L’effet réchauffant des traînées de condensation est démontré. Un moyen de réduire drastiquement leur apparition – des changements mineurs d’altitude – fait ses preuves en Europe. Une jeune entreprise commercialise déjà un service pour les compagnies aériennes.
Les chercheurs y ont longtemps travaillé et ont fini par lever le doute. Les traînées de condensation, à l’origine des fins nuages blancs qui apparaissent derrière un avion en croisière à haute altitude, concourent significativement au réchauffement climatique. Désormais, c’est un fait admis dans la communauté aéronautique. On parle en général des deux tiers de l’impact global du transport aérien sur le climat. Certains émettent encore des doutes sur cette proportion mais tout le monde est d’accord : on doit empêcher la création des traînées.
Chez Eurocontrol, l’organisme en charge de la gestion de la circulation aérienne en Europe, on poursuit des essais de prévention. Les premières expérimentations ont été encourageantes. De petites modifications dans les trajectoires des avions peuvent réduire considérablement le nombre de traînées de condensation et les cirrus qui en résultent.
Le centre de contrôle de l’espace aérien supérieur de Maastricht (MUAC), aux Pays-Bas, s’occupe d’un espace aérien très fréquenté, avec 16 % de tous les vols en Europe. Ce site d’Eurocontrol a mené un essai réel en 2021, en partenariat avec le centre allemand DLR de recherche aérospatiale. Un échantillon de 250 vols de nuits ont fait l’objet d’évaluations pendant neuf mois.
C’est dans les zones ISSR (Ice Super Saturated Regions) saturées en glace – des cristaux en suspension – que se forment généralement les traînées. On peut prédire la localisation de ces zones et il a donc été demandé aux vols de s’écarter de leur altitude. Les contrôleurs leur demandaient de modifier leur niveau de vol de plus ou moins 2.000 ft (600 m).
Au résultat, des traînées de condensation ont bel et bien été évitées, a déclaré Ilona Sitova, spécialiste de la performance environnementale chez Eurocontrol, lors d’un récent colloque. Autrement dit, des procédures opérationnelles ont été établies avec succès pour prévenir l’apparition des traînées.
Des obstacles existent. Prévoir la localisation des zones ISSR était plus compliqué et moins fiable que prévu, a déclaré Ilona Sitova. Voir les traînées restantes via l’imagerie satellitaire s’est montré difficile.
Après ce premier essai, le MUAC d’Eurocontrol a organisé une simulation. Il s’agissait de mesurer l’impact de telles mesures sur la capacité de l’espace aérien, sans le perturber. Ainsi, en 2023, 21 contrôleurs aériens ont participé à trois jours de prévention des traînées dans un trafic virtuel.
Certains niveaux de vol, où des zones ISSR virtuelles étaient présentes, ont été bloqués. D’où une réduction de 20 % de la capacité, a déclaré Ruediger Ehrmanntraut, chef de projet. En outre, la complexité a augmenté de façon exponentielle à mesure que les niveaux de vol étaient bloqués.
Décider du changement d’altitude avant le vol, plutôt qu’en vol, s’est révélé la meilleure option. Pour la mise en œuvre réelle du concept, des outils de visualisation seront nécessaires, ainsi que pour la gestion des capacités. Aux heures de pointe, les changements de trajectoire ne sont tout simplement pas réalisables, ajoute le chef de projet.
Le MUAC se prépare maintenant à une nouvelle série d’essais opérationnels. Les contrôleurs auront à leur disposition un outil de prévision fourni par Google. Les essais auront lieu de jour et des caméras pointées vers le ciel vérifieront leur efficacité. Les données devraient être traitées plus rapidement et les résultats meilleurs qu’en 2021, prévoit le MUAC.
Certains vont plus vite. C’est le cas de l’entreprise britannique Satavia, qui propose aux compagnies aériennes un service de plan de vol adapté. Elle se fonde sur son propre modèle de prévision des zones ISSR.
La jeune pousse estime à 5% la proportion des vols qui génèrent 80 % des traînées persistantes. Pour chaque vol traité, la réduction de l’effet climatique équivaut à une consommation diminuée de 17 tonnes de carburant. Changer d’altitude peut certes faire consommer davantage mais cette augmentation est négligeable, de l’ordre de 100 kg.
Depuis 2021, Satavia a mené des tests avec Emirates, Etihad et KLM. Etihad utilisera ses services quotidiennement à partir de janvier 2024.
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Hum, hum ! 100 kg de delta de consommation, je demande à voir. Et même je n'y crois pas du tout. Car ce sont les vols long courriers qui exigent les altitudes de croisière les plus hautes, là où justement se créent les traînées de condensation. Donc un niveau de 2 ou 4000 pieds inférieurs génèrent une surconsommation pendant plusieurs heures, et cela peut représenter un pourcentage de 5% (je dis ça à la louche, car dépendant de nombreux paramètres, liés au type d'avion, la masse, etc).
Prévoir à l'avance, c'est-à-dire donner à l'équipage une information fiable au moment de la préparation du vol, c'est-à-dire quelque chose comme 3 ou 4 heures avant d'être aux niveaux de croisière critiques, et compte tenu que les prévisions météo fournies à ce moment-là ont déjà été validées encore 3 ou 4 heures avant la préparation … hum, hum ! Là encore le doute s'immisce dans ma cervelle de reptilien.
Il n'y a qu'à voir les prévisions météo en général, la méthode actuelle devient l'ouverture du parapluie, donc plutôt tendance à exagérer l'occurrence des phénomènes.
Et puis, il faudrait équiper les avions de ligne d'un rétroviseur type monoplace des 24 heures du Mans ou de Daytona, si vous préférez.
Et d'ailleurs… un peu d'histoire : le Lockeed F-5 Lightning (et non pas P-38) d'Antoine de Saint-Exupéry était équipé d'un rétroviseur disposé en position centrale sur le haut de sa "canopy". Et la méthode des pilotes de reconnaissance volant à des altitudes d'environ 10 000 mètres, c'était de monter le plus haut possible, avec un oeil sur le rétro. Et dès que le pilote voyait les deux trainées de condensation de ses moteurs, qui du sol ne devaient paraître qu'une seule, hé bien il descendait d'un chouia. En effet les traînées étaient d'excellents repères pour les chasseurs allemands. Pour en savoir plus : "Saint-Exupéry, ses combats" http://www.editionslaterales.com. Un peu de pub, ça ne fait pas trop de CO2 en plus. Fly safe !
Bonsoir Bernard,le U-2 était également équipé d'un retroviseur, exactement pour la même raison : détecter la présence de la trainée de condensation qui trahissait la présence de l'avion. Au pilote ensuite de changer son niveau de vol en conséquence. Bonne année !