Ce 24 juin 1982, alors qu’il est en croisière à 37.000 ft, le Boeing 747-200 « City of Edimburgh » de British Airways perd brutalement ses quatre réacteurs. L’équipage plonge, à finesse max, vers Djakarta. En cabine, une inquiétante odeur de brûlé vint s’ajouter aux symptômes d’un phénomène inexpliqué.
Il était un peu plus de 20 heures, ce 24 juin 1982, lorsque le Boeing 747-200 « City of Edimburgh » de British Airways décolla de Kuala Lumpur, en Malaisie, direction Perth en Australie, dernière escale avant Auckland en Nouvelle-Zélande, terme d’un périple commencé à Londres deux jours plus tôt. Pour cette nouvelle branche sous l’indicatif Speedbird 09, c’est un nouvel équipage qui s’est installé pour conduire quelques 247 passagers au-dessus de l’océan. Eric Moody, commandant de bord, Roger Greaves, copilote et Barry Townley-Freeman, mécanicien navigant, avaient récupéré un avion sans aucune panne et le vol s’annonçait tranquille, avec une météo sereine.
Environ une heure et demie après l’envol et alors que l’itinéraire du Jumbo l’entraînait aux abords de Djakarta à quelques 37.000 pieds d’altitude, son pilote éprouva une petite envie de se détendre les jambes. Il laissa les commandes à son copilote et descendit les escaliers pour aller profiter des toilettes des premières classe. Il était 9h40.
Soudain, sur le pare-brise apparut un phénomène étrange, une pluie de petites étoiles qui semblaient venir s’écraser sur les vitres. Ce n’étaient pas des feux de Saint-Elme phénomène fréquent et familier des navigants. Passé les premiers instant, fascinant et magique, l’inquiétude commença à poindre chez le copilote : « J’aime pas ça ! Demande à Eric de revenir dans le cockpit, allume « attachez vos ceintures » pour les passagers, branche le dégivrage et les « igniters » !
D’ailleurs, dans la cabine, graduellement, une sorte de fumée commençait à se répandre. Pour les PNC, encore rien d’alarmant, peut-être un cigare mal éteint quelque part.
Eric Moody revint alors à son poste et ce qu’il vit lui évoqua immédiatement des tirs de balles traçantes qui s’écarteraient à la dernière seconde. Un passager témoigna plus tard que ça lui rappelait le film Starwars et le passage en hyperespace du Falcon Millenium. Une drôle d’odeur de brûlé vint s’ajouter aux symptômes d’un phénomène inexpliqué.
« Il y a le feu sur l’aile » crièrent quelques passagers, le nez collé aux hublots. Certains observèrent les réacteurs cracher des flammes comme avec une improbable post-combustion.
9h42, le moteur 4 s’arrêta d’un coup. Rien de grave, le 747 a été conçu pour se permettre de perdre 25% de sa puissance propulsive sans conséquence. Mais, alors que l’équipage avait débuté la procédure de redémarrage, une minute plus tard, c’est le réacteur 2 qui perdit d’un coup sa puissance. Là, les choses se corsaient vraiment et le temps de réfléchir à l’origine d’un tel problème, ce sont les réacteurs 1 et 3 qui lâchèrent.
« J’y crois pas, on a perdu les quatre ! » s’exclama Towlney-Freeman comme pour se persuader qu’il ne cauchemardait pas.
9h44, à bord du plus lourd planeur de l’histoire, 250 tonnes, l’équipage lança un ‘mayday’ à la radio, laquelle, pour rendre les choses encore plus complexes, semblait particulièrement perturbée.
Le déroutement vers Djakarta s’imposait absolument. Mais privé de ses Rolls-Royce RB211, le 747 dont la finesse n’avait alors rien à envier à celle d’une brique, y parviendra-t-il ? L’équipage tenta de rallumer les immenses soufflantes qui pendaient sous les ailes. L’avion descendait et les masques à oxygènes des passagers tombèrent. A ce rythme-là, le vol n’allait pas durer encore longtemps et surtout se terminer en drame. Le masque à oxygène du copilote ne fonctionna pas, obligeant, par précaution, le commandant de bord à sacrifier une précieuse altitude pour trouver un niveau de vol compatible. Mais comme un joueur d’échec peut sacrifier une tour, la manœuvre s’avéra étonnamment profitable.
9h50, après d’innombrables tentatives, le moteur 4 consentit à reprendre du service. La trajectoire de descente s’arrondit. Il restait 108 nautiques à parcourir selon le DME.
Au niveau 120, la densité de l’air permit au moteur 3 de se rallumer. Et d’un coup, les réacteurs 1 et 2 sortirent à leur tour de leur courte léthargie… C’était l’occasion de reprendre un peu d’altitude, de marge de sécurité. Arrivé au niveau 150, le 2 s’arrêta une nouvelle fois, preuve d’un problème sérieux et que le retour à la normale n’était peut-être qu’un sursis. Mais l’espoir avait changé de camp.
Dans le cockpit, on ne cessait de s’affairer pour tenter de récupérer toute la puissance, sans vraiment comprendre ce qu’il se passait. Mais Djakarta arrivait. L’avion, sous contrôle, effectua un circuit d’approche pour se poser finalement piste 24 à 10h25.
Le mont Galunggung était en éruption depuis plusieurs semaines et, comme quelques autres avant eux, ils étaient passés dans le panache de cendres volcaniques, particulièrement abrasives et tellement sèches qu’elles étaient invisibles au radar météo. Pas de notam, pas d’informations particulières. Et un avion dont les réacteurs ont été irrémédiablement endommagées en quelques secondes.
L’exploit de l’équipage qui a œuvré en synergie a été cité en exemple longtemps et leur exploit ne fut sans doute surpassé qu’au-dessus de l’Hudson bien plus tard. Et même s’ils n’ont été en véritable plané qu’une petite partie des 40 minutes de leur aventure effrayante, ce vol a été homologué comme le plus long vol plané d’un avion de ligne avant que le 767 de Gimli (17 minutes de vol plané) et que le 330 d’Air Transat (20 minutes de plané) ne viennent concurrencer la performance du Speedbird 09.
Le Boeing 747 a ensuite repris du service et a fini démantelé à la fin des années 2000. Eric Moody s’est éteint en mars dernier à l’âge de 82 ans. En 2010, quand le volcan au nom imprononçable a cloué au sol tout le trafic transatlantique, il s’en est sans-doute trouvé pour clamer qu’on en faisait peut-être trop…. Mais sûrement pas lui !
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