airlines, font maintenant aussi bien. Aussi lui arrive-t-il de ne plus afficher les tarifs les plus bas du marché. Un cas de figure que personne n’aurait osé envisager il y a quelques années. Seuls JetBlue, Spirit et Allegiant font mieux, mais à une moindre échelle.
Du coup, la planète entière s’interroge. Le modèle low cost serait-il arrivé à son terme, à son aboutissement ultime ? La réponse n’est évidemment pas simple. En effet, Southwest reste l’exemple à suivre mais, au fil des temps, les « majors » se sont considérablement rénovées, améliorées, ont fait des bonds en avant spectaculaires en termes de productivité. Elles ont simplifié leurs structures, réduit leurs personnels, modernisé et rationalisé leurs flottes, ouvrant ainsi la voie à de grands progrès. Ce que n’ont d’ailleurs pas réussi la plupart des grandes compagnies européennes qui peinent à changer d’époque.
Southwest, tout au contraire, n’a jamais cessé de se remettre en question. Elle continue de croire aux vertus du point à point, excluant la notion de hub. Ce qui lui permet de gérer chacune de ses lignes comme autant de PME animées par un personnel très motivé. De plus, son poids économique lui a peu à peu donné une grande influence économique et politique. Ce qui explique, dernier exemple en date, qu’elle ait obtenu une totale liberté d’action, avec un blocage de plus de 40 ans, sur l’aéroport historique de Love Field (Dallas). Des contraintes réglementaires d’un autre âge y freinaient son développement, pour protéger Dallas-Fort Worth, grand aéroport moderne très proche qui correspond davantage, précisément, aux aspirations des majors.
Au-delà de ces considérations d’actualité, il s’agit surtout de savoir si Southwest rentre imperceptiblement dans le rang, ce qui reviendrait à constater que son modèle économique, le low cost pur et dur, est sur le point d’être périmé, voire condamné. Rien n’est aussi simple, bien sûr, mais à partir du moment où ses coûts directs d’exploitation et ceux de Delta et consorts se rejoignent, peut-être le rêve de certains économistes est-il sur le point de se réaliser, l’apparition d’un modèle économique unique qui conviendrait à toutes les catégories de transporteurs aériens. Voici la question brutalement posée, sachant qu’une fois de plus, ce sont les Etats-Unis qui innovent.
De Ryanair à EasyJet en passant par Air France-KLM et le groupe Lufthansa, tous tournent les yeux vers le Texas, prêts à s’inspirer de la nouvelle manière de faire de Southwest. Ce qui revient à dire que, sur le plan des idées et des concepts, les Européens ne sont pas encore tout à fait capables de voler de leurs propres ailes.
Pierre Sparaco
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Southwest : au-delà du low cost, un modèle
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